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Chateau de La Rivière : le renouveau pour conjurer le sort

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

17.03.2016

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Au Château de La Rivière, à Fronsac, on garde le cap, bravant les rumeurs de vente qui s’estompent au fil des mois, deux ans après le drame d’hélicoptère qui a coûté la vie de l’ancien propriétaire James Gregoire et du nouveau Lam Kok.

On est rapidement envoûté par le charme de cette demeure versaillaise non loin de la Dordogne. Lam Kok – homme d’affaires chinois ayant fait fortune dans le négoce du thé, puis dans l’immobilier commercial et touristique de luxe (groupe Brilliant) – et sa femme Mme Lau étaient tombés amoureux de ce si joli château. Après le tragique accident d’hélicoptère qui a coûté la vie à son mari en décembre 2013, celle-ci a gardé la propriété mais n’y est jamais revenu. Xavier Buffo, arrivé aux commandes il y a près de 20 ans, dirige toujours la maison. Il a obtenu un budget de 100 000 € pour des investissements techniques et surtout des plantations. Les 5 hectares voisins, rachetés en friche en 2013, ont été replantés en malbec, merlot, cabernet franc et un peu de sauvignon, pour faire des blancs.

Une diversification par les blancs et les rosés

La Rivière, le plus grand domaine de Fronsac (65 ha), produit à ce jour près de 350 000 bouteilles dont 320 000 en rouge, en Château et en Sources du Château (2ème vin), l’Aria haut de gamme ayant été mis en veilleuse. Le domaine élabore du clairet depuis 20 ans mais c’est la première année qu’il élabore un rosé aussi pâle (15 000 cols) et 5000 de blancs à base de sauvignon blanc et gris. « Les premiers sauvignons avaient été plantés en 2008, 1, 5 ha a été ajouté en 2015 en bas de coteau pour répondre à la demande et pour se diversifier », précise Guy-Henri Azam, ex-président du directoire de Baron de Rothschild et Mouton Rothschild, devenu consultant depuis septembre 2014 tout comme l’œnologue Claude Gros en collaboration avec la responsable technique Manon Delille.

Le plan de restructuration avait démarré dès 2008 avec des replantations à 6500 pieds/ ha au lieu de 4000. « Nous allons également replanter au printemps 2 ha de cabernet franc sur nos sols argilocalcaires pour apporter de la fraîcheur et abaisser le taux d’alcool de nos vins ». L’assemblage classique, à 84% merlot, 8% cabernet franc, 6% de cabernet sauvignon et 2% de malbec, devrait évoluer : le merlot sera limité à 80% maximum; le cabernet sauvignon qui peine à mûrir sur ce terroir est déjà passé en 18 ans de 15 à 5%. « Il s’agit de rehausser la qualité des vins et d’élaborer de véritables haut de gamme » affirme avec conviction Guy-Henri Azam, « tout en poursuivant les démarches environnementales entamées depuis 15 ans, complète Xavier Buffo. Nous avons obtenu une certification Iso 14001 en 2013, et nous utilisons plus de la moitié des intrants en bio. Mais il serait difficile de passer en bio avec nos parcelles en pente et nos sols argilocalcaires très durs et impossibles à labourer ».

Un beau potentiel oenotouristique

La Rivière bénéficie d’un magnifique patrimoine. Lam Kok avait en tête un vaste projet d’oenotourisme de luxe ; il n’est plus à l’ordre du jour, même si Xavier Buffo croit toujours au potentiel oenotouristique de la propriété fronsadaise. Le château ne manque pas de charme et d’histoire : construit au 8ème siècle par Charlemagne aux portes de l’Empire, il a appartenu à Gaston de l’Isle, maire de Bordeaux au 16ème, a été restauré par Viollet le Duc au 19ème avant d’être racheté par Jacques Borie en 1962 puis par l’ancien bras droit de François Pinault, Jean Leprince… qui a trouvé la mort, triste ironie du sort, dans le crash de son avion en 2002, à quelques kilomètres de là. L’un des atouts de La Rivière réside aussi dans ses 25 km de galeries souterraines qui permettent de stocker 500 000 bouteilles. Aujourd’hui, le château commercialise la moitié de ses bouteilles à l’export, seulement 7-8% en Chine, essentiellement dans les palaces de Mme Lau. Outre la montée en gamme, l’objectif de Xavier Buffo est de stabiliser financièrement le domaine et peut-être de conjurer le sort en faisant briller le Château encore plus fort. Le millésime 2015 devrait lui faciliter la tâche. Guy-Henri Azam l’a même déjà proclamé « le plus beau vin de l’histoire de la propriété ».