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Thierry Marx reçoit le Trophée Gosset

Jean-Pierre Cointreau, Amaury Cointreau, Thierry Marx et Julien Cointreau.

Jean-Pierre Cointreau, Amaury Cointreau, Thierry Marx et Julien Cointreau. Crédit Photo Valentin Chalandon

Auteur

Yves
Tesson

Date

11.09.2025

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À l’heure où la majorité des moins de trente ans ne boit plus une goutte de vin et où la France compte plus de snacks que de restaurants, la réception par Thierry Marx du trophée Gosset qui fête les 30 ans du prix, ne manquait pas de sens. Ce chef étoilé iconoclaste, issu des banlieues, a fait de la crise de la transmission son cheval de bataille. À noter qu'il avait déjà été lauréat une première fois en 2004, une distinction qui avait participé alors à sa révélation.

Ceinture noire de judos, Thierry Marx dégage une force tranquille que rien ne semble pouvoir arrêter. Comme tous ceux qui ont de vraies convictions fondées sur une longue expérience, il avance, mène à bien ses projets, sans se soucier du qu’en dira-t-on. Hier soir, à la Cité de l’architecture, après avoir reçu des mains de Jean-Pierre Cointreau le prix Gosset dédié à la transmission du patrimoine qu’il soit culinaire ou artistique, il est revenu sur ce parcours. « Je viens d’un quartier, Menilmontant, que l’on appelle aujourd’hui gentiment « politique de la ville ». Rien ne me prédestinait aujourd’hui à parler devant vous de gastronomie ou de quoi que ce soit. »

Certains journalistes l’ont ainsi décrit à ses débuts, du fait de ses origines mais aussi parce qu’il n’avait pas peur alors de défendre la street food, comme un « anti-terroir ». Thierry Marx s’en défend désormais, après tout, lorsqu’il était chef dans les cuisines du Château Cordeillan-Bages à Pauillac, il avait tout de même le sentiment de cultiver une certaine passion pour le vignoble local et ses artisans ! Il n’empêche, à l’époque, un reportage d’envoyé spécial qui avait eu l’effet sur sa carrière d’une « bombe médiatique » l’avait fait méditer sur cet itinéraire peu commun, celui d’un ancien ouvrier métallurgiste, passé par la légion étrangère, devenu chef étoilé. « Cela m’a amené à me demander ce que je pouvais faire pour les gens qui viennent de mon extraction sociale. »

De la haute gastronomie aux Restos du coeur

Deux rencontres seront déterminantes. La première sera celle de Julien Leprêtre, qui dirigeait le Secours populaire. « Je suis né Rue du Groupe-Manouchian et j’étais curieux d’échanger avec lui parce qu’il était le dernier à avoir vu le résistant Manouchian vivant quand il était jeune. Il avait en effet été incarcéré avec lui. »  La deuxième sera celle de Véronique Colucci, l’épouse de Coluche. « Elle m’a dit, viens aux Restos du cœur, tu vas voir, tu trouveras quelque chose à faire. À part faire des chèques, je ne voyais pas très bien… On a monté ensemble le premier atelier cuisine pour des gens qui étaient en grande précarité. » Devant la réussite de cette expérience, Thierry Marx décide d’écrire un livre de recettes destiné aux bénéficiaires des Restos du cœur et aux bénévoles de l’association centré sur des ingrédients très simples, mais aussi de créer une véritable école « pour des personnes éloignées de l’emploi, ayant eu parfois affaire à la justice, afin de les ramener vers un projet de métier au travers de cette gastronomie française qui est enthousiasmante. Au total, dix écoles ont été ouvertes, 12.500 personnes formées, avec 92 % de retour dans un projet métier et 7 % de créations d’entreprises pour des gens qui se croyaient assignés à une situation sociale. »

