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Champagne : la parole est aux sols

Auteur

La
rédaction

Date

15.04.2014

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Le champagne, vin d’assemblage, découvre aussi la voie du terroir. Dans les meilleurs finages, certains vignerons ont décidé de laisser s’exprimer leur sol plutôt que d’imprimer un style. Le résultat est éloquent.

Au salon Trait-d’Union, les vignerons avaient amené des échantillons de vin
mais aussi de parcelles ! Sur chaque table, dans un grand tube transparent, un profil pédologique détaillait les différents horizons de terre des parcelles : argile, sable, calcaire, craie… Couleur, texture, nature mais aussi granulométrie des matériaux varient parfois de manière saisissante sur une profondeur de 20 cm à peine. « La cuvée « Initiale », est issue de vignes de bas de coteaux, avec une couche plus importante d’argile, d’où cette attaque assez souple et crémeuse explique Anselme Selosse. Puis la bouche évolue et on sent bien la craie, le vin revient sur le devant avec un effet de floculation de la salive, mais aussi comme s’il déposait des minéraux sur la langue. » Véridique ! Toutes les sensations décrites s’enchaînent à la mise en bouche de ce vin serré, multifacettes et « tactile ».

Au champagne Larmandier-Bernier (côte des Blancs), on découvre que sous une couche de 50 cm de terre végétale brune, les racines rencontrent à Vertus une craie assez friable, alors qu’à quelques kilomètres, à Cramant, le sol est plus argileux et la craie compacte en gros blocs. Traduction dans les verres : la cuvée Terres de Vertus 2007 se déroule aérienne et rectiligne, avec une aromatique d’agrumes mûrs alors que le Terroir de Cramant 2007 s’impose plus puissant, plus large, plus « pointu » en finale avec des arômes de craie et pierre à fusil.

Découvrir les sols en bouche

Autre salon, thématique identique. Chez Les Mains du Terroir, Geoffrey Orban, spécialiste des terroirs (voir son site Educavin), propose des dégustations à l’aveugle basées sur le type de sol. « La minéralité des sols se traduit de manière tactile en bouche, explique ce sommelier. Un sol de sable donne des vins souvent fluides, alors que les vins de craie et de calcaire ont généralement une attaque souple puis « montent » au palais, mais avec des finales différentes. L’argile génère des vins plus ronds, avec de la mâche. Et les vins de marnes étonnent souvent par la puissance du milieu de bouche. » Il en résulte des profils de vins, et donc des occasions de consommation ainsi que des accords mets-vins très différents.

Démonstration sur deux vins clairs rosés 100 % pinot meunier. Le premier, issu des champagnes Maxime Blin à Trigny (Massif de St-Thierry), suit le portrait robot du calcaire avec un coté massif mais « caillouteux », support d’un joli fruit. Il appelle des poissons de type rouget ou rascasse accompagnés de légumes du soleil, un tartare de tomate aux herbes.

Le deuxième vin lui ressemble dans l’attaque souple, mais il prend ses aises en bouche, monte en puissance et on le sent tapisser la langue. Voici les sols crayeux de Tours-sur-Marne, les champagnes puissants de Maurice Vesselle. Un rosé qui appelle une viande puissante en goût mais tendre en texture comme une noisette de chevreuil, ou côté mer une bouillabaisse de poissons goûteux.

J.W.B.