Lundi 9 Décembre 2024
© Bruno Bébert
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Date
03.04.2023
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Il était de passage ce weekend chez Ruinart qui avait mis à disposition sa Maison pour accueillir son studio. Tous les Rémois qui le souhaitaient ont ainsi pu en profiter pour venir se faire tirer le portrait par le photographe. Nous nous sommes glissés dans les coulisses pour voir l’artiste à l’œuvre et recueillir auprès de lui ses premières impressions sur la Champagne.
Ce weekend vous avez invité tous les Rémois à venir se faire tirer le portrait, pouvez-vous nous raconter l’origine de ce projet ?
Je photographie les Français depuis trente ans. Tous, que ce soit le président de la République, une prostituée, un chômeur, un SDF… J’ai commencé avec l’Express et j’ai continué à le faire en même temps que je travaillais sur des photos prises du ciel. Depuis six mois, j’essaie de m’y remettre. Je vais avoir un studio à Paris où les gens pourront se faire photographier sur rendez-vous, trois jours par mois. L’idée est de constituer une encyclopédie des Français, en combinant ce travail avec les chiffres de l’INSEE. Tu fais une photo de famille, et en même temps tu donnes les chiffres de la natalité, de la mortalité, le revenu moyen, le nombre de divorces… Cela me passionne ! J’aimerais aussi photographier tous les métiers. Ce que j’aime ce sont les gens, et ce qui se passe pendant ces séances. Aujourd’hui, il y a quand même une ambiance assez lourde, avec les retraites… Mais lorsque les gens se retrouvent ici, ils sont ensemble, ils sont heureux, même les plus dépressifs.
Votre studio est installé dans la Maison de champagne Ruinart, quelle est votre relation au monde du vin ?
Sur le vin, j’ai une histoire amusante à raconter ! J’ai eu un accident d’hélicoptère où j’aurais dû me tuer. On est tombé en vrille à Katrina, alors que je photographiais les dégâts provoqués par le cyclone. L’appareil s’est cassé en deux. On était couverts de sang, mais nous avons eu une chance incroyable. J’ai été hélitreuillé jusqu’à un porte-avion hôpital. Je me suis retrouvé sur un lit avec des gens qui hurlaient partout. Et là, j’avais envie de deux choses : d’appeler ma femme, et de boire du vin ! Parce qu’en fin de compte, j’avais failli mourir et j’avais besoin de sentir dans mon corps quelque chose de mon pays. Quand je bois du vin, je sens la terre, et je sens aussi les gens, ceux avec lesquels j’aime le partager. Il paraît que je criais : « Je veux du vin » et que l’on m’a fait une piqûre pour me calmer. C’est ce qu’ils m’ont raconté le lendemain lorsqu’ils m’ont relâché, habillé en militaire américain parce que je n’avais plus d’habits.
En matière de vins, avez-vous des préférences ?
Je ne bois que du vin nature. C’est Gérard Bertrand avec lequel je suis très ami qui m’a fait découvrir cela. J’ai l’impression que cela me correspond davantage. Ils ne sont pas trop lourds et on y sent vraiment le fruit. Je me souviens lorsque je me suis mis à les apprécier il y a une dizaine d’années, tout le monde faisait la grimace quand je faisais part de mes goûts. Aujourd’hui, c’est devenu quelque chose de classique. Quant au champagne, je ne connaissais pas du tout. Avant de venir, j’avais un a priori très négatif, notamment parce qu’il y a peu de bio, même s’il y en a de plus en plus. J’en avais aussi une image un peu industrielle. Mais curieusement, j’ai découvert le rosé de Ruinart que j’adore ! Je ne suis pas un spécialiste et je pourrais sans doute difficilement distinguer un champagne d’un autre, mais j’aime le champagne rosé.
Le champagne peut avoir quelque chose de très minéral et austère, aussi, quand on rajoute une pointe de vin rouge pour faire du rosé, cela lui donne une petite note de fruit rouge qui l’égaie d’un seul coup…
C’est exactement ce que je trouve dans le champagne rosé ! Cela met du soleil. Le champagne est un vin que l’on boit trop souvent sans faire attention dans les cocktails, pour des occasions festives, ce n’est pas comme du vin, alors qu’en réalité il y a derrière un travail très fin. Lorsqu’on regarde ce que fait le chef de caves à l’assemblage, c’est très impressionnant.
Vous m’avez dit vous intéresser aux gens plutôt qu’au vignoble même, quelle est votre impression sur les vignerons champenois ?
Dans le monde entier, les gens sont les mêmes lorsqu’ils sont passionnés. Mais ce que j’apprécie ici, c’est le côté « Maison » où tout le monde se connaît ! Un jour, les vignerons de Blaye m’ont appelé en me disant on n’est pas très connus et on aurait besoin de faire de la publicité. Je leur ai répondu que s’ils m’organisaient tout, je pouvais tous les photographier avec leurs familles. J’ai adoré cette expérience. J’ai découvert que la spécialité de Blaye depuis la guerre, c’était d’aller l’hiver vendre et livrer eux-mêmes leurs vins aux particuliers à Paris avec leurs camions. C’est le seul moyen qu’ils ont trouvé. Il s’agit d’un petit vignoble, peu réputé, mais il y en a qui font des vins bios et même natures. J’en ai vu qui ne gagnaient pas leur vie, mais qui étaient passionnés. Ce qui me frappe, c’est que lorsque l’on produit du pain, de l’huile d’olive, du vin, il y a un supplément dans ce que l’on fait. C’est ce que j’admire. Il y a derrière beaucoup plus de complexité dans le travail qu’on ne croit, et souvent des choix difficiles, surtout lorsqu’il s’agit de se convertir au bio ou à la biodynamie, et que l’on travaille en famille avec tous les conflits entre les générations que cela peut poser, je trouve cela très intéressant.
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