Un combat qu'il mène désormais sur le plan politique

Ce combat, il a dernièrement décidé de le porter aussi sur le plan politique. « Il y a trois ans, je ne sais pas par quelle turpitude mentale je me suis lancé dans une élection pour être élu président de l’UMIH (Union des Maisons et de l’Industrie de l’Hôtellerie). Je suis ceinture noire de judos et effectivement quand vous êtes élu, il faut aimer les sports de combat où il n’y a pas de code moral. Mais j’ai voulu donner du sens à cette gouvernance, le sens de la gastronomie française. Ici, ce soir, on a l’impression que tout va bien et que nos vignerons et nos chefs vivent bien. C’est pourtant un combat du quotidien à mener pour que cette gastronomie française  continue à rayonner de façon planétaire. »

Un exemple ? Thierry Marx milite pour une loi qui encadre le mot « restaurant » et le « fait maison » à une époque où n’importe quel établissement se prévaut du titre de restaurateur, même s’il ne fait que réchauffer des plats au micro-onde. Et de rappeler que la France, sans qu’on n’y prenne vraiment garde, régresse parmi les destinations préférées des touristes alors que cette activité est absolument stratégique. «Le tourisme représente 7,5 % du PIB français, ce n’est pas une virgule dans les Misérables ! Or depuis deux ans, nous sommes derrière l’Espagne, derrière l’Italie, l’Allemagne nous talonne et demain le Maroc sera une destination extrêmement importante. Pourquoi ? Parce que nos entreprises ont trop de charges. Mais aussi parce qu’on ne défend pas assez la formation professionnelle, l’économie de la qualité.  Et ce sont les combats que je mène. Aujourd’hui notre syndicat pèse plus lourd que lorsque je suis arrivé. On se sent ainsi plus fort. Mais cela ne suffira pas. Il faudra tous se rassembler pour défendre la gastronomie. Trop souvent, le « tout pas cher » a ruiné une partie de notre agriculture, une grande partie de notre artisanat, et quasiment toute notre industrie. C’est en redonnant du pouvoir d’achat à chaque citoyen qu’on pourra défendre cette économie de la qualité. Elle est nécessaire si on ne veut pas voir notre gastronomie française continuer à se dégrader. J’ai parcouru la France en juillet, ce que l’on appelle « la ruralité », je suis stupéfait de voir la disparition de petits bistrots, de petits restaurants, de petits bouchons, et de voir tranquillement s’installer sans qu’on ne dise rien, un désert de ruralité, des centres-villes qui ne sont plus des centres-villes et des machines à distribuer des pizzas industrielles sur 100 km entre Blanquefort et le Verdon. Ce n’est pas admissible pour un pays qui fait son attractivité autour de son relief, de son littoral et de sa gastronomie. »

Une nouvelle cuvée dans la gamme Gosset

La soirée fut aussi l’occasion pour la Maison Gosset de dévoiler une toute nouvelle cuvée, « zéro dosage ». Sa philosophie, Odilon de Varine, le chef de caves, la résume en quelques mots : « Vous savez que chez Gosset, toutes les dégustations se font à l’aveugle et notamment les dégustations pour déterminer le dosage. Or, cette cuvée est un peu l’enfant terrible de la famille, parce que dès le départ on l’a construite pour faire un zéro dosage. Comment a-t-on procédé ? C’est une base 2013 mais que nous n’avons tirée en bouteille qu’en 2015. Entre temps, pendant 18 mois, elle a été élevée sur lie avec un remontage des lies de manière à mieux nourrir le vin pour gagner en caractère et en épaule et supporter ainsi après dix ans de cave, de nouveau sur lie mais cette fois en bouteille, un zéro dosage. » Un bel exemple de cette économie de la qualité défendue par Thierry Marx ! Ce champagne ample, avec un style un peu plus ouvert que les autres vins de la gamme, offre des arômes généreux de fruits blancs, de pomme cuite notamment, des arômes un peu pâtissiers, le tout équilibré par la fraîcheur du citron de Menton et une trame minérale magnifiquement préservée par l’absence de dosage. (56€)

Crédit Photo Valentin Chalandon

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