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Champagne : Éric Rodez, le terroir chantant

Ci-dessus : Eric Rodez et son fils Mickaël.

Auteur

Laurie
Andrès

Date

05.07.2020

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Éric Rodez, à la tête de 6 hectares à Ambonnay (Montagne de Reims), compose avec ses parcelles pour extraire l’essence de ce terroir largement planté en pinot noir. Les lieux-dits, ces petites étendues de terre où poussent des vignes aux noms parfois fantaisistes, sont pour ce vigneron champenois une révélation.

« Vigneron champenois est un privilège rare. Au fil des saisons, il nous faut vaincre nos angoisses et résister à la tentation de ne plus oser. » Voilà comment Éric Rodez se présente. Dans les faits, ce quinqua aux lunettes bleu roi (ou rouge carmin), pourrait se passer de cette courte introduction tant il a osé de nombreuses fois. Enfant, en cachette, il faisait des tirages expérimentaux avec du Schweppes. Plus tard, loin des essais approximatifs, il deviendra un « boulimique du vin » en se spécialisant en œnologie à la Faculté de Reims ce qui lui vaudra un premier stage chez Krug.

Au début des années 1980, il reprend l’exploitation du grand-père maternel et ne se cachera plus. Conscient à cette époque de certains mécanismes productivistes de la Champagne, il fait le pari de la vigne verte bien avant que la filière s’en préoccupe. Après avoir essuyé un millésime (1984) médiocre, Éric Rodez est convaincu que ces multiples parcelles doivent être choyées, il est ainsi le premier vigneron champenois à obtenir la certification HVE (Haute Valeur Environnementale) en 2012. Il est aussi certifié en viticulture biologique et biodynamique.
Preuve qu’il n’a jamais vraiment arrêté les expérimentations, il fait partie des vignerons qui s’essaient à l’aromathérapie pour lutter contre les adventices. Une « pratique empirique » mais qui colle à la personnalité de cet homme de terrain.

Terroir chantant

Le respect de l’identité des terroirs, Éric Rodez en fait son affaire. « Il faut qu’il y ait de la musique dans le vin ». Et cette mélodie, il va la chercher dans ses parcelles, ses lieux-dits. Un caractère, un miroir grossissant d’un petit lopin de terre qui aujourd’hui fait partie intégrante de la construction de sa gamme. « Ma gamme est construite autour de 3 critères : les vins d’auteurs, les vins de terroir et les vins parcellaires », précise-t-il.
Tantôt allegro, tantôt fortissimo, ce musicien de la vigne est capable de mettre puissance et délicatesse dans ses cuvées. Ce potentiel musical lié aux pratiques culturales engagées dans le domaine se devine déjà dans la « Cuvée des Crayères » (champagne d’auteur), assemblée à 60% de pinot noir et 40% de chardonnay. Droite, ronde, généreuse où raisin noir et raisin blanc s’accordent avec justesse.
Élément caractéristique de toute la portée chantante et musicale d’Éric Rodez, toutes les cuvées sont largement vinifiées en fût de chêne – le bois ayant largement suivi son parcours mais aussi l’inverse, et sont très peu dosées.

Les cuvées parcellaires (lieux-dits) fruits d’une seule et même parcelle sont les diamants bruts de ce mélomane de la bulle : « Les lieux-dits se veulent être des champagnes révélant toute la substance du terroir qui les a portés. Le rôle du vinificateur se limitant à respecter toute l’intégrité musicale originelle. Vinification en petits fûts de chêne, pas de fermentation malolactique, pas de passage au froid industriel, pas de filtration mais beaucoup de passion. »
« La Pierre aux Larrons », un 100% chardonnay, dosé à 2,5g au premier nez de fruits jaunes développe des arômes précis et complexes de levain et brioche. Dernière-née de ces cuvées de contrées « Les Beurys » (2013) – Macération (100% pinot noir), à la robe rouge tendre, une ode minérale aux fruits rouges et noirs, infusion d’épices à l’image du millésime : solaire. À réserver sur un magret de canard juste saisi. (80€).

Éric Rodez, qui compose aujourd’hui avec son fils Mickaël, entend bien lui laisser la clef du domaine « quand il sera prêt ». Si on connaissait le mercato des chefs de cave en Champagne, on connaissait moins celui des chefs d’orchestre. Le philosophe grec Platon disait très justement que pour connaître un peuple, il faut en écouter la musique. Il ne serait alors pas anodin de penser que pour connaître les vignerons, il faut l’écouter aussi.

www.champagne-rodez.fr