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« Philantropic Ars Nova » : le grand projet du champagne Taittinger

Auteur

Yves
Tesson

Date

29.09.2023

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Alors que la Maison présentait ce lundi le millésime 2013 de la cuvée Comtes de Champagne autour d’un repas grandiose préparé par Georgina Viou au Musée des Arts Décoratifs, nous avons découvert le nouveau projet de la famille Taittinger : la création d’un fonds de dotation pour soutenir la culture. Vitalie Taittinger nous a raconté la genèse de ce projet…

Comment cette histoire a-t-elle débuté ?
Dans notre famille, la culture et la défense de l’intérêt général ont toujours eu une place prépondérante, que ce soit mon grand-père Jean Taittinger qui a été maire de Reims ou à travers ce qu’a légué mon oncle Claude au sein de la Maison. À la génération suivante, mon père a été président de la Mission UNESCO, et moi-même je me suis impliquée au niveau des fonds régionaux d’art contemporain. En regardant tout ce que notre entreprise a été capable de faire en termes de mécénats, de partenariats, je me suis demandé comment est-ce que l’on pourrait optimiser tout cela afin de donner de manière plus efficace. Il me semble en effet qu’il est très difficile de conjuguer le business et la générosité. Si on structure l’entreprise, on se dit que ce sont deux choses qui doivent pouvoir vivre séparément, afin de ne pas interférer. L’un ne doit pas instrumentaliser l’autre, ce que de toute façon nous n’avons jamais réussi à faire. En rendant cette action indépendante de celle de l’entreprise, avec un objectif purement sociétal, cela permet aussi de rassembler autour de nous d’autres partenaires qui cultivent les mêmes envies de générosité. On peut ainsi donner une autre ampleur à nos actions et toucher des publics restés pour nous jusqu’ici inaccessibles, l'objectif premier étant le partage le plus large possible de la culture.

Quels seront les champs d’action de ce fonds de dotation ?
Il va faire vivre trois domaines qui ont toujours été fondamentaux chez Taittinger. D’abord la musique puisque nous sommes mécènes des opéras de Paris. Une institution dont on sait que si on ne la soutient pas, dans la mesure où elle ne touche pas tout le monde, elle pourrait facilement péricliter. Il s'agit pourtant d'un trésor, d'un joyau vivant qui représente des milliers de talents et qui véhicule des émotions incroyables. L’art ensuite, avec lequel j’ai une relation particulière. Ma grand-mère était artiste, mon arrière-grand-mère également, nous avons toujours vécu dans ce monde singulier à la fois de collectionneurs et de créateurs. Moi-même, j’ai fait des études d’art et toute ma vie - même si aujourd’hui je dirige une entreprise - je me suis dit que je n’aurais pas pu faire de plus belles études, parce qu’on y apprend à travailler, à se planter, on y affronte l’incompréhension, on découvre ce qu’est la liberté… Enfin, troisième grand domaine, la gastronomie que nous soutenons depuis 57 ans à travers le prix Taittinger. J’ai vraiment envie que ce prix culinaire soit placé au sein du fonds. De cette manière, il pourra être étoffé par des actions en faveur de l’éducation au goût. L’idée étant d’apprendre aux gens à se faire plaisir avec des choses simples : comment se remettre autour d’une table, cuisiner un plat de pâtes parfaitement cuit, conserver une pomme de terre dans un réfrigérateur…

Quel est l’organigramme de ce fonds ?
À la tête, nous avons placé un petit collectif, avec un comité scientifique, un conseil d’administration, un comité d’investissement. Il y aura aussi un président. La directrice générale s’appelle Marie Rouviellois. C’est un cadeau qui nous a été amené par une autre aventure. Taittinger a croisé le chemin de Nicolas Vanier lorsqu’il est venu tourner en Champagne. Nous avons décidé de continuer à le soutenir dans la réalisation de son prochain film qui s’intitule « Le monde à l’envers », le scénario étant une projection de ce que pourrait être la vie dans quelques années. Marie travaillait pour Nicolas et c’est ainsi que nous l’avons rencontrée. J’ai découvert une femme de conviction, engagée. Lorsque l’on se lance dans ce genre de projet, on fait une gymnastique intellectuelle, parce que passer d’un mode business à un mode philanthropie, c’est le grand écart. Il fallait donc quelqu’un qui ait toute la sensibilité nécessaire et avec qui nous aurions plaisir à travailler.

Comment vous est venu le nom ?
Ma première idée était d’appeler ce fonds de dotation « Renaissance ». Nous avons pensé aussi à « Jean Taittinger », ce qui aurait été une façon de rendre hommage à celui qui nous a permis de redevenir propriétaire de la maison. Mais nous nous sommes dits que c’était encore trop corrélé à la famille. Nous avons fait appel à un grand ami de la Maison : le médiéviste Patrick Demouy. Nous lui avons raconté notre histoire et un nom lui est immédiatement venu à l’esprit : Ars Nova, un courant musical né à Reims avec Guillaume de Machaut. Notre fonds va être hébergé dans un hôtel particulier qui, bien que bâti en 1876, a été réaménagé au début du XXe siècle en suivant les canons de l’Art nouveau, une autre révolution artistique. Ce nom « Ars Nova » nous est donc apparu comme un alignement de planètes. Le bâtiment était la demeure de Georges Charbonneaux, un grand mécène des arts, qui a créé tout un quartier dans Reims, la cité du chemin vert, avec l’idée que les ouvriers eux aussi avaient le droit de vivre dans le beau. Nous l’avons rénové, c’est une maison incroyable dans laquelle son ancien propriétaire a fait rentrer un théâtre, beaucoup d’excentricité et finalement toute la singularité de son personnage. C’est le propos de ce fonds : dans la vie, quelle est notre liberté ? Nous pouvons sans cesse imiter les autres, regarder nos téléphones portables et poster des selfies sur Instagram, mais nous pouvons aussi nous ouvrir à d’autres univers, créer, être dans la différence, accepter la diversité. Le mouvement est double, comprendre qui nous sommes en intégrant ce que l’on nous a légué, ce qui est la condition ensuite pour pouvoir ensuite mieux s’ouvrir aux autres.

©benoitpelletier Ancien hôtel de Georges Charbonneaux à Reims

Terre de vins aime : Comtes de Champagne 2013 (230 €)
S’il fallait situer ce 2013, on le placerait entre 2008 et 2012. Sans être aussi explosif que 2012, il est moins corseté que 2008, même s'il lui ressemble par sa fraîcheur et sa minéralité. Le nez évoque la fleur d'oranger, le beurre. En bouche, les agrumes à peine confits s’enrobent de notes toastées, la fleur de sel offrant un élégant point d’orgue.