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Louis Latour, de la Bourgogne à l’Ardèche

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

25.06.2021

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La Maison bourguignonne Louis Latour a exporté le chardonnay en Sud Ardèche il y a une quarantaine d’années. Retour sur l’évolution de ce « nouveau » vignoble avec l’œnologue Alain Berthon, présent depuis les premières vendanges en terre ardéchoise.

Il n’y avait pas de chardonnay en 1979 en Ardèche. L’encépagement y était encore majoritairement à base de cépages hybrides quand Louis Latour, sixième génération de la maison bourguignonne aujourd’hui plus que bicentenaire, se met en quête d’un nouveau terroir pour ce cépage. « Il cherchait un approvisionnement de chardonnay de qualité mais à prix stable pour éviter les montagnes russes à la hausse en Bourgogne, raconte l’œnologue Alain Berthon qui a suivi l’aventure dès le début. A l’époque la région de Limoux a également été prospectée mais finalement l’Ardèche s’est révélée plus intéressante au niveau pédologique – des sols argilocalcaires et crayeux comparables à la Bourgogne, climatique – méditerranéen sans conditions extrêmes, avec de l’altitude (230-270 m) pour la fraîcheur et plus d’acidité ». Comme il n’y a pas encore de chardonnay en terre ardéchoise, qu’à cela ne tienne, la maison beaunoise crée le vignoble, une centaine d’hectares, étendu aujourd’hui à plus de 380. « Louis Latour ne voulait pas acheter de foncier ; nous avons donc cherché des partenariats et on a battu la campagne pour expliquer aux viticulteurs ce que l’on voulait faire ». Un accord est finalement trouvé avec les Vignerons Ardéchois, l’union coopérative du Sud Ardèche, pour travailler avec une centaine de viticulteurs via des contrats à très long terme – Louis Latour collabore avec la troisième génération – et à partir d’un cahier des charges limitant fortement les intrants, les rendements au maximum à 45 hl/ha à des niveaux comparables à une AOP avec contrôles de maturité… « Les paiements, environ 30% plus cher, se font à la surface de vignes et non au poids de raisin » précise Alain Berthon.

Après les chardonnays, le viognier

Le premier millésime sort en 1982 avec 10 000 bouteilles testées sur le marché américain et le succès est de suite au rendez-vous. Une cuverie à haute technologie voit le jour en 1986 à Alba-la-Romaine et une réflexion qui durera six ans aboutit à la naissance du Grand Ardèche à partir de sélections parcellaires et d’un élevage d’une dizaine de mois en fûts de la tonnellerie Latour (dont 20% neufs) « pour obtenir un vin pas trop boisé, encore moins ces dernières années, et gardant de la nervosité, commente Alain Berthon. Pour cela, nous travaillons avec des raisins de différentes maturités, récoltés à la main afin de trouver l’équilibre mais nous sommes toujours les premiers à vendanger dans la région pour éviter de récolter à 14°. A l’époque, le challenge n’était pas évident et nous avons fait de nombreuses dégustations avec Louis Latour et son fils Louis-Fabrice pour élaborer le vin que nous voulions ». Suivront en 2004 le Duet en assemblage viognier (à 70%) et chardonnay et en 2007, le premier viognier en monocépage. « Le viognier peut vite être rustique et lourd mais l’altitude fait la différence, comme les rendements à 40 hl/ha, les vendanges en vert et une récolte précoce ».

La relève

Après 36 ans dans la maison Louis Latour, Alain Berthon devrait partir à la retraite en 2022 mais il gardera un pied dans la maison puisqu’il devient apporteur de raisins. La transition se fera en douceur avec Marion Bosquet, jeune ingénieur agro et œnologue d’origine orléanaise, tombée amoureuse de l’Ardèche (et d’un vigneron). Déjà en stage de découverte à la coopérative puis en stage de fin d’étude aux côtés d’Alain Berthon avec comme sujet la réduction des intrants, elle poursuivra ce travail en interne « pour essayer de faire évoluer les mentalités et les habitudes des viticulteurs en matière de conduite de la vigne même si par ici, ils sont parfois un peu têtus » ironise gentiment la jeune femme.

Les millésimes préférés d’Alain Berthon :

Grand Ardèche 2006, un vin encore très agréable aujourd’hui, légèrement boisé, qui donne un sentiment de plénitude
Grand Ardèche 2009 : plus évolué et miellé que 2006, ample et suave de belle longueur sur des amandes grillées
Grand Ardèche 2015 : un vin parfait tout en rondeur, ample sur des arômes briochés et vanillés, légèrement grillés.

(C’est le Grand Ardèche 2018 qui est actuellement en vente – 13,10€ ainsi que l’Ardèche chardonnay 2018 à 8,70€ et le Viognier 2019 à 10,45€)

Ci-dessous : Marion Bosquet et Alain Berthon