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Vign’Art : quand le land art réinvente la Champagne

Auteur

Yves
Tesson

Date

13.04.2024

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Pour sa cinquième édition, le festival de land art organisé au sein du vignoble de Champagne a reçu 150 candidatures, 19 ont été retenues, les oeuvres se répartissent sur 16 communes que vous pourrez découvrir pendant toute la belle saison au gré de vos escapades, entre deux coupes de champagne et quelques belles rencontres avec des vignerons.

Qu'est-ce que le land art? Des oeuvres contemporaines dont le dénominateur commun est d'utiliser le plus souvent des matériaux naturels, d'être exposées à l'extérieur, en pleine nature, et d'être des créations éphémères. Or le champagne n'est-il pas lui aussi l'art du naturel et de l'éphémère? Fruit de la nature et de plusieurs années de travail en cave, voici qu'en une gorgée, sitôt après nous avoir fait connaître le sublime, il retourne au néant... Tout cela avait de quoi évidemment inspirer les artistes venus cette année encore monter leurs oeuvres dans le vignoble à l'occasion du festival Vign'Art qui s'est ouvert aujourd'hui dans le Parc de la Maison Gosset. On y découvrira un mobile en acier inoxydable, un matériau fort prisé des Champenois pour construire leurs cuves. L'ensemble créé par Gilles Gabry et Sébastien Fargueta représente une mésange posée sur une feuille de chardonnay. Les deux piliers de la Champagne que sont l'univers des vignes et celui des caves, le monde des vignerons qui cultive le raisin et celui des maisons qui les vinifient, sont ainsi réunis en une seule sculpture, un beau symbole ! On se régale bien-sûr aussi du délicieux jeu de mots que sous entend le titre "la mésange et le chardonnay" qui joue sur la presque homonymie entre le cépage chardonnay et le nom d'oiseau "chardonneret". Ce dernier n'est autre que le deuxième nom de la mésange charbonnière.

Chez Bollinger, c'est le relooking d'une loge de vignes que l'on a confié à Antoine Janot. Vestiges des pratiques d'antan, les loges nous racontent déjà en elles-mêmes toute une histoire, elles sont le témoignage de cette époque "où les machines n'avaient pas encore transformé le monde agricole" et où le vigneron qui partait cultiver sa vigne, faute de moyen de transport rapide, devait y rester déjeuner. Tel était l'objet de ces abris de fortune, qui font depuis toujours partie du paysage du Champagne et de ce fait du classement au patrimoine mondial. Recouverte d'une peinture miroir, la loge de Bollinger exprime cette parfaite intégration au vignoble, puisque grâce à la technique de l'artiste, il reflète désormais cet environnement sur toutes ses facettes.

Avec Catherine Baas à Monthelon, on découvre une oeuvre qui plaira sans aucun doute aux vignerons passionnés de permaculture et de biodynamie. Elle met en effet en lumière que les différentes plantes ne sont pas des individus séparés, mais qu'elles communiquent entre elles, forment un sytème, avec des interactions. L'installation proposée vous invite ainsi à prendre place entre deux arbres que l'artiste a reliés, pour mieux méditer la nature de leur coexistence, tout en nous rappelant que nous aussi sommes connectés à cette société végétale, nous en sommes membres et nous ne pouvons pas simplement considérer les végétaux comme des objets extérieurs et les traiter comme tels. Quelques sphères suspendues dans les arbres rappellent enfin les raisins devenus bulles et leur balai ascensionnel onirique.

La vigne est une liane et le spectacle de ses courbes, de la manière dont elle s'enroule le long des rangs tirés de fils bien tendus et droits n'est pas sans rappeler la façon dont l'écriture s'étale en mille figures courbes sur les lignes d'un cahier. C'est ce qu'évoque "Amplitude", la sculpture créée par Xavier Rèche à Cramant tout contre une loge de vignes. "Une liane démesurée de bois et de fils d'acier, sinueuse et chantournée comme certains motifs d'enluminures médiévales, s'enracine au promontoire du Belvédère. Sa forme fait corps avec les mouvements souples et ondoyants des coteaux où s'enroulent secrètement les petites spirales des vrilles."

Ce ne sont là que quelques échantillons des merveilles du festival. Mais les autres valent tout autant le coup d'oeil. En voici la liste: "L'éveillé" de Fred Martin au Château Perrier à Epernay, "Arbres secrets" de Caroline Léger à Mardeuil, "Les hommes outils" de Lionel Tonda, à Pierry, "Théière de Babel" de Tracey Sough et Adam Varley à Chouilly, "Epanouie" de Haomin Chang à Plivot, "Sonorisation naturelle du Parc Vie" de Jean Saint-Clair à Avize, "Toutes voiles dehors" d'Eric Junod à Verzenay, "Pavillon for Picnic" de Jette Mellgren à Chigny-les-Roses, "Torus" d'Elparo à Rilly-la-Montagne.

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