Accueil [LYON TASTING J-4] Regards croisés sur la sommellerie lyonnaise

[LYON TASTING J-4] Regards croisés sur la sommellerie lyonnaise

Auteur

Pauline
Gonnet

Date

15.10.2019

Partager

J-4 avant Lyon Tasting, le festival des grands vins organisé au Palais de la Bourse de Lyon les 19 et 20 octobre par Terre de Vins. Entretien croisé entre deux figures locales de la sommellerie, Denis Verneau et Andréane Fondimare.

Si Lyon est la capitale de la gastronomie, elle est aussi une place importante de la sommellerie française. Restaurants étoilés, bars à vins, la ville au cœur de nombreux vignobles voit s’épanouir de nombreux talents. Regards croisés sur le métier et la place de Lyon dans un cœur de sommelier, avec deux professionnels d’horizons et d’expérience différents : Denis Verneau, chef sommelier de La Mère Brazier, deux macarons Michelin, et Andréane Fondimare, jeune lauréate du concours Jeune Sommelier Rhône-Alpes et sommelière en bar et cave à vins.

Comment êtes-vous devenus sommelier, et quels sont vos liens avec Lyon ?
Andréane : je ne m’étais pas destinée à ce métier, à l’origine je devais partir en Belgique pour entre en école d’architecture intérieure, après un BTS de design d’espace. Or il y avait un an à attendre, alors j’ai commencé à travailler en restauration pour gagner un peu d’argent avant le grand départ. Et là, j’ai attrapé le virus. Je me suis inscrite en mention complémentaire sommellerie, j’ai fait mon apprentissage au Café Terroir (chez Jean-François Périer Têtedoie), et aujourd’hui, je peux dire que j’adore mon métier ! Et je suis née à Villefranche-sur-Saône, portail du Beaujolais, alors pouvoir promouvoir les vins de la région auxquels je suis profondément attachée, cela a du sens pour moi.
Denis : Parcours classique de mon côté : mention complémentaire en 1989 en Touraine, puis j’ai tout de suite travaillé en restaurant étoilé, c’était mon objectif. J’ai commencé à La Poularde, à Montrond-les-Bains, puis ai travaillé entre autres chez Marc Veyrat, avant d’arriver à Lyon en 1995 au restaurant Léon de Lyon. J’ai alors découvert la culture gastronomique de la ville, et son emplacement extraordinaire, qui en fait un véritable pays de cocagne : des vignobles aux quatre points cardinaux, des produits agricoles riches et qualitatifs : légumes, fruits, viandes, poissons… La région Rhône-Alpes est d’une incroyable richesse , et même si après je suis reparti trois ans à Paris, je suis définitivement revenu à Lyon en 1998 pour ne plus en partir !

Quels sont pour vous les enjeux de la sommellerie pour les années à venir ?
Denis :
le monde du vin est en pleine mutation, et le monde de la sommellerie va suivre. Le changement climatique est une réalité dans le vignoble, tout ce que l’on connaît aujourd’hui peut être amené à changer, et rapidement que ce soit l’encépagement, la vinification, les cépages utilisés… Les sommeliers vont devoir s’adapter à ces connaissances mouvantes.
Et puis au niveau du service, cela change aussi beaucoup : les clients ne passent plus trois heures à table comme avant, et sont de plus en plus connaisseurs. Les attentes, les goûts et la façon de vivre un repas évoluent énormément, et à mon avis les jeunes sommeliers vont devoir être encore plus connaisseurs et excellents que leurs aînés.
Andréane : la valeur environnementale est essentielle pour moi. Nous devrions encourager au maximum les vignerons qui travaillent en bio, biodynamie, nature, d’autant que c’est un travail exigeant, ou au moins des vignerons qui travaillent en agriculture raisonnée.
Par ailleurs, il y a encore un peu de travail côté mentalité : les clients qui me demandent à voir le sommelier, alors que c’est moi, ne sont pas si rares…
Mais je pense que ce qui ne changera pas, c’est l’envie de transmettre. Et sans prétention, avec pour seul envie celle de faire découvrir, et pas de se mettre en avant. Ses connaissances, des émotions, le travail des vignerons… Nous avons un patrimoine à transmettre, nous sommes des passeurs.
Denis : lorsque Michel Chapoutier m’avait demandé en 2015 de prononcer un discours pour le concours d’élève sommelier, il m’avait en effet semblé bon de rappeler à la jeune génération que si la sommellerie est un métier passionnant, qui demande énormément de compétences variées, qu’il faut être au service du vin comme du client, cette somme de compétences n’a pas vocation à être reconnue. Être sommelier, c’est apporter la lumière, et non pas s’illuminer soi-même.

