Mercredi 4 Décembre 2024
Géraldine Tridon, Philippe Feitussi et Jo Pithon. ©Jean-Yves Bardin
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Date
25.11.2024
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En cette fin d’année 2024, difficile d’évoquer le muscadet sans revenir sur le filage qui a marqué le millésime. Alors que des investisseurs continuent de miser sur l’appellation, c'est une bonne nouvelle à partager. Philippe Feitussi et Géraldine Tridon, rejoints par Jo Pithon, veulent mettre en bouteille leur vision du vin blanc issu de sélections parcellaires avec le domaine Alauda, près de Clisson.
Souvent tourné en dérision pour son inexpérience, toujours surveillé, l’investisseur, ou « néo-vigneron » dans un langage moins amène, apporte un regard neuf. Au trio du domaine Alauda, on ne peut reprocher de débuter. Jo Pithon, alors qu’il a tourné la page du Domaine Pithon-Paillé, est à la manœuvre pour la partie technique et passe du chenin au melon B (aussi appelé melon de Bourgogne). Avec Géraldine Tridon et Philippe Feitussi, ils projettent une vision ambitieuse de leur terroir.
L’image du muscadet a considérablement évolué. Ces dernières décennies, les efforts consentis pour établir les crus communaux, hausser la qualité des vins et les faire reconnaître comme des blancs nuancés portent leurs fruits.
Du point de vue de l’investisseur, le muscadet est donc une appellation d’avenir. Le vin blanc à la cote et, dans la région, il atteint des degrés acceptables malgré l’augmentation des températures. Philippe Feitussi adopte cette perspective et la pousse même au-delà pour « sortir le muscadet du ghetto de l’huitre ». Cette provocation, formulée à dessein, révèle leur ambition de conquérir le domaine de la gastronomie grâce à leur récente acquisition.
Pour des passionnés de vin, le modèle bourguignon inspire. Avec le domaine Alauda, le trio s’octroie la liberté de définir des terroirs, comme le décrit Philippe Feitussi : « Nous voulons révéler les terroirs du muscadet sur le modèle de la Bourgogne. Pour l’équivalent d’un hectare en Côte-d'Or, nous avons pu acquérir 43 hectares de vignes dans le muscadet (50 hectares en tout), ce qui nous ménage plus de liberté et la possibilité de définir un parcellaire. Aujourd’hui, nous avons identifié vingt-deux vins différents sur le domaine. » Jo Pithon, que la retraite semble ennuyer, abonde : « Nous avons flashé sur le domaine parce qu’il est entièrement planté en melon B. » Des terroirs et un unique cépage, pour révéler un nuancier…
Le terrain de jeu est idéal, suffisamment vaste pour que l’effet de seuil opère : « Pour tenir le coup, il faut être suffisamment grand, surtout avec la leçon du millésime 2024 » résume Philippe Feitussi. Les curieux devront patienter pour découvrir la mosaïque des terroirs du domaine Alauda. À partir de 2025 sortiront les premières cuvées en bio. Après la conversion du reste de la propriété en 2026, l'ensemble du parcellaire sera disponible en bouteille en 2028.
La plus discrète du trio, Géraldine Tridon, n’est pas moins influente et avisée. C’est elle qui insiste pour élever et commercialiser le stock de 2022, acquis avec la propriété début 2024, au moyen de la structure de « négoce de propriété » créée pour patienter et dont les vins sont exclusivement issus du domaine : La Maison aux Alouettes. La bien nommée cuvée Prélude trouve vite amateurs.
Prochainement sortira un avant-goût du découpage parcellaire d’Alauda. Deux cuvées du millésime 2023, l’une de Vallet, l’autre de Mouzillon, Deschamps et Lulu. La première au profil léger, alliant le fruité et la fraîcheur, et l’autre plus riche, caractéristique d’un terroir plus argileux.
Finalement, la curiosité que suscitent les nouveaux producteurs d’une appellation tient dans ce paradoxe : avant même de l’avoir expérimenté, ils croient en leur terroir d’adoption. Aujourd’hui encore, malgré les affres de 2024, le trio porte une vision que Jo Pithon résume ainsi : « le muscadet ne peut que jouer la carte de l’élégance » !
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