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Champagne : ces Maisons qui rachètent des logements pour leurs vendangeurs

©AR Lenoble

Auteur

Claire
Hohweyer

Date

28.09.2023

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La vendange 2023 en Champagne a remis en lumière les conditions d’hébergement des saisonniers. Si certains, une minorité, abusent ; d’autres offrent des logements dignes et un confort dans l’intérêt de tous.

« Il y a plus de 20 ans, j’avais un vendangeoir pour loger les saisonniers. Mais je l’ai fermé car la réglementation était très restrictive. L’année dernière, j’ai finalement acheté des maisons d’habitation et cette année, j’ai de nouveau accueilli des vendangeurs. » La tendance, dans le vignoble champenois, était jusqu’alors à l’abandon progressif de l’hébergement des saisonniers ; Antoine Malassagne, du champagne AR Lenoble, fait le chemin inverse.

De très nombreux acteurs du monde du champagne ont d’ailleurs été choqués par la révélation de nouvelles enquêtes ouvertes pour traite d’êtres humains, pour l’hébergement de saisonniers dans des logements insalubres et indécents. Les coprésidents du Comité champagne, David Châtillon et Maxime Toubart, ont d’ailleurs pris la parole ensemble lundi 25 septembre dans les colonnes de L’union, condamnant « fermement ces comportements inqualifiables ».

Gagner en sérénité
« Cela fait 35 ans que nous accueillons des gens du voyage. Ils viennent en camping-car et nous leur mettons un terrain à disposition. Ce sont des êtres humains qui travaillent pour nous, il faut les considérer », affirme René Goutorbe, à la tête du champagne Henri Goutorbe à Aÿ. Au total, le négociant héberge entre 70 et 80 personnes dans l’Aube et dans la Marne. « Dans l’Aube, par exemple, nous avons logé 18 Bulgares dans une maison disposant de quatre douches, d’une machine à laver… » Le nécessaire pour être dans le meilleur confort possible durant la période de récolte. « Ils ont tout. S’ils ont besoin de quelque chose, ils me le demandent. » Idem dans un autre logement, à Aÿ, calibré pour neuf personnes. « Nous sommes passés de deux à trois salles de bain. Les normes, oui, il y en a. Mais nous avons les maisons, les terrains. On s’adapte. » Il n’y a que la nourriture que la famille Goutorbe ne fournit pas, « mais nous avons installé des frigidaires ».

Antoine Malassagne a également choisi de s’adapter, dans l’intérêt de la qualité de la récolte et de la convivialité. « Avant le covid, j’avais déjà des difficultés à recruter. Alors, pendant un an et demi, j’ai fait appel à un prestataire, mais je n’étais pas satisfait. Le timing n’était pas toujours respecté, les gens ne répondaient pas toujours à l’appel et, à la fin, la note était salée », raconte Antoine Malassagne. « Je ne dis pas que tous les prestataires ne font pas bien leur travail, mais j’en suis revenu. »

Rentabiliser en proposant de l’hébergement touristique
À l’hiver 2022, il acquiert des maisons du côté de Montmort-Lucy. Au printemps suivant, des travaux d’aménagement sont effectués, « pour le confort de tous », et à la vendange 2023, 32 saisonniers, « à 90% des étudiants polonais », sont accueillis. « J’ai aussi loué un gîte pour une dizaine de personnes. » Objectif 2024 : loger la totalité des vendangeurs dans des habitations appartenant à AR Lenoble. « Hormis les premiers jours très chauds, où nous avons arrêté de couper à 14h, je n’ai eu aucun souci. Je ne sais même pas si j’ai fait des économies, car je n’ai encore pas fait le bilan. Mais ce n’est pas l’essentiel pour moi. J’ai plutôt gagné en sérénité, car je sais comment les saisonniers sont nourris et logés. On a aussi gagné en qualité de travail, même si c’était la première fois pour beaucoup d’entre eux. »

Le Champenois reconnaît qu’il s’agit d’un investissement conséquent pour une dizaine de jours de récolte. Mais il envisage d’amortir le coût en proposant de l’hébergement oenotouristique le reste de l’année. Ce retour à l’hébergement des saisonniers offre un bilan satisfaisant pour le négociant de Damery. « Les années précédentes, la vendange était une corvée, remplie de stress. Là, c’était de nouveau un moment de fête. »

Maxime Toubart : « L’homme est au cœur du système »
Très prochainement, les coprésidents du Comité Champagne vont se réunir avec les services de l’Etat (préfet, Dreets…), la MSA, les employeurs et tous les acteurs concernés par les conditions de travail et d’hébergement durant les vendanges. « Nous allons tout remettre à plat, pour voir ce qui ne fonctionne pas. Il faut reprendre de la base », indique Maxime Toubart, coprésident du Comité Champagne, représentant le syndicat général des vignerons (SGV). « Il s’agit d’une première étape. Entre les conditions techniques et l’accueil des saisonniers, il faut trouver des solutions acceptables pour tout le monde. La profession est encadrée, le code du Travail est précis, et nous sommes un métier agricole qui travaille sur une denrée périssable. Tout cela doit être pris en compte. Nous sommes conscients qu’il s’agit d’un enjeu important parce que c’est l’homme qui est au cœur du système. Nous sommes également observés donc comptable de ce qui se passe. » Certaines voies s’élèvent déjà pour évoquer la mécanisation de la vendange en Champagne. « À date, cela ne fonctionne pas. Mais nous ne devons rien nous interdire. Mais, dans un premier temps, il s’agit de faire un bilan. Les propositions viendront ensuite. »