Mercredi 4 Décembre 2024
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24.04.2015
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Quatre générations de Gerbais à Celles-sur Ource ont constitué un vignoble atypique où le chardonnay et de très vieux et très originaux pinots blancs jouent un rôle majeur aux côtés du pinot noir. Un modèle d’équilibre.
Ulysse & André, Pierre, Pascal, Aurélien : depuis 4 générations, les Gerbais travaillent la vigne et vinifient à Celles-sur-Ource, dans l’Aube. En 1904, les deux frères Ulysse et André ont même été les premiers du village à greffer de la vigne sur de l’antique porte-greffe Ruggieri. Aujourd’hui, le domaine possède encore 4 ha de vignes de pinot blanc de 80 ans en moyenne, dont 2-3 parcelles avec ces pieds de 1904 (110 ans !) : une rareté en Champagne.
Dans ce petit village de la Côte des Bar, au confluent de 4 vallées creusées par les affluents de la Seine, les surfaces sont trop encaissées pour pouvoir planter des céréales. Restait donc la vigne pour ceux qui ne voulaient pas travailler au chemin de fer mais plutôt à la terre. Les Gerbais ont été de ceux-là, plantant beaucoup de pinot blanc – le seul cépage à redémarrer partiellement quand il a été gelé – dans cette zone très exposée au printemps. Travaillant le sol au cheval, ils proposent la prestation autour d’eux et développent un vrai savoir-faire.
Au début des années 1910, la petite histoire rencontre la grande, avec la révolte des vignerons de l’Aube, le refus d’une délimitation champagne « deuxième zone », les relations houleuses avec les négociants de la Marne. Les Gerbais (Ulysse, André, et désormais Pierre) poursuivent leur bonhomme de chemin. Chaque sou gagné est réinvesti dans l’achat et la plantation de vignes. « Mon grand-père a reçu en cadeau de mariage 40 ares de vignes, et il n’a eu de cesse que d’augmenter le domaine qui couvre aujourd’hui 15 ha », raconte, admiratif, Aurélien. Malgré les consignes des acheteurs de la Marne, Pierre et son fils Pascal ne replantent pas en 100 % pinot noir, mais conservent une généreuse proportion de pinot blanc – cela tombe bien, les feuilles sont identiques, et jusqu’à la maturation des raisins, impossible de faire la différence.
Dans la foulée, les Gerbais achètent en commun avec les autres gars du village un pressoir, pour ne pas être entièrement tributaires des ventes en raisin aux négociants de la Marne. Ils vinifient, champagnisent, commencent à vendre en bouteilles.
50 % pinot noir, 25 % pinot blanc, 25 % chardonnay
Arrivé aux commandes de l’exploitation, Pascal poursuit la logique d’encépagement équilibré et de travail vertueux du sol. C’est à son initiative que le domaine s’est clairement tourné vers une viticulture naturelle, poursuivant un rigoureux travail du sol quand l’époque productive était plutôt à l’emploi de fertilisants, d’insecticides et de désherbants. Pour autant, il n’a jamais été question de bio – « un cancer ne se soigne pas à l’aspirine » – mais l’exploitation a acquis le référentiel Ampélos depuis 1995 et obtenu le niveau 3 de la certification HVE (Haute Valeur Environnementale).
Alors que le pinot noir couvre 90 % de la côte des Bar, Pascal continue à entretenir les pinots blancs et plante du chardonnay, persuadé qu’il est du potentiel des cépages blancs sur ces sols du Kimméridgien – les mêmes qu’à Chablis.
L’encépagement est aujourd’hui constitué de 50 % pinot noir, 25 % pinot blanc, 25 % chardonnay. Un tableau atypique en Champagne. Le Réserve Extra brut (17, 50 € !) en est le reflet exact. Un champagne expressif, avec une belle aromatique de fruits mûrs (mirabelle, brugnon), une finale fine et légère apportée par les cépages blancs. « Buvabilité » parfaite, l’équilibre à l’état pur !
Il appartiendra à Aurélien, qui a rejoint l’exploitation, de poursuivre l’œuvre des 3 générations qui l’ont précédé. « Je vais continuer à travailler dans le même sens, affiner le style, apporter des petites touches, note ce jeune BTS viti-oeno. La différence entre un bon vin et un grand vin, ce sont des détails à la vigne, à la cave, un style encore plus affiné. » Et faire sienne cette réflexion d’Albert Einstein : la vie c’est comme la bicyclette, il faut toujours avancer pour poursuivre l’équilibre.
Joëlle W. Boisson
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