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Château du Taillan : garder une longueur d’avance

Auteur

Michel
Sarrazin

Date

29.06.2021

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Le château du Taillan, récemment promu Cru Bourgeois Exceptionnel en 2020, ne reste pas sur cette belle position : il enrichit son offre œnotouristique en ouvrant son château du XVIIIème siècle aux visiteurs et se donne de nouvelles compétences pour conférer encore plus de précision et de complexité à son vin.

Armelle Cruse, œnologue de formation et qui a travaillé jadis chez Pernod-Ricard en tant que commerciale, est une infatigable travailleuse multi compétente et cherche toujours à donner plus de lustre au château qu’elle dirige. Cette femme de l’illustre famille Cruse que tout le milieu viticole bordelais connait s’est attachée récemment à concevoir une visite, « les clés du château » (voir détail), qui ouvre les portes du château aux visiteurs. Et il y a de quoi voir et de quoi entendre sur l’histoire familiale qui a marqué ce château. « On fait visiter les pièces de réception : le hall d’entrée avec son grand escalier, deux salons, et la salle à manger avec sa grande table » mais aussi son armoire monumentale qui réserve une surprise. Tout au long du parcours, vous verrez des toiles ou des objets dont le thème est la chasse à courre, car « il y avait 90 chiens et 45 chevaux » au château. On vous parlera de l’équipage Saint Raphaël qui doit son nom du hameau de Saint-Raphaël* près de Castelnau-en-Médoc, où il fut fondé en 1884 par trois personnes dont Henri Cruse lui-même, celui qui acheta le château du Taillan en 1896.

« Les gens veulent connaître l’histoire de la famille, et notre château est habité. Notre Maman y habite et on peut la croiser. On peut avoir un contact privilégié avec les visiteurs car ce sont des petits groupes. Dans la salle à manger, on leur offre un verre de rosé. Ils sont assis, et cela leur permet de goûter à l’atmosphère. Le lieu est vivant : on en a est à la 6ème génération ».

Le château offre aussi à l’extérieur de magnifiques perspectives, notamment celle de la terrasse que Henri Cruse fit construire pour mettre en valeur « un retable en marbre rose, classé au monument historique, venant d’un hôpital des petites sœurs des pauvres près du château Descas sur les quais de Bordeaux ». Vous serez également interpellé par cette tour d’angle, manifestement d’une époque différente de celle du château originel. Quelle est sa fonction ? Des travaux ont été faits aussi à l’intérieur du château. « Il y avait une chaudière monumentale pour un chauffage par air pulsé sous le sol qui fonctionne encore ». La visite se termine à la boutique par la dégustation de deux vins : un rouge et un blanc (le réputé « Dame Blanche »), accompagné d’une assiette de charcuterie.
Le château d’une surface d’une centaine d’hectares (32 ha de vigne et 70 ha de parc, prairie et bois) permet d’élaborer d’autres types de visites. En projet l’intégration de la biodiversité du parc. Il faut dire qu’avec ces arbres remarquables (3 cèdres, des érables, des marronniers, magnolia…) Un autre projet est « la remise en route du potager ».

Des vins appelés à gagner en précision

Depuis le départ de Joséphine Duffau-Lagarosse du château du Taillan, la place de directeur technique est occupée par Gérald Verrac. L’homme ne manque pas d’expérience et vient d‘un cru classé réputé du Médoc. C’est « la polyvalence des tâches qui l’a intéressé et le lien direct avec le décideur ». Car au château du Taillan les décisions se prennent directement avec Armelle Cruse, sans passer par une multitude de maillons.
L’arrivée de Gérald Verrac est l’occasion pour Armelle de réinterroger la définition de ses vins. Celle-ci se fera avec la collaboration d’Axel Marchal, Professeur des universités à l’ISVV (Institut des Sciences de la Vigne et du Vin). Cet œnologue consultant dont la réputation n’est plus à faire intervient plutôt dans les plus beaux crus classés. Qu’est-ce qui a bien pu le convaincre de conseiller le château du Taillan ? « Le potentiel de la propriété lui a sans doute plu, ainsi que ma volonté de progresser ». La quête d’Armelle se traduit par une volonté de faire monter en qualité les vins. Pas de révolution mais une évolution : « des petites touches, des ajustements qui sont primordiaux ». Et de poursuivre : « On veut monter en finesse et en complexité. On cherche un peu plus de fraîcheur avec un peu moins de merlots très mûrs. Les vins du Taillan sont des vins capiteux et le côté fruité est primordial et ne doit pas être masqué par le boisé. On travaille donc sur le style de chaque tonnelier ». Et puis il y aura « un travail de précision sur les presses » (séparation des jus en vue d’un assemblage) : celles-ci seront plus ajustées. Cette montée en qualité se traduira-t-elle aussi par davantage de sélection lors des assemblages ? « Il y aura sans doute un peu plus de 2ème vin mais le jeu en vaut la chandelle ».
Concernant ces deux nouvelles recrues, « s’il sont venus tous les deux, c’est qu’ils croient dans le potentiel du Taillan. Ce qui les intéresse c’est le challenge ».

Bon nombre de crus bourgeois du Médoc se préparent déjà au futur classement de 2025. Ils sont 14 actuellement à avoir le rang de Cru Bourgeois Exceptionnel : autant dire que la concurrence s’annonce rude et qu’il y aura beaucoup de candidats et peu d’élus. Mais Armelle Cruse et le château du Taillan se préparent et sont déjà sur une nouvelle trajectoire, en se forgeant de bons atouts pour conserver ce rang de Cru Bourgeois Exceptionnel.

* C’est aussi au hameau de Saint Raphaël que naquit Pey Berland qui devint archevêque et qui donna son nom à une célèbre tour de Bordeaux qu’il fit élever, juste à coté de la cathédrale.