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La tonnellerie française fait feu de tout bois

Auteur

Jean-Michel
Brouard

Date

27.02.2020

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Parmi les domaines dans lesquels la France compte des champions internationaux, la tonnellerie occupe une place de choix avec des maisons reconnues mondialement pour la qualité de leurs productions et qui innovent en permanence.

Qu’on se le dise immédiatement, l’utilisation de tonneaux pour l’élevage ne concerne qu’une infime part de la production mondiale de vin. On estime qu’environ 2% seulement des vins passent quelques mois voire années dans des barriques ou des pièces. L’immense majorité est élevée généralement dans des cuves en inox. La tonnellerie s’adresse donc à des domaines qui peuvent valoriser suffisamment leurs crus pour intégrer les coûts inhérents à l’achat des tonneaux (généralement entre 600€ et 900€ pour des formats classiques de 225 litres ou 228 litres). Et dans l’Hexagone comme dans le monde entier, ce sont souvent des noms d’entreprises françaises parfois très anciennes qui sont pyrogravées sur ces contenants : les bourguignons François frères ou Rousseau, le nivernais Berthomieu, le charentais Seguin-Moreau ou bien encore le bordelais Demptos. Ces grands acteurs sont tous inscrits depuis des années dans une démarche éco-responsable avec des approvisionnements dans des forêts certifiées PEFC. Les chênes utilisés, souvent âgés de 100, 150 voire 200 ans, sont prélevés selon des règles strictes permettant d’assurer une gestion durable des forêts.

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Des innovations permanentes

Le geste des tonneliers paraît immuable, notamment au niveau de la chauffe ou du ceintrage des barriques. Mais les tonnelleries les plus qualitatives ont toutes mis en place des ateliers de recherche et développement pour optimiser toujours davantage ces contenants par rapport à leurs contenus. Chez Demptos, un centre de recherche a ainsi été créé dès 1989 afin de mieux analyser l’impact du bois sur l’élevage du vin. Cette approche scientifique a permis de dépasser l’empirisme traditionnel et ce, à tous les stades. Le rôle des champignons « oreo basidium pullulens » qui recouvrent le bois d’une couche noirâtre pendant la période initiale de séchage (souvent de 3 ans minimum chez les meilleurs tonneliers) a ainsi été analysé. L’importance du grain du bois, aujourd’hui évidente, a également été mis en avant à une époque pas si lointaine où cet élément n’était pas pris en considération.

Aujourd’hui, Demptos se penche sur la structure colloïdale du vin (les colloïdes sont des amas de grosses particules qui restent en suspension dans le vin) et la présente comme une approche révolutionnaire. « Plus le vin a une structure colloïdale dense, plus il devrait supporter de bois au cours de l’élevage » affirme le responsable des recherches. Chez Ermitage, marque haut-de-gamme de Berthomieu qui propose une approche sur-mesure, un système de préchauffe vapeur des barriques permet d’apporter une délicatesse de tannins et aromatique au bois. La maison propose également un dispositif simple (bien que très technique) pour réaliser des vinifications intégrales en barrique. Les formes des barriques sont aussi très diverses avec par exemple une forme cigare de 265 ou 300 litres pour optimiser le contact vin/bois. Dernière innovation en date chez un acteur plus modeste du marché, SURTEP, la chauffe des barriques sans flamme. Après le lancement de Biooak en 2018 qui est une chauffe au moyen de pierres de lave, l’entreprise vient de lancer une chauffe avec des pierres de jade qui, elle aussi, fait de facto disparaître les notes empyreumatiques traditionnelles. L’artisanat de luxe à la française s’écrit donc aussi dans les tonnelleries. Une preuve parmi d’autres ? 6 tonneliers Meilleurs Ouvriers de France œuvrent chaque jour chez Rousseau…