Samedi 14 Décembre 2024
©Eric Zeziola
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Date
07.04.2023
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L’Agence SOWINE vient de publier son baromètre sur les préférences des Français en matière de boissons. Il révèle cette année encore de nouvelles tendances : une place accrue du prix dans le choix des consommateurs, la montée en puissance du cidre, du Beaujolais, de la Champagne, le recul de la Bourgogne, le maintien du Bordelais… La cofondatrice et directrice associée de SOWINE, Marie Mascré, a accepté de livrer à Terre de vins son commentaire.
Le champagne s’affirme cette année encore comme la troisième boisson préférée des Français derrière la bière (1er) et le vin…
C’est très intéressant d’autant que dans le formulaire soumis aux sondés, le champagne est clairement distingué des vins effervescents qui n’arrivent qu’à 15 % contre 37 % pour le champagne. À noter que le champagne affiche une belle progression puisqu’il était à 31 % en 2022. Mais la vraie nouveauté cette année est de voir le cidre qui passe en cinquième position. Il est vrai que c’est une boisson qui répond aux nouveaux critères, puisqu’elle est faiblement alcoolisée, rafraîchissante… Le cidre a aussi bénéficié d’un gros travail de communication avec de vrais ambassadeurs comme le journaliste et œnologue Dominique Hutin. Le produit a désormais des afficionados et aujourd’hui lorsque vous allez chez des cavistes un peu branchés ils ont tous non pas une ou deux références, mais un linéaire entier, avec une multitude de cidres artisanaux de qualité, alors qu’autrefois le cidre se vendait essentiellement en grande distribution.
Malgré cette progression du champagne dans le cœur des Français, il est curieux de constater que les ventes de l’année dernière sur le marché national sont en régression. Doit-on en déduire que c’est parce que les Maisons négligent ce marché au profit de l’export ?
Le pouvoir d’achat en France n’est pas le même que dans d’autres pays comme les États-Unis, cela peut jouer. Mais de là à dire que l’on néglige le marché français, je ne suis pas convaincue. Certaines maisons y accordent un soin particulier, avec souvent des approches spécifiques. Je pense à la Maison Boizel qui fait beaucoup de ventes en direct, un système dont on a redécouvert les mérites pendant le confinement et avec lequel elle obtient un grand succès sur le marché français. Par ailleurs, si on pense à l’œnotourisme, les Champenois ont sans doute en tête qu’avoir des visiteurs américains ou asiatiques est peut-être une bonne chose, mais que si l’on veut rester cohérent avec les objectifs de durabilité et de baisse du bilan carbone, il importe de cibler en priorité le local, c’est-à-dire la France ou l’Europe.
Les Français préfèrent le vin blanc au vin rouge et font du chardonnay leur cépage favori, deux bons points pour la Champagne ?
C’est effectivement l’une des révélations du Baromètre SOWINE/Dynata 2023, mais quant à faire le lien avec le champagne, je mettrais un bémol. Le consommateur a tendance à distinguer le vin du champagne. Lorsqu’une personne en répondant au questionnaire place le vin blanc dans ses boissons préférées, je ne suis pas convaincue qu’elle ait en tête que le champagne en fait partie. Et c’est la même chose en ce qui concerne le chardonnay. Quand vous êtes dans un bar et que vous commandez un chardonnay, vous ne pensez pas au champagne et le serveur ne vous en propose pas. Cette popularité du chardonnay reste cependant une bonne nouvelle pour les vignerons champenois qui sauront en jouer en communiquant davantage encore sur le fait qu’il constitue une composante de leurs cuvées. Même en ce qui concerne la catégorie Blanc de blancs, je pense que beaucoup de consommateurs ignorent encore qu’elle désigne en général un chardonnay.
Quelle analyse tirez-vous du classement des régions viticoles préférées des Français ?
