Samedi 5 Octobre 2024
A gauche, brebis au Château Gruaud Larose, à droit au Château Poncié
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18.11.2023
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L’éco-pâturage semble gagner les faveurs des domaines viticoles depuis une décennie. Effet de mode ? Volonté de retisser le lien avec la nature ? Bénéfices réels ? Pour qui ? L’idée d’introduire des moutons ou des brebis (voire même des oies ou des cochons nains ) entre les rangs de vignes gagne du terrain. Viticulteur ou berger chacun y trouve son compte.
Le passage du troupeau maintient l’herbe rase et contient la pousse d’espèces indésirables. Au château Gruaud Larose (second grand cru classé en 1855 à Saint Julien) « c’est une centaine de brebis, de races rustiques, qui pâturent sur les 77 hectares de vignes et dans la peupleraie. Nous mettons à disposition des parcs de nuit et un bâtiment pour les agnelages » dit Virginie Sallette, la directrice technique. Miguel Aguirre, le directeur de la Tour Blanche (1er Grand Cru classé en 1855 à Bommes) indique que le pâturage permet « d’augmenter la matière organique sur les sols ». Les déjections favorisent aussi « un rééquilibrage du peuplement végétal par un re-semis » ajoute Virginie Sallette. Ce pâturage permet d’éviter un désherbage coûteux avec un engin lourd qui tasse les sols.
Quant au berger, il voit dans ces pâturages une ressource alimentaire riche et facile d’accès qui l’affranchit du souci de posséder du foncier pour son troupeau. Il va ainsi, dans un rayon d’action court, amener son troupeau de domaines en châteaux et, une fois sa mission accomplie, fera stationner son troupeau entre avril et novembre dans un château qui aura des prairies à disposition : une base en quelque sorte. Car la période de pâturage dans le vignoble s’étale de novembre (fin des vendanges) à début avril (avant le débourrement).
Quelques contraintes techniques
Plusieurs options s’offrent au propriétaire viticole : soit constituer son propre troupeau, soit s’en remettre à un berger prestataire de services qui, dans la plupart des cas, facturera ses interventions. Des accords verbaux sont fréquents, surtout lorsqu’il y a une bonne entente, mais dans notre monde où le juridique est une donnée montante, la contractualisation semble utile : un exemple de convention existe.
Dans tous les cas, il faudra s’assurer de la possibilité de surveiller le troupeau en installant des filets ou une clôture électrique mobile. Il faut également prévoir un enclos pour les nuits et souvent un hébergement pour le berger itinérant.
Quant au couvert végétal celui-ci est naturel ou semé. Dans ce dernier cas, on veillera à signaler au berger une forte présence de légumineuses afin de limiter les risques d’indigestion. Le berger sera également sensible aux traitements de la vigne. Il préfèrera faire entrer son troupeau dans les vignobles 8 à 10 jours après un traitement au cuivre et, de préférence, après un épisode pluvieux qui nettoie la vigne. Dans tous les cas, il privilégiera un domaine bio, et, à minima, une conduite raisonnée.
Une philosophie plus qu’un système économique ?
Au château Poncié (Fleurie, Beaujolais) le choix a été fait de posséder un troupeau de 13 brebis qui contribuent à la maitrise de l’enherbement mais ne suffisent pas pour traiter tout le vignoble de 35 hectares. M Lachaux, le nouveau chef de culture, justifie ce choix : « Nous avons un domaine qui fait 100 ha avec des près et des bois. Nous souhaitons valoriser tous ces espaces. On ne le fait pas pour développer le business. On aime plutôt l’idée de diversité ». Virginie Sallette va dans ce sens : « l’éco pâturage n’a d’intérêt que s’il fait partie d’une philosophie globale. Le bénéfice est impalpable, de l’ordre du ressenti. Nous avons une vraie responsabilité vis-à-vis de l’environnement avec lequel on a une intimité ».
Le berger a, avec ces pâturages, une ressource gratuite. Mais, parce qu’elle correspond aux attentes du consommateur qui est sensible aux liens retissés avec la nature, la vision d’un troupeau pâturant dans les vignes participe à la bonne image des châteaux.
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