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[Sauternes] Le chai de Rayne Vigneau est aussi une galerie d’art

Auteur

Michel
Sarrazin

Date

15.05.2022

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Chaque année, depuis cinq ans maintenant, le château Rayne Vigneau, 1er cru classé 1855 en appellation Sauternes, sélectionne deux artistes et expose leurs œuvres dans son chai à barriques. Une façon originale de marier le vin et l’art à découvrir jusqu'au 21 novembre 2022.

"On sélectionne les artistes avec nos valeurs : le bois, et le verre pour cette année. Notre propriétaire Derek Smith voit les œuvres et valide les artistes sélectionnés. L’an dernier, l'exposition était très colorée, cette année c’est plutôt le noir. On s’est arrêté sur deux artistes - Fabienne le Pajolec et Nils Orm - car les deux styles sont complémentaires et se parlent bien. Nous voulons faire entrer de la vie dans le chai. C’est très symbolique en termes de saison : l’hiver, le vin se replie sur lui-même et s’ouvre au moment où le chai se remplit d’œuvres" explique Vincent Labergère, le Directeur du château.

Le verre et le bois

Fabienne le Pajolec est mosaïste. « Il y a six ans, je peignais. Mon Grand-père était tailleur de pierre et cela m’a certainement influencé. » Et de redécouvrir aussi un intérêt pour les matériaux lors d’une exposition à Chartres : les marbres, les granits, les minéraux, la dalle de verre. Des verres particuliers qu’elle trouve chez « le dernier artisan verrier de France à Montigny lès Cormeilles qui fabrique la dalle de verre qu’on appelle aussi émaux de verre. Son atelier est une caverne d’Ali baba ». Fabienne travaille aussi les pierres semi précieuses : pyrite, cristaux de roches, et améthyste. Comment ne pas remarquer le « clin d’œil au terroir de Rayne Vigneau, célèbre pour recéler des pierres semi précieuses » fait-elle remarquer. Dans l’œuvre de Fabienne le Pajolec, la référence à Pierre Soulage n’est jamais bien loin. Comme dans « Infini noir » : un hommage au noir, « une œuvre qui change d’aspect et acquiert du contraste lorsqu’on tourne autour. Tout un travail sur la lumière » grâce à de la pyrite, de la dalle de verre et différentes ardoises. Ou bien « Rallumons les étoiles » son dernier tableau pour une exposition qui est la démonstration qu’il peut y avoir de l’éclat dans une gamme de noir. « J’apprenais que la guerre en Ukraine venait d’éclater. J’avais envie de montrer du beau pour éclipser la tristesse ».

Nils Orm, lui, est sculpteur sur bois. Une personne discrète mais habitée par un monde intérieur à côté de son travail d’agent de bureau d’étude de la SNCF. Un parcours contrarié: « je devais faire l’école des beaux-arts mais mes parents s’y sont opposés ». En guise de passe-temps, Nils fait malgré tout de la photographie avec son Leica. Mais « il me manquait le travail sur une matière noble » avoue-t-il. « Je me suis orienté sur le bois : une matière vivante et sensuelle ». Ses œuvres ne sont jamais prédéfinies à l’avance.  Il dessine une première esquisse, puis interrompt le travail : « je me pose en tant que spectateur. Tout n’est pas dessiné d’avance ». Et puis, « le bois a besoin d’être observé au cours de son travail car une fois sorti de son milieu et de ses contraintes, il peut évoluer ». Un bois qui peut être récupéré chez le particulier, en forêt, ou dans des scieries qui proposent du bois non commercialisable pour l’ameublement ou la construction. Au fur et à mesure que Nils sculpte il « adapte l’objet par rapport au projet original ». C’est le cas de « Dune », une œuvre qui a été faite à partir d’un tronc de frêne et qui « symbolise les dunes de sable du bassin d’Arcachon, et les herbes folles qu’on peut y voir ». Une image de fragilité et de douceur. Sur certaines parties, l’aubier a été grignoté par les insectes : des imperfections qui ont été valorisées et esthétisées. On peut y voir, des signes, des évocations d’écritures ou des symboles qui portent l’imagination. « Ligne d’eau » raconte la vision d’une ligne d’eau dans le bassin d’une piscine olympique où les compétitions ont traumatisé Nils dans son enfance. Ces lignes qui, « au moindre choc produisent des ondes symétriques » que l’œuvre traduit.