Lundi 14 Octobre 2024
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20.06.2014
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Les vins doux de la région de Bergerac ont traversé les siècles mais ils sont aujourd’hui injustement méconnus. Le niveau de qualité des vins, la modernité de certaines cuvées et l’engagement des vignerons pour une viticulture respectueuse sont autant d’incitations à les (re)découvrir.
Si la notoriété se mesurait aux siècles d’existence, les vins moelleux et liquoreux de Bergerac seraient bien positionnés. Car les nectars d’or de la région délectent les palais fins depuis des siècles. Déjà, en 1532, Rabelais citait dans Pantagruel « les douceurs suaves des vins de Saussignac ». Ces vins ont d’ailleurs été exportés très tôt comme « vins de Bordeaux », en partie vers la Hollande où les réfugiés Huguenots (suite à la révocation de l’édit de Nantes) les appréciaient particulièrement. Leur déclin commença lorsqu’ils durent, au début du XXème siècle, être vendus sous leur propre appellation alors inconnue sur les marchés extérieurs. Les difficultés à les vendre poussèrent alors les négociants libournais qui en faisaient traditionnellement commerce à s’en détourner au profit des traditionnels vins du Bordelais (Sauternes et Barsac) à l’aura bien supérieure.
Des terroirs très qualitatifs
A y regarder de plus près, les terroirs de Bergerac dédiés aux vins doux ont pourtant beaucoup en commun avec leurs prestigieux voisins girondins : des sols argilo-calcaires, d’excellentes expositions, des cépages identiques (sémillon, sauvignon blanc et muscadelle) ainsi qu’une rivière favorisant les brouillards d’automne et donc la formation de la pourriture noble sur les raisins. Pas étonnant dès lors de trouver des pépites (Château Vieux Touron, domaine Les Verdots notamment) sur les 3 appellations de la région entièrement dédiées aux vins liquoreux : Monbazillac, la plus célèbre, Saussignac et Haut-Montravel. Les vins y apparaissent souvent impressionnants d’élégance et de fraîcheur, même lorsque ce sont des « sélections de grains nobles » (qualificatif réservé aux Monbazillac ayant plus 85 g/l de sucres résiduels). Une dégustation à l’aveugle entre vins du Sauternais et du Bergeracois réserverait d’ailleurs certainement quelques surprises…
La marche vers la modernité
La région est aujourd’hui bien ancrée dans son époque. Elle se singularise notamment par la part importante de domaines qui se sont convertis à l’agriculture biologique, en particulier sur l’appellation Saussignac. Les vins liquoreux en restent bien entendu les véritables étendards et s’apprécient aujourd’hui différemment, par exemple sur des cuisines épicées, thaïe ou indienne. Mais les vignerons sont attentifs à l’ère du temps. Le sucre est moins à la mode ce qui milite davantage pour les jolis vins moelleux de la région (ayant 4 à 54 g/l de sucres résiduels selon les appellations). Ces vins sont moins cérémonieux, plus accessibles avec leur douceur et leur très grande buvabilité. A l’heure du tout rosé à l’apéritif, ces moelleux des Cotes de Bergerac, des Cotes de Montravel et de Rosette peuvent constituer une alternative originale et hautement qualitative. D’autant qu’ils font d’excellents compagnons pour le reste du repas… et que leur prix demeure très raisonnable (autour de 6 €).
Jean-Michel Brouard
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