Mercredi 16 Juillet 2025
©Elisa Centis
Auteur
Date
15.07.2025
Partager
Dix vignerons d'Aveyron et communes limitrophes se sont réunis dans l'association Contre-Pente pour être plus résilients et robustes face aux crises.
Ces domaines Aveyronnais affrontent à la fois l'isolement géographique et le manque de notoriété de leur vignoble. Une position difficile à tenir ces dernières années, alors que les crises climatiques et commerciales se superposent. Pour gagner en visibilité mais aussi s'entraider, ces vignerons ont créé l'association Contre-Pente en novembre 2024.
L’association réunit des vignerons de l'Aveyron et de communes limitrophes. Le vignoble aveyronnais, au sud du Massif Central, est un des plus petits de l'hexagone. Il compte quatre AOC : Marcillac, Estaing, Entraygues-le-Fel et Côtes de Millau. En tout, elles rassemblent 305 ha. Le territoire dispose aussi d'une IGP (Aveyron) qui compte 80 ha. Son appellation la plus importante est celle de Marcillac, avec 200 ha. Côté rouge, le cépage identitaire est le fer-servadou aussi appelé mansois, même s'il est moins présent dans le sud, du côté de Millau.
Cela fait plusieurs années que Pauline Broqua, domaine des Buis, Philippe Rousseau, Le Verdus, Olivier Basset, Mine de Vins, Sébastien Lavaurs, Domaine Les Orchidées Sauvages (dans le Cantal), et Marc Fraysse, Domaine des Boissières, se connaissent et partagent l'envie de créer quelque chose ensemble. Les dernières crises de production en 2023 (mildiou) et 2024 (gel) les ont poussés à passer à la vitesse supérieure. « Après 2023, le gel en 2024 a été la goutte d'eau qui fait déborder le vase, se souvient la vigneronne du domaine des Buis, 7,5 ha zone AOC Entraygues-le-Fel. On s'est dit qu'il fallait s'entraider pour essayer de faire profiter aux uns et aux autres de nos réseaux respectifs. » Les membres de l'association, qui ont rédigé une charte, se retrouvent autour de valeurs communes. Tous se reconnaissent dans l'idée d'une viticulture « à taille humaine », bio, des vinifications les plus naturelles possibles et un sens de la solidarité. L'association, baptisée contre-pente, s'inspire de la topographie de leurs domaines.
Les dix vignerons réunis dans l'association espèrent ainsi être plus robustes et plus résilients face aux crises, notamment climatique, comme celle qu'a connue Samantha Fortuny en 2024 lors de sa première année d'installation. « J'ai perdu 85% de ma récolte en une nuit. Dans ces moments-là on se sent très seule », confie la vigneronne de 33 ans, qui cultive 2,5ha à Nauviale (zone d'appellation AOC Marcillac). L'association devrait pouvoir également apporter des armes dans la crise commerciale qui touche tout particulièrement les petits vignobles. « Quand une crise économique survient, on est les premiers à sauter. Les cavistes ont tendance à se recentrer sur des identités rassurantes », raconte Pauline Broqua, qui, avant d'être vigneronne, a débuté sa carrière dans la sommellerie. « Depuis environ deux ans, on a senti la perte de vitesse du côté des restaurateurs. Certains au lieu de nous prendre 60 bouteilles n'en prennent plus que 30 », complète Sébastien Lavaurs (4 ha, domaine Les Orchidées Sauvages), pour le moment, seul Cantalien de l'association. Contre-Pente peut aider à construire « une vraie image de vignoble en montrant la diversité des terroirs », termine Pauline Broqua.
L'association vient répondre également aux difficultés de l'isolement social. « Le premier vigneron sur lequel je peux m'appuyer en cas de souci est à 40 km. C'est dur, notamment quand on débute et qu'on aimerait avoir un autre point de vue sur la technique ou encore les vinifications. Autre difficulté : de chez moi le premier fournisseur est à Montpellier ou Clermont L'Hérault, à 80 km. Avec l'association on pourra aussi s'entraider pour le matériel », développe Matthieu Blanc qui a créé le Mas Floème en 2021 (7 ha sur la zone AOC Côtes de Millau). « Il y a aussi la pression administrative. On doit tous les mois faire des déclarations récapitulatives, en plus tous les ans on fait aussi une déclaration d'inventaire, une déclaration de récolte et une déclaration de stocks aux douanes. Parfois, on ne comprend pas ce qu'il faut faire. Cela pèse dans notre quotidien de vigneron », ajoute Marc Fraysse (3 ha sur la zone AOC Marcillac).
Pour lutter ensemble, l'association, ouverte à de nouvelles adhésions, va mettre en place plusieurs projets. Contre-Pente va communiquer sur les réseaux sociaux, créer un site internet et intervenir sur des événements. Les dix vignerons seront notamment responsables du vin lors du festival Estivade qui se tient juillet à Sébazac les 24, 25 et 26 juillet.
Côté commerce, les vignerons vont proposer l'ensemble des cuvées des domaine de « contre-pente » afin d’offrir à leurs clients un éventail de références. Le logo de l'association est déjà présent sur les cuvées du millésime 2024. Des plaquettes de présentation des membres de l'association seront distribuées pour le millésime 2026.
Enfin, pour essayer de prévenir de nouvelles crises économiques, les vignerons vont mettre en commun une partie de leurs raisins à l'issue de la récolte 2025 afin d'élaborer une cuvée solidaire Contre-Pente. Les bénéfices des ventes nourriront un fonds de solidarité.
L'ensemble des membres de l'association : Samantha Fortuny (Domaines des Fougères), Olivier Basset (Mine de Vin), Thomas Bonhoure (Domaine de Belert), Matthieu Blanc (Mas Floème), Pauline Broqua (Domaine des Buis), Marc Fraysse (Domaine des Boissières), Hugo Epinaux (Château Beauregard), Eric Bousquet (Domaine Bousquet), Sébastien Lavaurs (Domaines Les Orchidées Sauvages), Philippe Rousseau (Le Verdus).
Articles liés