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Adieu à Serge Renaud, père du « French Paradox »

Auteur

La
rédaction

Date

30.10.2012

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Le Girondin Serge Renaud fut le premier à prouver, en 1991, que le vin bu modérément était bon pour la santé. Une révolution mondiale surnommée « French Paradox ». Il s’est éteint dimanche, à l’âge de 85 ans.

« Il est mort debout. Dimanche, il a voulu se lever de son fauteuil et marcher sur la plage, à 200 mètres de chez lui. Après quelques pas, il s’est subitement effondré. À 85 ans – dans trois semaines -, c’était la fin. » Dominique Lanzmann, chercheuse comme lui et amie de longue date, s’occupait de Serge Renaud depuis des années. Habitant à Paris, elle avait l’habitude de se rendre régulièrement dans cette petite station balnéaire de Carcans-Maubuisson, sur la côte médocaine, où le professeur Renaud passait sa retraite.

Fils de vigneron, né à Cartelègue en Haute Gironde, il restera dans l’histoire de la viticulture. Il fut en effet le premier à démontrer scientifiquement et à expliquer aux médias qu’une consommation régulière et modérée de vin était bonne pour la santé. Une révolution !

Invité d’une émission de grande écoute à la télévision américaine en 1991, il expliqua ses travaux, devenant ainsi l’« inventeur » de la théorie du French Paradox (ou paradoxe français). De quoi s’agit-il, concrètement ? « Pour un niveau de facteur de risques semblable à d’autres pays, comme l’Angleterre et les États-Unis (cholestérol, hypertension artérielle, tabagisme, consommation de graisses saturées), la France a une mortalité cardio-vasculaire plus basse que la majorité des pays industrialisés », expliquait-il lors de notre visite en 2005.

La raison de ce paradoxe surprenant ? Une consommation modérée et régulière de vin (un à trois verres par jour), courante en France, nous protège. Les polyphénols (anthocyanes et tanins) contenus dans le vin (dans la peau et les pépins du raisin) ont des propriétés antioxydantes. Cela fluidifie le sang et empêche les artères de se boucher. Le vin rouge est surtout concerné par ce phénomène.

Débarqué au Canada dans les années 1950 pour étudier, Serge Renaud tricota pendant vingt-cinq ans les relations complexes entre nutrition et cardiologie. À Montréal, dans son équipe universitaire, la protection assurée par le vin (et non par les autres alcools) s’est peu à peu imposée dans ses travaux.

Onde de choc mondiale

Alors qu’il est revenu à Lyon comme directeur de recherche à l’Inserm, le reportage que lui consacre la chaîne américaine CBS en 1991 fait sensation. Le vin, cantonné jusqu’alors à la rubrique alcoolisme et autres maux de santé, avait aussi du bon. « Consommé à doses modérées, il est un des meilleurs médicaments. Il possède aussi des vertus protectrices contre certains cancers, et les investigations sont ouvertes sur les maladies dégénératives type Alzheimer », continuait celui qui obtint la Légion d’honneur pour l’ensemble de son œuvre. Aux États-Unis, une association de cardiologues fonda une académie à son nom. « Pour un scientifique, c’est fou de dire tout ça, mais c’est prouvé. »

Suite à ces découvertes, la consommation de vin – surtout rouge – explosa, notamment aux États-Unis et en Asie. Encore aujourd’hui, plus de vingt ans après, il n’est pas rare qu’en Chine, des amateurs fassent référence à ces bienfaits au moment d’ouvrir une bouteille.

Bourreau de travail, même officiellement à la retraite, Serge Renaud passa beaucoup de temps à chercher des financements pour continuer ses recherches. Pas toujours avec succès, notamment en France. « Dans notre pays, pour le monde de la santé, le vin, c’est l’alcool et l’abus », regrettait amèrement le chercheur girondin.

Après un grave accident de santé en 2003, l’homme, diminué, fut obligé de lever le pied. « Mais je le tenais toujours au courant des avancées de la science sur ce sujet qui l’a passionné toute sa vie », explique Dominique Lanzmann. Au sous-sol de sa maison médocaine, celui qui mériterait une statue au panthéon de la viticulture avait dans des dizaines de cartons les dossiers de toute une vie de travail.

« Gamin, je me souviens de mon père apportant du vin à un parent alité. J’imaginais des remèdes de bonne femme… Maintenant, je sais qu’il avait raison », se remémorait le vieil homme. Grâce à ses travaux, nous le savons aussi. Merci à lui.

César Compadre