Quel(le) est le/la jeune sommelier/sommelière qui vous inspire en ce moment ?
Andréane :
Pascaline Lepeltier. Avoir réussi ses deux concours (Meilleur Ouvrier de France et Meilleur sommelier) en si peu de temps et aussi brillamment, sa façon de sortir des codes actuels, ses choix de vins… Pour moi, elle incarne vraiment une nouvelle génération de sommeliers.
Denis : Charlotte Guyot, avec qui je travaille à la Mère Brazier. Elle a remporté cette année le titre de meilleur jeune sommelier de France. Elle était en apprentissage chez nous, et jusqu’à présent, je ne gardais jamais un apprenti lorsqu’il avait terminé ses études. Mais là, j’ai fait une exception… ! Charlotte est tellement intéressante, sensible sur le vin, avec une réelle empathie, ce qui est pour moi la qualité première chez un sommelier, que je ne souhaitais pas m’en séparer.

Vous avez cités deux femmes. Denis, à la lumière de ton expérience et en tant qu’homme, constates-tu une différence entre les sommeliers et les sommelières, ou est-ce encore un cliché ?
Denis :
ce n’est pas si cliché. Il y a une approche différente de la part des femmes. Elles sont un bien pour le métier, c’est d’ailleurs dommage que beaucoup le quittent en cours de route. D’abord, elles sont souvent hyper compétentes, peut-être comment beaucoup de femmes qui arrivent dans un milieu traditionnellement masculin. Mais quand elles passent au-delà de la technique, l’échange avec la clientèle devient plus sensible peut-être, le côté émotionnel s’exprime mieux, on passe sur le côté vibrant du vin.

Quelle serait votre signature en tant que sommelier ?
Andréane :
j’aime les vins tendus, sapides, digestes. Je suis attachée au Beaujolais, mais j’adore aussi la Val de Loire, et le Jura. Mais globalement, au vu de mon expérience jusqu’à présent comme de mes goûts, j’aurais tendance à privilégier les vins locaux, et le plus respectueux de l’environnement possible.
Denis : je ne cours pas après l’hyper-technicité, mais après le plaisir des clients. L’écoute, c’est ma plus-value. L’empathie et la curiosité.

Un accord mets et vins qui vous a particulièrement marqué ou auquel vous êtes attachés?
Andréane :
un Syrah-Léone du domaine Peyre-Rose 98, avec une côte de bœuf. Et puis c’était aussi une question de contexte, en plus de la qualité évidente du vin : il faisait beau, nous étions réunis entre amis pour l’anniversaire de l’une d’elle… Et j’ai remarqué que j’étais sensible aux vins faits par des femmes !
Denis : un foie gras poêlé, millefeuille de betteraves et bouillon de cèpes avec un Xérès aontillado « escuadrilla » de la maison Lustau. Les clients avaient tendance à grimacer lors de la dégustation du vin, mais une fois accordé au plat, cela devenait une évidence et chacun prenait une dimension totalement supérieure.

Samedi 19 octobre de 10h à 18h30
Dimanche 20 octobre de 10h à 18h
25 € le pass journée
27 € le pass journée + abonnement
39 € le pass 2 jours
Palais de la Bourse de Lyon : CCI Lyon – Place de la Bourse, 69002 Lyon

Pour chaque billet acheté, un atelier Côtes du Rhône vous est offert*.
*Dans la limite des places disponibles.

ATTENTION ! Billets non échangeables, non remboursables.