Accueil Réduction des sulfites : le Comité Champagne innove !

Réduction des sulfites : le Comité Champagne innove !

Auteur

Yves
Tesson

Date

11.01.2022

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C’est une bombe qui ne va pas tarder à provoquer le branle-bas de combat chez les bouchonniers. Le Service technique du Comité Champagne a mis au point une méthode pour se débarrasser de l’oxygène contenu dans les bouchons. Une innovation qui devrait faciliter la suppression des sulfites au dégorgement.

Dans le vin, les sulfites permettent de contrôler le développement de la flore et d’éviter l’oxydation. C’est cette double fonction combinée à leur faible coût qui les rend quasi irremplaçables. Ils sont ajoutés à trois moments essentiels : sur les moûts avant la fermentation, juste après la fermentation pour procéder à un ajustement, et en ce qui concerne le champagne, après la seconde fermentation en bouteille, à l’étape du dégorgement (évacuation des lies) avant de procéder à un nouveau bouchage. Certains sulfites peuvent également se développer naturellement dans le vin. Ils sont générés par les levures et n’exercent aucune action de protection sur le vin, parce qu’ils sont combinés à d’autres molécules comme l’éthanal.

Pour le consommateur, l’apport de sulfites dans l’alimentation courante proviendrait à 75 % du vin. Le champagne en contient peu, en moyenne 50 mg/litre. Si on considère que l’OMS recommande au consommateur de ne pas dépasser les 0,7 mg par kilo de poids corporel cela signifie que « s’il veut atteindre cette dose journalière, un consommateur doit boire un peu plus d’une bouteille. Il ressentira les effets indésirables de l’alcool bien avant ceux des sulfites ! » ironise Benoît Villedey, adjoint au responsable de service vin du CIVC.

La raison de cette faible dose ? En premier lieu les pH bas des vins de Champagne qui rendent l’efficacité des sulfites plus grande. Mais aussi des années de recherche et d’innovation du service technique du Comité champagne pour trouver un itinéraire alternatif de vinification. Ce travail a débouché en 2016 sur « la filière demi-dose ». A chacune des trois étapes, on vient apporter la moitié de la dose conventionnelle tout en obtenant une qualité similaire. Pour cela, il faut maîtriser l’oxygénation des vins, ce qui passe notamment par l’inertage, l’élevage sur lie et le ouillage régulier… L’attention à la microbiologie est indispensable, en l’occurrence surtout l’hygiène du chai et le recours à des ensemencements en levures et bactéries sélectionnées pour assurer les fermentations. L’utilisation de levures indigènes est à bannir car elles produisent davantage de sulfites.

Des progrès à l’étape du dégorgement devraient permettre d’aller plus loin. Lors de cette phase délicate, le champagne subit un contact violent avec l’oxygène. On a déjà réussi à réduire la quantité de sulfites additionnée à ce stade via le jetting. Celui-ci consiste à laisser tomber une goutte de solution œnologique pour faire mousser le vin ce qui chasse l’oxygène du col. Néanmoins, l’oxygène continue à rentrer dans le col même après le rebouchage. D’une part à cause de la perméabilité du bouchon qui entraîne un apport mineur de 0,2 à 0,8 mg par an et par bouteille. D’autre part, à cause de la désorption : l’oxygène prisonnier à l’intérieur du liège sous l’effet de la compression au bouchage se libère pendant près de 100 jours ce qui représente environ 3 mg d’oxygène.

Depuis 2019, le CIVC à travers un programme jusqu’ici confidentiel a mené une expérimentation en plaçant les bouchons dans un environnement sans oxygène. « On les a plongés dans une enceinte d’azote gazeux pour réaliser un échange. Le liège est composé de 80 % d’air, la composition de cet air n’est ni plus ni moins que la composition de l’air dans lequel il évolue. » Résultat ? Les bouchons sont débarrassés de leur oxygène. Combinée au jetting, cette technique permettrait de s’abstenir totalement de sulfites au dégorgement. Si cette méthode fonctionne (les résultats viennent d’être publiés), le Comité Champagne en appelle à la technicité des bouchonniers pour la rendre plus opérationnelle.

Pour en savoir davantage, lire le Vigneron champenois, numéro de décembre 2021.