Mercredi 31 Décembre 2025
Le château La Baronne dans les Corbières, durement touché par les flammes cet été. ©DR
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31.12.2025
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Feux d’ampleur inédite dans les Corbières, vendanges plus qualitatives que prévu mais structurellement faibles, mobilisation massive à Béziers, disparition d’une figure majeure et anniversaire symbolique de l’AOP Languedoc : l’année viticole écoulée en Languedoc-Roussillon a concentré plusieurs événements. Un enchaînement de crises et de réponses concrètes qui dessinent l’état réel du vignoble.
Début août, le nord des Corbières a été frappé par un incendie d’une ampleur exceptionnelle. Le feu, parti de Ribaute le 5 août, a traversé quinze communes de l’Aude en quelques heures. Sur l’aire d’appellation Corbières, environ 20 000 hectares ont été affectés par les feux, dont près de 1 000 hectares de vignes en AOC directement touchés, brûlés ou fortement enfumés.
Passée la sidération, la priorité a été donnée à la gestion du risque de « goût de fumée ». Dès la mi-août, une cellule de crise a été activée par la Chambre d’agriculture de l’Aude, avec l’ouverture de permanences locales et la mise en place d’un protocole d’analyses coordonné avec l’État et plusieurs laboratoires. Plus de 500 parcelles ont été analysées, afin d’aider les vignerons à trancher, cas par cas, entre vendange, tri sévère ou abandon de récolte. Un outil déterminant pour éviter des vinifications sans issue.
Sur le plan financier, la visite ministérielle a débouché sur un fonds d’urgence de 8 millions d’euros, destiné à couvrir les pertes de récolte et de matériel, avec un plafond d’aide fixé à 3 500 €/ha (assurance déduite). En parallèle, un accompagnement technique spécifique a été engagé pour préparer l’après-feu : gestion des ceps stressés, adaptation de la taille et projection sur les deux prochaines campagnes.
La solidarité privée s’est également manifestée rapidement, à travers des actions interappellations et une grande soirée caritative organisée le 25 novembre au château de Boutenac par Gilles Goujon, réunissant chefs, vignerons et partenaires du territoire.
Sur le plan climatique, le millésime 2025 a confirmé la tendance de 2024. Un printemps assez arrosé a permis de reconstituer les réserves hydriques, avant une canicule tardive et une sécheresse marquée en août. La conséquence a été nette : réduction de la taille des baies et baisse des volumes de jus.
Dans les chais, les premiers jus ont livré un constat largement partagé : fraîcheur, précision aromatique et équilibres préservés. Blancs et rosés se sont montrés vifs, les rouges tanniques et équilibrés, portés dans plusieurs secteurs par des nuits fraîches de fin d’été. En Terrasses du Larzac, à Limoux, sur le cru Boutenac ou dans plusieurs IGP, les profils annoncés sont jugés fins et complexes.
Sur le plan quantitatif, la situation est plus préoccupante. En Languedoc-Roussillon, la production est estimée en recul d’environ -9 % sur un an et -19 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années, avec de forts écarts selon les secteurs, pouvant atteindre -30 % à -50 %. Dans un contexte de stocks déjà fragilisés par 2024 et d’arrachages engagés, la pression économique reste élevée.
En Roussillon, l’année a remis en lumière le rôle central du grenache. Lors de la Nuit des Grenaches du Monde, organisée à Thuir et Maury, le cépage a été présenté comme un outil technique pleinement opérationnel face au réchauffement climatique. Résistant à la sécheresse, capable d’expressions variées — vins secs, rosés — il constitue un socle agronomique majeur pour le vignoble, observé de près par d’autres régions méditerranéennes.
À l’automne, plusieurs milliers de viticulteurs ont manifesté à Béziers pour dénoncer une situation économique jugée intenable. Pression de la grande distribution sur les prix, concurrence étrangère, accumulation des normes, aléas climatiques : les syndicats ont alerté sur l’état des trésoreries et la fragilisation des exploitations.
Entre 4 000 et 7 000 personnes ont défilé dans le centre-ville. Une délégation a été reçue par la ministre Annie Genevard, les discussions ont porté sur trois leviers principaux : soutien de trésorerie, poursuite de l’arrachage et accompagnement commercial.
L’année s’est achevée avec la disparition de Bernard Jeanjean, figure historique du vignoble languedocien. Dirigeant et bâtisseur, il a accompagné pendant plusieurs décennies la structuration de la filière, de la logistique à la commercialisation, et participé à la transformation du Languedoc viticole. Sa disparition a suscité de nombreux hommages dans la profession.
Enfin, le vignoble a célébré les 40 ans de l’AOP Languedoc. Un anniversaire qui a donné lieu à un retour sur l’évolution de l’appellation, passée d’une logique majoritairement volumique à une construction progressive autour des terroirs, dans un contexte désormais dominé par les enjeux climatiques, économiques et de valorisation.

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