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Les Primeurs 2009 par Angélique de Lencquesaing, iDealwine.com

Auteur

La
rédaction

Date

15.03.2010

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La grand-messe de primeurs a déjà commencé pour les liquoreux Sweetet battra son plein à partir de la fin du mois de mars à Bordeaux. Acheteurs et journalistes viennent des quatre coins du monde goûter le millésime 2009, encore en barriques pour les dix huit mois à venir. Leurs notes détermineront les décisions d’achat du négoce lors de la campagne d’achat qui suit les dégustations. Les vins seront livrés à l’issue de leur période d’élevage, deux ans après leur réservation en primeurs. Malgré le système des allocations, qui permet aux plus grands crus de réserver la vente à certains acheteurs professionnels, mais aussi à des particuliers, la demande croissante de vins de Bordeaux a généré une spéculation qui s’est invitée dans le cycle de vie économique de ces vins dès l’étape des réservations en primeur.Angélique de Lencquesaing, associée-fondatrice d’iDealwine.com, partage son sentiment sur la campagne des primeurs du millésime 2009.

Comment analysez-vous l’évolution des ventes bordelaises en primeur ?
Angélique de Lencquesaing : « Le système des primeurs avait à l’origine été conçu pour placer l’amateur et le château dans une relation « gagnant-gagnant » : le domaine finançait la période d’élevage de ses vins en commercialisant la récolte avant sa mise ; la contrepartie pour l’amateur résidait dans un prix d’achat sensé être attractif par rapport à celui que le vin vaudrait après la mise en bouteille, dix-huit mois ou deux ans plus tard. A l’origine tout le monde devait y trouver son compte.
Aujourd’hui le système de distribution en primeur donne le sentiment d’avoir atteint ses limites, tout particulièrement sur le marché français, où, 18 mois après la campagne, on retrouve une large gamme de vins dans les catalogues des foires au vin de l’hexagone, à des prix extrêmement proches du cours de sortie. L’intérêt, pour l’amateur, de les avoir achetés en primeur est pratiquement nul ; l’avantage demeure pour les crus rares, avec de petites productions, je pense à certains domaines de Pomerol, à Petrus bien sûr, même s’il est à peu près inaccessible en primeur. Je pense aussi aux quelques vins qui vont faire l’objet d’un consensus (et de notes maximum) de la part de l’ensemble des dégustateurs. Deux ou trois domaines se distinguent à chaque campagne, c’est la ruée, ils deviennent rapidement introuvables. Les obtenir en primeur dès la première tranche*, c’est déjà acquérir l’assurance d’en avoir dans sa cave…»

Comment se présente la campagne du millésime 2009 ?
Angélique de Lencquesaing : « La campagne se profile avec un intérêt évident pour le millésime, qu’on annonce grandiose : les conditions climatiques ont été abondamment commentées à la fin de l’été et à l’automne, nous avons rencontré les producteurs, qui nous disent n’avoir pas vu une telle qualité de raisin depuis 1982. Tout indique que nous nous trouvons devant un très grand millésime. Le problème, en ce qui concerne les prix, est que 2009 représente le quatrième millésime « du siècle » annoncé au cours des dix dernières années ! Il y a eu 2000, puis 2003 (avec quelques incertitudes apparues depuis sur la capacité de garde des vins), 2005 et désormais 2009. Quatre millésimes « mythiques » en une décennie, c’est tout de même une situation inédite qui impose une analyse des prix. Si l’on regarde les 2005, un certain nombre de vins s’adjugent dans les ventes aux enchères à des niveaux de prix en nette baisse, beaucoup d’entre eux n’ont pas retrouvé leur cours de sortie en primeur. Plus inquiétant, le nombre de vins dont la cote est inférieure à leur cours de sortie tend à s’accroître avec la dégradation de la situation économique. »

Quels sont vos conseils aux aspirants acheteurs pour cette campagne ?
Angélique de Lencquesaing : « Il faudra se montrer vigilant quant à ses achats en primeur 2009 : tout dépend de l’horizon vers lequel on souhaite regarder. L’achat en primeur n’est pas forcément un investissement exclusivement financier. Beaucoup d’amateurs font l’acquisition de plusieurs caisses d’un même vin pour financer leur consommation de la caisse qu’ils garderont. Dans cette perspective, un achat à bon prix en primeur doit pouvoir se valoriser sur quatre ou cinq ans. Sachant que, à plus long terme, si 2009 se révèle réellement LE grand millésime de la décennie (voire du siècle), la hausse des prix pourra s’accentuer …
Sur 2009, je conseille de comparer le cours de sortie et la cote actuelle des 2005, qui constituent deux indicateurs précieux du prix raisonnable auquel on peut acheter aujourd’hui un 2009. Si le prix d’un 2009 reste en dessous de celui des 2005, l’achat peut se révéler intéressant. Je conseille également de regarder la cote actuelle d’un millésime plus ancien qui fait référence, comme 1995 pour les vins de la rive droite ou 1996 pour ceux de la rive gauche, mais aussi 2000 ou 1990. Ce dernier est vraiment un bon exemple car, avec le recul, on sait aujourd’hui ce qu’il vaut en terme gustatif par rapport aux primeurs 2009, qui restent à l’état de promesse… Certains crus aujourd’hui matures s’échangent à des niveaux de prix étonnamment attractifs par rapport à ceux des millésimes récents. Même si l’on a besoin d’enrichir sa cave de millésimes à boire dans dix ou quinze ans, il n’est pas inutile de garder à l’esprit ce que coûte un vin à maturité aujourd’hui.
Cette année, la fragilité de la situation économique doit inciter les amateurs à faire preuve de sélectivité, et non d’aveuglement : verdict dans deux ans lors des foires au vin… »

* Les primeurs sont généralement commercialisés en plusieurs « tranches ». La première tranche, qui porte généralement sur un faible volume de bouteilles, permet de tester la réactivité du marché au prix proposé. En cas de succès, les tranches suivantes peuvent être commercialisées à des prix plus élevés.