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La Provence en quête de nouveaux cépages adaptés au réchauffement climatique

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

17.04.2023

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Les vins de Provence ont mis en œuvre un plan de bataille afin d’étudier toutes les pistes d’évolutions de l’encépagement pouvant aider le vignoble à s'adapter au réchauffement climatique.

« Nous réfléchissons à différentes possibilités pour décaler les maturations par des tailles plus tardives, des ombrages par la végétation, par des arbres dans les rangs, des panneaux voltaïques mobiles, explique Constance Cunty, ingénieur agronome à l’IFV (Institut Français de la Vigne et du vin). Les essais sous filets ont déjà démontré un décalage d’une dizaine de jours et une diminution de la contrainte hydrique. La gestion des sols comme le paillage, la mycorhization, les biochars (des matières carbonées inertes issues de marcs de raisins) permettent aussi d’améliorer la capacité de rétention ». La conduite de la vigne offre déjà une large palette d’outils mais le groupe IFV-Centre du Rosé-Inrae s’est également penché sur le matériel végétal en étudiant les anciennes variétés autochtones de Provence, des cépages étrangers ou des nouveaux hybrides résistants créés à partir de cépages locaux comme le rolle et le cinsault. Au Conservatoire des cépages de l’abbaye de La Celle dans le Var, une dizaine de pieds par variété de cépages résistants ont été plantés pour suivre leur évolution et leur comportement en situation de stress hydrique.

Les Vifa au microscope
L’IFV a déjà constaté une évolution de l’encépagement depuis quelques décennies. Grenache, cinsault et syrah représentent désormais les trois quarts du vignoble (dans les années 60, plus de 80 % étaient en carignan, ugni blanc et clairette), le rolle continue de progresser tandis que le cabernet sauvignon, beaucoup replanté entre les années 70 et 90, est de plus en plus délaissé car peu adapté aux rosés. Les essais ont démarré en 2016 avec le rousseli (ou roussanne du Var) et le caladoc résistants à la sécheresse et aux maladies. Fin 2021, caladoc, rousseli et cinq cépages étrangers (moschofilero et Verdejo pour blancs et rosés, Calabrese, xinomavro et agiorgitiko pour les rouges) ont intégré le cahier des charges des Côtes-de-Provence. Par ailleurs, les travaux d’intégration des Vifa (Variété d’Intérêt à Fin d’Adaptation) ont commencé à partir de 2019, les premières plantations en 2022. En 2023, ils s’étendront sur 8,25 hectares en 23 parcelles de 14 exploitations réparties dans toute l’aire d’appellation. Un travail analogue a été entamé par l’IGP Var avec trois cépages (sauvignac, floréal, souvignier gris) qui devraient être intégrés rapidement au cahier des charges.

C’est au total plus d’une trentaine de cépages qui ont été répertoriés avec leurs critères détaillés pour déterminer les replantations idéales en Provence. Parmi les critères majeurs qui entrent en ligne de compte, la faiblesse du degré alcoolique, une forte acidité, une faible intensité colorante, une tolérance à la sécheresse, une bonne résistance au mildiou et à l’oidium, une intensite aromatique.... mais également un beau potentiel de production et la disponibilité du matériel végétal.

Alimenter ensemble une banque de données

L’important est de recenser qui plante quoi 

Nathalie Pouzalgues, chargée de projets au Centre du Rosé.

Le challenge est de collecter des données fiables en homogénéisant les méthodes d’observation pour savoir ce que le cépage a dans le ventre et d’alimenter ensemble une banque de données en ligne accessible à  tous les viticulteurs. Car si on ne change rien, l’acidité et la sensation de fraîcheur vont diminuer dans nos vins, le taux d’alcool va augmenter et la typicité en serait bouleversée ».

Le Centre du Rosé analyse un million de vins du monde chaque année; ils affichent un degré moyen de 12,4 % vol tandis qu’il avoisine les 13,5 en Provence. « Pour y remédier il faut plutôt faire du préventif que du curatif et jouer sur l’encépagement, la conduite du vignoble et des méthodes biologiques plutôt que de se tourner vers des solutions chimiques » insiste Nathalie Pouzalgues. Le groupe de travail n’en est qu’au début de l’aventure puisqu’il faudra attendre 10 ans de suivi des parcelles plantées avant que l’Inao ne choisisse de valider ou non. « On s’est quand même assuré de leur intérêt au préalable, rassure la chargée de mission. Le processus est long mais le risque de devoir abandonner ces nouveaux cépages est faible ».