Accueil Le Sauternes, incontournable de Noël, veut être au menu toute l’année

Le Sauternes, incontournable de Noël, veut être au menu toute l’année

Auteur

AFP

Date

19.12.2019

Partager

Le Sauternes trône en maître sur les tables de fin d’année, mais l’appellation girondine, qui lutte contre le désamour des vins sucrés, veut sortir de ce cliché et vendre ses crus toute l’année.

« On est dans le plus grand terroir viticole, le monde entier connaît l’appellation Sauternes mais ce vin est consommé exclusivement pour un jour de fête », regrette le chef étoilé Jérôme Schilling, devant ses fourneaux du château Lafaurie-Peyraguey, à Bommes (Gironde).

Depuis une trentaine d’années, l’appellation Sauternes-Barsac vend 70% de ses vins pour Noël et le Jour de l’an, surtout en France, Belgique et Suisse. Et il est principalement consommé avec du foie gras ou encore au dessert.

La sucrosité est une des raisons du manque d’attractivité des vins doux français, avec des ventes en baisse de 2% en grande surface en un an et de -10% pour Sauternes-Barsac. Face à ce désamour, accentué par une image vieillotte de vin pour papy et mamy, les vignerons du Sauternais réagissent à coup de marketing et de nouvelles vinifications.

Restauration de luxe, export, excursions, ventes internet… ce vignoble du sud de Bordeaux veut retrouver son aura d’antan quand, lors du prestigieux classement des grands crus de 1855, les prix des 27 châteaux de Sauternes et Barsac dépassaient ceux des rouges de Bordeaux.

Et dans les chais, on a fait évoluer les vins, qui sont aujourd’hui moins sucrés, plus frais et aromatiques, tout en continuant à produire des liquoreux traditionnels, concentrés et confiturés. Au côté des 2.050 hectares de liquoreux dans l’appellation Sauternes-Barsac, on a aussi développé, pour doper les ventes, les vins secs sur 150 hectares.

Ce vin de fête est aussi délaissé au profit de vins doux moins chers comme ses voisins de Loupiac et Cadillac ou encore du Jurançon, Monbazillac ou du Gewurztraminer, en Alsace.

« C’est forcément un vin cher parce que, quoi qu’il arrive, on ne peut dépasser les 25 hectolitres par hectare alors que pour le blanc sec c’est 60 hl », explique le président de l’AOC Sauternes-Barsac, Xavier Planty.

Pourriture noble

« A cela s’ajoutent des vendanges très particulières avec deux, trois, cinq passages, ce qui représente un surcoût et nécessite une main d’œuvre qualifiée sachant reconnaître les grains atteints de botrytis », cette pourriture noble qui dessèche et concentre les raisins, précise-t-il.

Face aux difficultés touchant les vins bordelais, l’appellation se maintient en particulier grâce à l’export, passé de 15 à 30% en dix ans, notamment avec les Etats-Unis et l’Asie. « En Chine, ils achètent pour des cadeaux de remerciement ou des repas d’affaires », souligne Xavier Despujols du château Lamothe-Despujols.

Le chef Jérôme Schilling, lui, crée des menus incluant l’appellation suivant les millésimes. Dans sa cuisine au château Lafaurie-Peyraguey, il verse un peu de Sauternes dans une casserole où mijotent tête d’écrevisse, échalote et gousse d’ail. « La sucrosité du Sauternes est contrebalancée par le jus d’orange frais et du citron vert qui rafraîchit la sauce, très riche en texture et saveur », explique-t-il.

Diversification toujours, ce chef d’origine alsacienne vient de créer un vin chaud avec le liquoreux, clous de girofle, bâtons de cannelle, zestes d’orange et de citron. « Pas besoin d’ajouter de sucre ni de miel, c’est l’avantage à Sauternes! », plaisante-t-il, toque blanche sur la tête.

Quant à l’indétrônable foie gras, produit phare du sud-ouest, il le revisite en croûte d’argile confit 12 heures dans du Sauternes. « Nous, notre rôle et celui de l’équipe des sommeliers, est de réapprendre aux gens la façon de consommer. On peut le boire avec des huîtres, des plats très épicés, des viandes blanches, de la truffe… », explique ce chef qui conseille de « le consommer à la bonne température, à 9°C, car la sensation de sucre est moindre. »

« A Sauternes, on le boit à toute occasion, dès l’apéritif. Avec une sole, une caille… Si on attendait de manger du foie gras, on ne boirait pas souvent notre vin! », s’amuse le vigneron Xavier Despujol.

Par Alexandra LESIEUR pour AFP