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Primeurs à Bordeaux : la campagne s’entrouvre !

Auteur

Rodolphe
Wartel

Date

21.04.2020

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J+36 du confinement : l’Union des Grands Crus de Bordeaux et Bordeaux Négoce, par les voix de Ronan Laborde et Georges Haushalter, viennent d’annoncer qu’ils envisagent que les primeurs puissent se tenir « dans un format ajusté, d’ici à la fin de l’été ».

Cette annonce était attendue avec impatience par les 134 châteaux membres de cette Union, parmi les plus prestigieux du vignoble bordelais. Dans le cadre du coronavirus, les présentations « Primeurs 2019 », initialement prévues du 30 mars au 2 avril, avaient en effet dû être suspendues. Avec énormément de prudence, Ronan Laborde et Georges Haushalter rappellent que « la mobilisation de tous contre la maladie était la priorité » et qu’elle « le demeure toujours ». Aussi, poursuivent-ils, « une reprise progressive de l’activité semble cependant s’annoncer en France et dans d’autres pays, avec le déconfinement par étapes qui l’accompagnera. Au vu de cette évolution, une formule nouvelle, exceptionnelle, adaptée et pragmatique, pourrait être proposée pour faire déguster le millésime 2019. Elle pourrait consister en l’organisation, à Bordeaux et dans d’autres villes dans le monde, de sessions de dégustation adaptées pour offrir les meilleures garanties sanitaires tout en
maintenant le même niveau de professionnalisme. Celles-ci accueilleraient des cercles restreints de professionnels de la distribution, de critiques et de journalistes, en plusieurs sessions privatives successives permettant le plein respect des gestes barrières et des règles de protection sanitaire. » Les détails de cette programmation pourraient être confirmés « autour du 11 mai ». « Si à ce moment-là, les autorités françaises sont en mesure d’entériner le fait qu’un déconfinement progressif peut effectivement être mis en œuvre en France, les dates et les lieux de ces séances seront arrêtés et communiqués », poursuivent Ronan Laborde et Georges Haushalter.

Partout dans le vignoble, chacun y allait ces derniers jours de sa propre suggestion : déguster maintenant dans le respect des précautions sanitaires, attendre juin voire même la rentrée. Ronan Laborde et Georges Haushalter ont choisi un « entre-deux » même si, glisse un éminent propriétaire médocain, « il y a eu des primeurs avant l’Union et chacun agira en conscience en accueillant courtiers et négociants qui font le cœur du business. » Depuis des semaines, des échantillons sont en effet envoyés à la demande de quelques journalistes aux distributeurs par des propriétés. Certains d’entre eux se sont déjà exprimés sur Terredevins.com. Quelques journalistes ont par ailleurs, juste avant le confinement, pu déguster et commencent à éditer des notes et commentaires. Dans ce grand vacarme où il est finalement difficile d’obtenir une adhésion majoritaire, une question surgit : et si l’annulation de cette Semaine des Primeurs redonnait finalement toute sa place au négoce bordelais ? C’est en effet son rôle de distribuer les grands bordeaux. Ces maisons sont allocataires, portent les risques financiers et possèdent des acheteurs partout au bout du monde. « Pour acheter du Pichon Baron, je n’ai pas besoin que mes clients internationaux viennent déguster, explique le directeur de cette maison de négoce référente, qui souhaite, en raison des circonstances, garder l’anonymat. Sur un millésime comme le 2019, qui sera une réussite, nos clients n’ont aucun risque. Nous saurons leur donner confiance et cela va nous repositionner ».

La question cruciale sera en réalité celle du prix. Alors que le marché des grands crus est quasiment à l’arrêt, il faudra, dès lors que la campagne sera lancée, des prix attractifs dans un contexte mondial sans précédent. Bordeaux, qui aime la demi-mesure et hésitera encore longuement entre envoyer un signe fort et maintenir sa trésorerie, fixera-t-il des prix en se basant sur les millésimes 2018, 2016, 2015 ou 2014 ? C’est bien là l’enjeu majeur de cette campagne. « Avec de bons prix, nous saurons malgré la crise écouler les vins de ce millésime qui sera un très bon millésime », assure cet autre patron d’une maison de négoce. Tout le monde est donc désormais dans les starting blocks, avec des propriétés qui ont déjà fait déguster, d’autres qui s’apprêtent à le faire, d’autres enfin qui attendent l’évolution mondiale pour se positionner. De source sûre, une lettre de marchands anglais serait parvenue hier soir à l’adresse de propriétés expliquant qu’il n’était pas l’heure de parler de primeurs. Une autre lettre, portée cette fois-ci par des poids lourds de la distribution anglaise serait, elle, sur le point d’être envoyée en demandant le top départ. Comme quoi la France n’est pas la seule à porter des avis divergents…

Terre de vins sur le front

Depuis le 16 mars, Terre de Vins n’a cessé de travailler et de vous informer. Sans relâche, au travers de textes, photos, vidéos, nos journalistes ont édité des informations afin de vous aider à comprendre les dessous de la crise. Chaque année, dans ce printemps aujourd’hui affecté par le Covid 19, Terre de Vins éditait un numéro spécial primeurs. Dans le respect des mesures gouvernementales, la priorité étant d’abord la sortie sanitaire de la crise, nous avons décidé de reporter notre numéro qui sortira finalement le 15 juin. « Nous ne pouvons pas priver nos lecteurs d’une information qui constitue un rituel de la filière et est attendue par nos 150 000 internautes et par nos 300 000 lecteurs du magazine », insiste Sylvie Tonnaire, rédacteur en chef du magazine. C’est ainsi, dans le respect absolu des précautions sanitaires, qu’un appel à dégustation sera prochainement organisé rive gauche et rive droite de Bordeaux, à l’attention de 400 châteaux qui constituent le socle historique des primeurs, essentiellement composé de crus classés du Médoc, de Saint-Emilion, de Pessac-Léognan, de Sauternes, de Pomerol, de crus bourgeois du Médoc… Objectif : permettre à Bordeaux de garder une part de voix importante auprès d’une communauté française attachée à ces grands vins avant que la vague des rosés ne l’emporte début juillet. Et éditer un numéro collector et exceptionnel pour un millésime qui ne le sera pas moins.