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1741 : le retour vers le futur du château Carbonnieux

De gauche à droite : Christine, Marc, Philibert, Eric et Andréa Perrin.

Auteur

Mathieu
Doumenge

Date

08.11.2023

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Connu et reconnu pour son expertise sur les vins blancs, le cru classé de Graves de la famille Perrin dévoile une nouvelle cuvée en édition limitée : un 100% sémillon qui a vocation à s'inviter parmi les blancs emblématiques de Bordeaux.

Peu de domaines peuvent se vanter d'être des marques à part entière, dans l'acception la plus positive du terme : à savoir des repères et des valeurs refuges pour le consommateur. C'est le cas de Château Carbonnieux. Ce Cru Classé de Graves, dont l'histoire remonte à plus de 700 ans, est la plus vaste propriété de l'appellation Pessac-Léognan*, s'étendant sur 200 hectares dont une centaine à potentiel viticole. 90 sont en production actuellement, dont près de la moitié est dédiée à la production de vin blanc. Le blanc de Carbonnieux, c'est un "style" à part entière, et une "marque" très puissante.

Renouer avec la grandeur du sémillon
Ce style s'est d'autant plus affirmé depuis 1956 et le rachat de la propriété par la famille Perrin, qui en quatre générations a su faire de Château Carbonnieux un modèle de succès, notamment en veillant à garder à leurs vins un caractère distributif - et non, ceci n'est pas du tout péjoratif, n'oublions pas que le vin est d'abord fait pour être distribué, acheté et consommé. Eric, Christine et Philibert Perrin, qui ont pris la suite de leur père au carrefour des années 1990, ont parachevé un long travail de restructuration du vignoble dont la nouvelle génération, déjà incarnée par Andréa (à la technique) et Marc (au commercial), les fils aînés d'Eric Perrin, est déjà prête à écrire le prochain chapitre.

Et ce prochain chapitre pourrait bien commencer... par un retour vers le passé. Ou un retour vers le futur, si l'on considère que l'avenir de Bordeaux passe par la redécouverte de ses cépages qui sont constitutifs de son identité et ont parfois été négligés. C'est le cas du sémillon, cépage blanc certes valorisé dans le Sauternais mais souvent éclipsé par le sauvignon, depuis plusieurs décennies, dans l'assemblage des blancs secs. Conquis par les résultats donnés depuis plusieurs millésimes par quelques parcelles de vieux sémillons (nous parlons de vignes âgées d'au moins 70 à 80 ans) recouvrant une surface totale d'une dizaine d'hectares, les Perrin ont eu l'idée d'en exprimer la "substantifique moelle" en signant un blanc monocépage bénéficiant de toutes les attentions : "l'idée était de donner naissance à un grand blanc de gastronomie qui soit la définition même de l'identité du sémillon", expliquent de concert Philibert, Eric et Andréa Perrin. "Nous voulions retrouver le gras, la richesse, le profil flatteur et délicat de ce cépage qui a la capacité de rivaliser avec les grands chardonnays, tout en conservant l'ADN de Carbonnieux, l'élégance, la fraîcheur, le caractère tendu et digeste".

Un hommage aux moines du XVIIIème siècle
Ce 100% sémillon issu de sols argilo-calcaires (en particulier une veine calcaire très spécifique de l'appellation) cultivé à une densité de 7200 pieds/hectare et vendangé à des rendements maîtrisés (32 hl/ha), est vinifié sous bois puis élevé pendant 10 mois en barriques de 225 et 400 litres, dont la moitié de fûts neufs, avec bâtonnage. C'est le millésime 2020, le premier de cette nouvelle cuvée, qui est aujourd'hui mis en marché à hauteur de 1500 bouteilles seulement, au prix de 145 € TTC : on se positionne donc sur le haut de gamme des blancs bordelais, en jouant aussi sur la rareté - il ne sera produit que sur les millésimes exceptionnels. Dans le verre, que trouve-t-on ? Laissons-lui d'abord un peu de temps pour se déployer. Son aromatique se dévoile pas à pas, ou plutôt par cercles concentriques, annonçant d'abord de légères notes pétrolées malgré sa jeunesse, pierre à fusil, un boisé encore présent mais intégré, puis des déclinaisons florales (jasmin) et iodées, de l'abricot sec, de la peau d'orange, de la bergamote, de la feuille de thé. En bouche, une texture très soignée, c'est un blanc tactile, souple, au milieu de bouche ample sans être envahissant, au fruit mûr et charnu mais toujours soutenu par une fraîcheur bienvenue. De fins arômes briochés s'invitent sur la persistance, avant de céder la place à de légers amers nobles en finale. C'est indubitablement un blanc de garde.

Son nom ? "1741", en référence aux moines bénédictins de l'abbaye de Sainte-Croix à Bordeaux qui habitèrent à Carbonnieux de 1740 jusqu'à la Révolution Française, et dont la petite chapelle sise sur la propriété est un des vestiges du passage. 1741 est l'année de leur première vendange, sous la supervision du moine cellérier du domaine, Dom Galéas, auquel cette cuvée rend hommage. Elle est donc, tout à la fois, une mise en perspective salutaire pour une propriété à l'histoire plusieurs fois centenaire, et une promesse d'avenir, pour Carbonnieux mais aussi pour tout Bordeaux : on n'a jamais fini de redécouvrir le potentiel d'un puissant patrimoine viticole.

carbonnieux.com

*Une "jeune" appellation puisqu'elle a vu le jour en 1987.