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À Larrivet Haut-Brion, Neptune roi des mers… et de la terre

Auteur

Jean-Michel
Brouard

Date

30.03.2018

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En 2011, une expérience originale de vieillissement du millésime 2009 a été menée au château, avec notamment l’immersion de petites barriques dans le bassin d’Arcachon. La dégustation comparative s’avère surprenante !

Prenez un homme, Bruno Lemoine, directeur général et vinificateur du château Larrivet Haut-Brion, célèbre propriété de Pessac-Léognan. Fasciné depuis toujours par la porte du sultan de Zanzibar trônant à l’entrée du château Cos d’Estournel, une idée lui est venue lors d’un dîner de copains rassemblant notamment un membre de la tonnellerie Radoux ainsi que Joël Dupuch, célèbre ostréiculteur du bassin d’Arcachon. Pourquoi ne pas faire revivre les vins « retour des Indes » de la fin du XVIIIème – début du XIXème siècle. Ces barriques de vins qui étaient alors expédiées vers les Indes revenaient parfois à Bordeaux faute d’avoir été vendues. Les négociants avaient alors remarqué que les vins s’étaient bonifiés, avaient un goût différent. L’expérience va alors être simple. A partir d’échantillons prélevés sur le millésime 2009, 4 itinéraires différents vont être offerts au vin. Après la phase d’élevage classique durant 18 mois, un vin ne subira aucune modification et servira de témoin. Le second sera élevé 6 mois de plus dans les chais du château dans une petite barrique de 55 litres spécialement créée par la maison Radoux. Le troisième sera placé dans cette même quart de barrique et sera immergé 6 mois dans les parcs à huîtres de Joël. Le dernier enfin sera placé sur un bateau pour un long voyage en mer. Ce dernier opus ne sera malheureusement jamais produit car le bateau qui le convoyait va subir une avarie dès sa sortie du port de Bordeaux. Le vin a donc tout simplement été bu à la propriété ! Reste les trois autres. Goûtés une première fois dès la fin de l’expérience en 2012, ils l’ont été de nouveau en 2014 et le château les faisait déguster cette semaine une nouvelle fois.

Victoire par KO de Neptune

Le vin témoin est marqué par son millésime solaire et par le type de vins que la propriété produisait à l’époque avant l’arrivée de Stéphane Derenoncourt comme œnologue-conseil en 2015. Il est donc opulent, très mûr avec un nez tirant sur les fruits presque cuits. Doté d’une attaque massive, il s’avère finalement assez court et très sphérique. En comparaison, le Tellus 2009, vin passé 6 mois de plus en barrique dans les chais, a regagné une véritable ossature apportée par les tannins du bois. Le vin est plus équilibré mais évidemment marqué par un boisé généreux, quoique plus fondu que lors des deux précédentes dégustations… Mais le vainqueur sans conteste est le Neptune 2009. Ce vin qui a passé 6 mois sous la mer bat les deux autres vins « terriens ». Il affiche une fraîcheur beaucoup plus nette, teinté d’une salinité qui n’est pas qu’une impression. Les échanges entre le vin et l’eau de mer ont été réels et se sont faits uniquement au travers du bois (la bonde de la barrique était totalement étanche). Les 80mg/l de sel dans le vin sont équivalents à de l’eau de Badoit. Cela marque particulièrement le milieu de bouche en apportant un surplus de complexité. Cette expérience, fascinante, démontre l’influence d’un milieu marin sur la conservation des vins. Bruno Lemoine et Stéphane Derenoncourt sont même décidés à recommencer l’expérience mais sur un millésime plus équilibré. Une preuve supplémentaire que Bordeaux peut rimer avec modernité et originalité ! Espérons que cela se fasse car le résultat pourrait être exceptionnel.