Vendredi 25 Juillet 2025
Accords autour des vins du château de Fargues et des asperges. ©J. Bouchet
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23.07.2025
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Il y a quelques semaines, le Château de Fargues, propriété de la famille de Lur Saluces depuis 1472 dans l’appellation Sauternes, organisait un déjeuner autour de l’asperge et des accords avec ses grands vins. Quelle drôle d’idée ? Pas tant que ça, à y regarder de plus près.
Les asperges servies ce jour-là venaient du Domaine d’Uza, dans les Landes, une exploitation bio qui appartient à la même famille que le Château de Fargues. Une vraie histoire de famille, donc, mais aussi une occasion de prouver qu’un légume souvent considéré comme difficile à marier avec le vin peut, avec un peu d’audace, révéler des accords surprenants.
Pour ce déjeuner, plusieurs plats ont été imaginés autour des asperges blanches d’Uza, chacun accompagné d’un millésime différent du Château de Fargues. Le premier plat, un enrubanné de rhubarbe signé Alain Passard, chef triplement étoilé et adepte de la mise en valeur des légumes, était accompagné du Château de Fargues 2018. Ce millésime, encore jeune, apportait des notes d’agrumes et de fruits confits qui faisaient écho à l’acidité douce et végétale de la rhubarbe. « Le Sauternes n'est pas forcément un vin de dessert. Pour ma part, je l'apprécie en entrée. Cela fonctionne aussi bien avec du crabe, du homard, du boudin, ou même des huîtres », explique Philippe de Lur Saluces, propriétaire du château avec sa femme Charlotte. Le deuxième service, une assiette d’asperges blanches d’Uza et de gambas, était associé au Château de Fargues 2008. « À Fargues, il faut six pieds de vigne pour faire une bouteille. L'assemblage se fait déjà au moment de la cueillette, grain par grain. C'est un travail de précision », insiste Philippe. Ce vin, plus évolué, jouait sur ses arômes miellés et sa texture ample pour accompagner la finesse des asperges tout en sublimant les saveurs marines des gambas.
Enfin, le dessert, un mélange de copeaux d’asperges blanches d’Uza, miso noisette et yaourt d’asperge imaginé par le chef Benjamin Toursel, trouvait son équilibre avec le Château de Fargues 1998. Ce millésime, marqué par ses notes de fruits secs et d’épices douces, ajoutait une profondeur aromatique qui complétait parfaitement le miso noisette et la touche acidulée du lait de poule infusé aux fruits de la passion. Le réflexe qui mène à l’échec serait de dire : « Je sens de l’ananas dans le vin, donc je vais faire une recette de dessert à l’ananas. Mais les chefs ont changé parce qu’ils se sont rendu compte que sucre et sucre, ça ne marche pas ». Il faut donc du contraste pour réaliser le meilleur accord mets/vins, y compris avec du salé ! « On a besoin de recettes qui créent le déséquilibre. Mais on peut faire des recettes qui ne sont pas sur-travaillées. Si l’on diffuse l’idée qu’il faut des plats élaborés, alors ce n’est pas la vraie vie », conclut Philippe.
Quand on pense au Sauternes, on imagine immédiatement les fêtes de fin d’année, un verre d’or liquoreux à la main, accompagné d’un foie gras ou même d’une bûche pâtissière. Mais cette expérience au Château de Fargues vient démontrer que ces vins méritent de quitter leur statut d’invités spéciaux pour devenir des partenaires à part entière de la table, et ce, dès les premières assiettes. Si l’idée d’accorder l’asperge et le Sauternes peut étonner, cette expérience montre qu’avec un peu de créativité, les alliances les plus inattendues peuvent fonctionner. Ici, tout était dans la recherche d’équilibre : jouer sur les textures, les saveurs et la douceur naturelle des asperges pour créer une conversation avec les vins. En somme, de quoi sublimer littéralement tout un repas tant ces vins ont une sucrosité finement intégrée qui se marrie facilement à de nombreux mets. Ce déjeuner était bien plus qu’une simple démonstration gastronomique. C’était une façon de valoriser deux terroirs qui se répondent, entre les Landes et le Sauternais, tout en montrant qu’un vin comme le Château de Fargues peut s’inviter à table bien au-delà des desserts.
Alors, asperge et Sauternes, une drôle d’idée ? Peut-être, mais une idée qui mérite d’être explorée.
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