Jeudi 7 Novembre 2024
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12.03.2013
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À un petit mois de l’ouverture de la Semaine des primeurs en Gironde (du 8 au 12 avril), l’Union des grands crus de Bordeaux tenait vendredi son assemblée générale au château La Conseillante (AOC Pomerol), récemment restauré par la famille Nicolas, qui en est propriétaire.
Ce club, créé il y a quarante ans, et qui réunit 134 propriétés de l’élite, est la cheville ouvrière de ce rendez-vous d’avril, qui attire tous les ans acheteurs et prescripteurs du monde entier venant déguster le millésime issu de la récolte de l’automne précédent. Il s’agit donc ces jours prochains de savoir comment se goûtera le bébé 2012 (les assemblages sont en cours ), à quel prix les propriétaires le proposeront lors de la campagne primeur (d’avril à juin), et, surtout, si les clients seront au rendez-vous. Vendredi, ces questions n’étaient pas au menu de l’assemblée générale… mais dans les têtes des propriétaires présents.
Aller partout dans le monde
« L’Union est un outil de promotion, la stratégie commerciale et tarifaire de chacun des membres est libre. Notre travail est d’aller partout dans le monde faire goûter nos vins, la plupart du temps vendus par nos collègues négociants », explique-t-on. Ainsi, que vous représentiez les châteaux Haut-Bergey, Coufran, Cos Labory, Coutet, Lagrange ou de Chantegrive, vous multipliez toute l’année les déplacements en Asie, aux États-Unis ou en Europe.
« On réfléchit désormais à notre stratégie pour écouler au mieux en primeur notre 2012, mais le contexte d’aujourd’hui peut complètement différer dans deux mois », explique un propriétaire. « Une chose est sûre : la campagne s’annonce très compliquée. »
Que faut-il en effet pour qu’une campagne réussisse ? D’abord, un millésime de qualité (et potentiellement spéculatif) donnant envie à un amateur d’acheter un vin qui ne lui sera pourtant livré que deux ans plus tard. Le 2012 sera jugé verre en main, or la météo lors des vendanges a été compliquée. « On ne peut pas dire que l’engouement soit là. Déjà, la campagne primeur du 2011 – qui suivait les grands millésimes 2009 et 2010 – fut un échec pour bien des châteaux », précise un expert. Propriétaires, négociants, acheteurs (grande distribution, importateurs…), tous se regardent en chiens de faïence. D’autant que cette année 2013 s’annonce économiquement sinistrée. Or, il faut de l’argent pour acquérir par anticipation les 200 à 300 châteaux de l’élite concernés par la mécanique des primeurs – dont les tarifs ont bien grimpé depuis les années 2000. En consultant les sites spécialisés ou lors des foires aux vins, l’amateur ne voit que trop bien que, désormais, il ne peut plus s’offrir la bouteille qui lui était encore accessible il n’y a pas si longtemps…
Quel levier reste-t-il ?
Alors que la qualité du millésime sera sujette à débat, que les portefeuilles sont en berne, que les caves sont déjà bien remplies des millésimes précédents, que la Chine est moins gloutonne qu’il y a deux ans, quel levier reste-t-il pour vendre des bouteilles ? Un seul : le prix et l’impression de faire une bonne affaire sur un château reconnu ou en progrès, et ce, malgré tous les nuages noirs évoqués.
« Sans pratiquer des tarifs franchement revus à la baisse par rapport au millésime 2011, peu de caisses partiront », assure un propriétaire. Bien sûr, selon que la bouteille coûte 15 ou 300 euros, les efforts ne pourront être les mêmes. Mais telle serait la tendance ; sauf à prendre le risque que ce système de primeurs – unique au monde – s’use et perde tout intérêt pour les professionnels et les amateurs.
César Compadre
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