La Première gorgée de… Philippe Delerm

Vous souvenez-vous de votre première gorgée de vin ? Cette première rencontre de votre palais avec le merveilleux breuvage… Dans chaque Terre de vins, un écrivain ou une écrivaine nous raconte, avec ses mots bien sûr, sa « première gorgée ». Souvent drôle, parfois transgressif, toujours émouvant, ce premier rendez-vous (pas toujours réussi) a pour nos auteurs une saveur inoubliable. Rendons à César… dans le nouveau Terre de vins, c’est (enfin) Philippe Delerm, auteur du célèbre « La Première Gorgée de bière », qui partage avec nous son premier vin.

Cette chronique est à retrouver dans Terre de vins n°69 actuellement en kiosques et sur notre kiosque digitale.

« La Première Gorgée de bière » a provoqué, vous vous doutez bien, un véritable petit chamboulement dans mon existence. Ça a pris un peu de temps. L’éditeur réimprimait 3 000 exemplaires, puis 5 000, ça n’en finissait pas. Bernard Pivot m’a invité à « Bouillon de culture » : j’étais un inconnu et mon livre allait être le fil rouge de la 60e de son émission ! J’étais abasourdi. Sur le plateau, il y avait le paysagiste Guillaume Pellerin. Il possédait un petit château et un jardin botanique dans le Cotentin et venait de publier un ouvrage sur les outils de jardin. Il ne m’a pas salué, il m’a accueilli avec un « Ah mon salaud ! » J’ai trouvé ça adorable, comme s’il me maudissait d’avoir écrit le livre qu’il rêvait de faire ! C’est le plus beau compliment qu’on m’ait fait.
Et puis, j’ai reçu quelques cadeaux parfois un peu étonnants. Notamment, une bouteille de champagne Krug accompagnée d’un petit mot de Rémi Krug lui-même. J’étais plutôt béotien en matière de champagne. Mon frère, qui était œnologue, s’extasiait, « un champagne fabuleux », s’enthousiasmait-il. Il se souvenait avoir connu Rémi Krug pendant son service militaire : ils étaient sur le même bateau, en rade de Brest. J’y ai vu un signe singulier. Ces retrouvailles un peu inopinées avec un souvenir, avec cette bouteille. Et puis, ce cadeau m’amusait, mon livre parlait de la bière, plutôt associée aux plaisirs simples, le champagne représente le luxe… Pour moi, le luxe, c‘est le style, c’est, dans l’écriture, quelque chose de rare à saisir. Et finalement, j’ai trouvé dans cette bouteille une vraie valeur symbolique et ces paradoxes qui m’amusent toujours et nourrissent mes livres. Ce champagne, nous l’avons dégusté en famille. Et je l’ai effectivement trouvé fabuleux.

Philippe Delerm est l’auteur de nombreux romans, récits, essais, nouvelles et préfaces depuis 1986. Robert Laffont vient de rassembler huit roman et quatre récits intimes sous le titre « Buveurs du temps ». Tiré à 2 000 exemplaires en 1987, « La Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules » a dépassé le million d’exemplaires vendus.