On a toujours ce trio de tête inchangé Bordeaux/Bourgogne/Champagne. Bordeaux est à 46 %, la Bourgogne à 28 % et la Champagne à 26 %. Les connaisseurs sont plus portés sur les régions classiques alors que les néophytes sont plus curieux : leurs préférences sont plus équilibrées entre les différentes régions, donnant davantage de place aux vignobles de niche comme la Corse, le Jura, la Savoie… Dans les progressions et les reculs que l’on constate, il y a sans doute des effets qui sont liés aux tarifs. Notre sondage indique que le prix est devenu le critère numéro un d’achat devant la région. Le champagne est hors sujet, parce que c’est un produit cadeau et festif. La valeur du champagne va au-delà de la seule qualité du produit : avec le champagne, on achète aussi une image. De ce fait, on accepte davantage qu’il soit plus cher. En revanche, je pense que le décrochage de la Bourgogne, qui recule chez les connaisseurs experts (-14) et les néophytes (-1), est très lié à l’augmentation de ses tarifs. À l’inverse, le Beaujolais(13%) qui a longtemps souffert de l'image que lui a donné le Beaujolais nouveau, est en nette progression. Le caractère très accessible de ses prix n’y est probablement pas étranger alors même qu’il a fait un très gros travail qualitatif.
Il y a aussi une prime à la simplicité. C’est ce qui sert par exemple l’Alsace (18%), qui communique d’abord sur ses cépages. Les gens associent l’Alsace au riesling, au pinot noir… Pour moi, c’est une nouvelle Bourgogne. On achetait hier en Bourgogne en partie car les vins offrent un profil léger, qui correspond à l'évolution des goûts des consommateurs. On va retrouver ce type de qualité en Alsace, des vins qui offrent de la fraîcheur mais à des prix encore abordables. Malgré cette évolution des goûts vers plus de fraîcheur, il est intéressant de souligner que les Français restent fidèles à Bordeaux. C’est sans doute un peu historique, mais l’une des raisons réside peut-être aussi dans la diversité de ses vins avec de nombreuses appellations qui peuvent convenir à des goûts très différents. Personnellement, je suis ravie qu’ils conservent leur première place. Bordeaux ne mérite pas le "Bordeaux bashing" actuel.
Est-ce que les nouvelles habitudes alimentaires avec moins de viande, plus de cuisine végétale, jouent un rôle dans la diminution de la consommation de vin rouge au profit du vin blanc ? Le réchauffement climatique redessine-t-il la carte des régions viticoles préférées des Français ?
C’est un facteur. Dans les vins rouges en particulier, le titre alcoolique a beaucoup augmenté. Il y a encore quelques années, on était plus habitués à des vins à 11 degrés. On trouve dorénavant de plus en plus souvent des vins titrant à 13 ou 14 degrés. La baisse de consommation de viande joue certainement un rôle. On observe aussi des évolutions sociétales comme le nombre croissant de familles monoparentales, ou de nouvelles habitudes dans le quotidien des familles, plus éclatées, qui font peut-être que l’on a moins de déjeuners du dimanche où enfants et parents se réunissaient autour du gigot et du vin rouge qui allait avec. Le vin rosé au contraire, qui est en progression, est un vin que l’on boit entre amis. Il y a peut-être aussi un effet mimétique, ou plutôt anti-mimétique. Les jeunes n’ont pas envie de boire la même chose que leurs parents. Boire du vin blanc ou du rosé, c’est une manière d’affirmer ses propres goûts alors que les parents et les grands-parents buvaient plutôt des rouges.
Il est surprenant de voir les vins du Val de Loire n’arriver qu’en septième position alors qu’ils répondent à beaucoup des nouveaux critères de consommation : des degrés modérés, de la légèreté, des rouges moins corsés et moins tanniques, une place importante des vins blancs..
Je suis d’accord avec vous, ce sont des vins qui ont un bel avenir devant eux. L’explication ? Les amateurs de vins du Val de Loire sont souvent très attachés à tel ou tel vignoble de l’appellation, mais sans les associer mentalement à la région sous cette dénomination officielle « Val de Loire », qui est celle formulée dans notre questionnaire. On ne commande pas un vin du Val de Loire, mais un muscadet, un Sancerre… Alors que même s’il existe différentes appellations, un consommateur commandera facilement un rosé de Provence. Cela ne signifie donc pas qu’il n’y a pas un engouement croissant pour ces vins. L’ascension du muscadet est par exemple impressionnante. Il a longtemps été au blanc ce que le Beaujolais était au rouge, mais il a su construire un vrai storytelling autour de ses vins tournés vers la mer, tout en bénéficiant du travail de fond effectué par de très bons vignerons.
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