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Mr Guillaume Durand : non les vins bio ne sont pas dégueulasses

Auteur

La
rédaction

Date

21.03.2010

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Le 10 mars dernier, dans l’émission « L’objet du scandale » animée par Guillaume Durand, consacrée ce jour-là au réchauffement climatique, ce dernier a déclenché une cascade de réactions quasi épidermiques sur le net, à la suite de cette phrase : « les vins bio sont dégueulasses ».
Une attachée de presse spécialisée dans le vin et organisatrice d’événements, Christine Ontivero écrit cette lettre :Bonjour,

J’ai regardé, hier soir, votre émission consacrée au réchauffement climatique dont le principal invité était Claude Allègre. Emission passionnante en ce sens où Claude Allègre mérite d’être entendu et écouté ce qui n’était pas toujours le cas des autres invités, ses contradicteurs. On peut regretter que, dans ce genre d’émission, les gens ne débattent pas vraiment et ne laissent pas s’exprimer ceux qui ont des choses à dire mais… C’est malheureusement souvent le cas.

Ce qui me conduit à vous écrire, ce sont les propos que j’ai entendus dans votre bouche « les vins bios sont dégueulasses ». Vous les avez tenus avec une telle conviction que je me dois de vous demander : « savez-vous vraiment ce que sont les vins bio ? » Je crains fort que non. En effet, je pense que, comme d’autres peu ou mal informés sur le sujet, vous faites l’amalgame entre les vins issus de l’agriculture biologique qui peuvent désormais apposer le logo AB sur leur bouteille et les vins sans soufre qui restent une production marginale mais que quelques propriétaires de bars à vins « extrémistes » veulent à tout prix imposer à leurs clients comme étant la panacée, en parlant de vins naturels.

Savez-vous que la plupart des plus grands vignerons français et étrangers produisent leurs vins avec des raisins issus de l’agriculture biologique ? Des noms ? Cazes à Rivesaltes, Domaine Zind-Humbrecht en Alsace, Alphonse Mellot à Sancerre, Domaine Huet à Vouvray, Domaine des Roches Neuves à Saumur, Chapoutier dans la Vallée du Rhône, Anne Claude Leflaive à Puligny Montrachet, François Chidaine à Montlouis sur Loire, Château Fonroque à St Emilion, Domaine St André de Figuière à La Londe les Maures, Pontet Canet à Pauillac, Domaine Singla dans le Roussillon dont les vins viennent de rentrer à l’Elysée… Je pourrais vous en citer ainsi des centaines. Avez-vous goûté leurs vins ? Sont-ils dégueulasses ? Savez-vous que ces grands vignerons sont parmi les plus recherchés aussi bien des grands acheteurs étrangers, que des grands sommeliers, que des grands critiques du vin ?

Savez-vous que la Romanée Conti, cru mythique s’il en est, cultive ses vignes en bio depuis 30 ans ?

Je pense, sincèrement, que vous confondez ces vins dits « bio » – alors que le vin bio n’existe pas puisqu’il n’y a pas vinification bio, du moins pour l’instant – avec ces vins sans soufre qui, effectivement, le plus souvent, présentent des déviances gustatives parce que le soufre est un élément qui permet de protéger le vin de l’oxydation et donc de le faire voyager. Personnellement, je n’ai rien contre les vins sans soufre mais il faudrait que ceux qui en produisent indiquent sur leur étiquette que ce sont des vins à boire rapidement car, sans soufre, ils n’ont pas de potentiel de garde tous les vons vignerons, les sérieux, vous le diront. Un peu comme l’on indique une date de péremption sur les produits frais. Malheureusement, la plupart du temps, ils ne sont pas buvables et sentent la fiente de volatiles. J’ose espérer que, à la lecture de ce qui précède, vous vous rendrez compte de votre erreur. L’erreur est humaine. Vous n’êtes pas un spécialiste du vin. Vous avez le droit de vous tromper. En revanche, je pense que vous n’avez pas le droit d’affirmer que « les vins bios sont dégueulasses » comme vous l’avez fait hier soir.

Imaginez si les téléspectateurs, demain, se mettaient à affirmer que tous les journalistes de France 2 sont incompétents. Vous apprécieriez ?
Je respecte le métier de journaliste, la libre expression, la pluralité des idées car je suis attachée de presse et, dans mon travail au quotidien, j’utilise beaucoup d’énergie pour faire comprendre à mes clients que tous les journalistes ne sont pas à mettre dans le même panier, qu’il y en a beaucoup qui font leur métier avec sérieux, avec passion, avec justesse, avec honnêteté.

Il me semble que vous êtes de ceux-là et que vous avez « pêché », si je puis m’exprimer ainsi, par manque d’information sur le sujet.
Vu les fausses informations ou idées reçues qui circulent sur le bio, j’imagine que ce doit être le même cas pour bien d’autres sujets et que en conséquence, si je me fie à ce que j’entends à la télé, je n’ai pas la garantie d’être bien informée.
Puissiez-vous réparer votre erreur soit en vous excusant envers les vignerons qui produisent des vins issus de l’agriculture biologique, soit, pourquoi pas, en organisant une émission sur cette thématique qui semble de plus en plus passionner les foules.
Il faut se garder d’opposer une pratique à une autre. Il y a du bon et du mauvais dans le conventionnel, comme il y a du bon et du mauvais dans le bio. Ce serait rétablir la vérité que de le dire.
Je pense aussi que vous êtes un épicurien et que les noms des vignerons que je vous ai cités au début de mon courrier ne vous sont pas étrangers. Ils comptent parmi les plus grands. La plupart des vins issus de l’agriculture biologique sont plus purs, davantage empreints de l’empreinte du terroir. Et ils se gardent tout aussi longtemps que les vins issus de l’agriculture conventionnelle contrairement à ce que j’ai entendu dire sur une autre chaine par un journaliste, pourtant de l’univers gastronomique, qui avait clamé cela avec autant de pouvoir de persuasion que vous hier soir.
Le problème est que ces allégations livrées comme ça à l’emporte pièce causent du tort aux vignerons qui ont compris que bétonner la terre avec des désherbants et traiter avec des produits chimiques étaient des pratiques préjudiciables pour la nature, pour leur santé et pour celle des consommateurs.
Tout vigneron qui se respecte, fait son vin à la vigne. En cave, il intervient peu. Il se contente d’accompagner le vin qui fermente avec les levures contenues naturellement dans la peau du raisin par des gestes simples, avec bon sens. Grâce à l’agriculture biologique, Il n’a plus besoin d’utiliser les levures industrielles qui ont tendance à uniformiser le goût des vins en « réparant » le mauvais travail fait à la vigne.
Je ne doute pas que vous comprendrez le bien fondé de ma démarche et que, parce que vous aimez la vérité, que vous exercez votre métier sûrement avec passion, vous aurez à cœur de reconnaître votre erreur.

Sincères salutations
Christine Ontivéro (son blog)
PS : le 8 novembre, j’organise, au Pavillon Dauphine à Paris, une dégustation pour 35 vignerons qui cultivent leurs vignes en agriculture biologique ou biodynamique. Prenez le temps de leur rendre visite et de goûteur leurs vins. Je suis certaine qu’ainsi, plus jamais vous ne vous hasarderez à dire que les vins bio sont dégueulasses.