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Busnel et Cormeil prennent le virage du whisky sur la route du calvados

maison colombage normand chais busnel

®TheTravelBuds x Busnel | ©DR

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

12.12.2025

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La Maison Busnel, la doyenne des distilleries du Calvados, incarne l’un des exemples les plus significatifs de diversification dans l’univers des spiritueux français. Son patrimoine s’enracine dans plus de deux siècles de savoir-faire autour du cidre et de l’eau-de-vie du Pays d’Auge. Ces dernières années, la maison normande a montré une belle capacité d’adaptation en développant de nouveaux segments, notamment le whisky, devenu un pilier stratégique de sa croissance.

L’histoire commence vers 1820 à Pont-l’Évêque où la veuve Quétel produit de façon artisanale cidre et calvados. Sans enfant, elle transmet peu à peu son expertise à un certain Ernest Busnel scellant une alliance fondatrice. Celle-ci se prolonge lorsque Georges, fils d’Ernest, épouse en 1902 une nièce de la distillatrice. De cette union naît d’abord la marque « Busnel & Quétel », puis « Busnel & Fils » quand Pierre, fils de Georges, rejoint l'activité familiale en 1927. Finalement seul « Busnel » est conservé. Dès le début du XXᵉ siècle, la maison affirme son excellence dans la sélection et l’assemblage des eaux-de-vie du pays d'Auge avec comme slogan « point de bon calvados sans bonnes pommes ». Elle s’internationalise rapidement et devient même en 1938, fournisseur exclusif du paquebot transatlantique « Queen Mary » puis, en 1960, du « France ». Après la destruction de ses installations pendant la guerre, une nouvelle distillerie renaît en 1952, avant un déménagement majeur en 1977 vers une ancienne cidrerie à Cormeilles, opération motivée par les besoins d’automatisation et de place pour soutenir la montée en puissance industrielle.

Leader du calvados

Le premier producteur de calvados s’inscrit dans un marché en profonde recomposition. Les distillateurs normands expédient désormais plus de la moitié des cinq millions de bouteilles produites sous appellation à l’étranger, alors que la consommation nationale a été divisée par quatre en trente ans. La maison normande, qui produit 1,3 million de bouteilles par an à partir de 12 000 tonnes de pommes (cinq à six kilos de pommes sont nécessaires pour élaborer un litre de calvados), profite de cet attrait international : 55 % de sa production est commercialisée à l'étranger, principalement en Russie, dans les pays scandinaves, aux États-Unis et au Japon. Pour Jean-Luc Pignol, président et directeur commercial, « à l’export, le calvados est nouveau, donc moderne. En France, il est plutôt perçu comme un produit traditionnel et fort en alcool, car il est surtout consommé pur ».

Après avoir été racheté par le groupe Pernod Ricard en 1977, Busnel est entré dans le giron du groupe La Martiniquaise en 2003. L'entreprise travaille sous contrat avec plus de 200 producteurs cultivant une quarantaine de variétés de pommes et entretient également 12 hectares de vergers en propre près de Honfleur. Son procédé innovant de distillation à la vapeur, en chauffe indirecte évite l'utilisation d'énergies fossiles. Or, la solidité technique de la marque, le secteur du calvados souffre d’une érosion structurelle de la demande. « La clé de la redynamisation réside dans la démocratisation des usages, notamment la consommation en long drink, à l’instar du whisky-cola ou du gin-tonic, analyse Jean-Luc Pignol. Mais cette révolution culturelle a été engagée tardivement par l’appellation. Le rebond observé en 2024, lié à l’afflux touristique provoqué par le 80ᵉ anniversaire du Débarquement, ne suffit pas à compenser la tendance de fond ». Ainsi, si 45 % des volumes de Busnel sont encore vendus en France (avec un référencement dans un millier de GMS), l’export s’impose comme une bouée stratégique indispensable. Dans ce contexte, le pommeau, qui pèse 15 % de la production, se maintient avec des ventes plus stables.

portraits Jean-Luc Pignol et Gaëtan Delamarre
Jean-Luc Pignol et Gaëtan Delamarre ®The Travel Buds

La Martiniquaise joue la diversification

Face à ces mutations, Busnel a entrepris une diversification ambitieuse et a multiplié les innovations : cocktails prêts à boire, arrangés à base de calvados (orange-café et vanille), gin et vodka à base de pommes AOC. Il y a six ans, elle s’est lancée dans le whisky, avec l’objectif d’y trouver un relais de croissance. Ce virage s’appuie sur une maîtrise du procédé éprouvé au sein du groupe, notamment avec la marque Label 5. La distillation s’effectue en alambic charentais, tout en intégrant un brassage sur site. Busnel privilégie des malts normands issus d’orge locale, préservant une identité territoriale forte et cohérente avec son histoire.

La marque s’est hissée au premier rang des single malts français en grande distribution. La gamme s’articule autour d’un single malt vieilli en fûts de chêne américain, d’une version aux accents calvados grâce à un finish dans les fûts maison, et d’une nouveauté légèrement tourbée, pour séduire les amateurs sans être trop clivante. Les prix contenus, moins de 30 €, constituent un levier d’accessibilité puissant, qui explique en partie le succès de la marque en rayon. Un coffret de trois whiskies en 20 cl en édition limitée (29,90 €) complète l’offre pour les fêtes.

Cormeil : une marque taillée pour la montée en gamme

Parallèlement, Busnel a développé avec son maître de chai Gaëtan Delamarre une marque plus haut de gamme destinée aux cavistes et à la boutique. « Cormeil » est un clin d’œil au village de Cormeilles où se situe la distillerie. Cette ligne repose sur des finitions plus complexes, une recherche poussée autour des essences de bois (merisier, érable, acacia), et plusieurs single casks, soit une dizaine de références. Certaines de ces éditions limitées ne sont disponibles qu’à la boutique ou chez quelques cavistes normands, dans une logique de premiumisation. Elles alimentent par ailleurs le développement de l’œnotourisme. Busnel est déjà l’un des sites les plus visités de Normandie avec 20 000 visiteurs par an.

Cette diversification semble avoir porté ses fruits : les ventes globales de Busnel ont progressé de 15% en quinze ans, grâce à la dynamique des cocktails, des arrangés, du gin, de la vodka, et du whisky depuis 2019. Pour la première fois cette année, la maison vend même davantage de whisky que de calvados en grande distribution, preuve de la pertinence de l’orientation stratégique. Elle commence également à exporter ses whiskies en Belgique, en Italie et en Suisse. Tout en demeurant un acteur clé du calvados, Busnel incarne la conversion d’une expertise artisanale en avantage compétitif dans des catégories en croissance, notamment le whisky, devenu en moins de six ans un moteur commercial et un vecteur de modernité pour la marque.

gamme whisky busnel cormeil
©FHermine

Terre de Vins aime

Single Malt Cormeil affiné en fût de calvados (42,7 %) 65€

Vieilli trois ans en fût de chêne et affiné plusieurs mois en fût de calvados du pays d'Auge.

Il s’exprime sur des arômes de compote de pommes, tarte Tatin, céréales grillées, épices douces avec une note de miel et de vanille sur une finale légèrement iodée.

Single Cask Cormeil Peated Cask Janusz edition (46,5 %) 75€

En hommage à Janusz, ami anglais du maître de chai Gaëtan Delamarre qui l'a initié au whisky il y a plus de 20 ans. Un 100 % orge tourbé à 50 ppm importée d'Angleterre. Un tourbé léger et iodé sur des arômes de céréales grillées, foin, tabac blond, cuir, sur une note torréfiée de chocolat au lait (450 bouteilles)

Busnel Tourbé en fût de calvados Pays d'Auge (46,5 %) 28,90 €

Le dernier né de la maison, un single malt légèrement tourbé et doucement fumé. Un vieillissement en fûts neufs et fûts roux pendant au moins trois ans pour un whisky doux et délicat, une touche de céréales et de toffee sur une note saline.


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