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Élections : La viticulture languedocienne en campagne contre les vins espagnols

Auteur

Idelette
Fritsch

Date

15.04.2017

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A une semaine du premier tour de l’élection présidentielle, le bras de fer se durcit entre viticulteurs et grande distribution, accusée de vendre des vins espagnols qu’elle maquillerait dans les rayons en vins français. Alors que dans le Gard, l’Aude et l’Hérault, les viticulteurs multiplient les opérations dans les supermarchés, les services de l’État tenus par la réserve électorale, affirment intensifier les contrôles en GD en 2017.

La colère est à son comble, chez les viticulteurs du Languedoc. Mercredi 12 avril, une nouvelle action « coup de poing » des viticulteurs se revendiquant de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA), a abouti à la destruction de Bag in box espagnols dans un supermarché Carrefour à Pézenas, dans l’Hérault.

Alors que l’afflux des vins espagnols achetés à bas prix par la grande distribution précipite la viticulture régionale au seuil d’une nouvelle crise, l’incompréhension règne chez les viticulteurs, face à l’immobilisme de l’Etat. Les pouvoirs publics ont pourtant été alertés, fin 2015 par les organisations professionnelles, sur le phénomène grandissant des importations de vins en provenance d’Espagne, vendus dans les linéaires sous une étiquette trompeuse pour le consommateur.

Réserve électorale : l’État taxé d’immobilisme

« Chaque jour depuis quatre mois, nous nous attendons à voir tomber un résultat sur l’enquête nationale de suivi des flux de vins espagnols en GD confiée en 2016 à la Brigade d’enquêtes viticoles de la répression des fraudes (DGCCRF) », explique Florence Barthès, directrice générale du syndicat des producteurs de vins IGP Pays d’Oc. L’interprofession a pourtant fourni aux enquêteurs de la Direccte Occitanie, le 9 janvier 2017 puis le 3 avril, de nouvelles pièces à charge contre la GD dont « plusieurs cas de fraudes caractérisées », collectées dans des supermarchés au plan national et régional. Pour autant, aucun résultat n’a encore été communiqué en 2017. En cause ? La « période de réserve électorale » qui neutralise depuis deux semaines les autorités administratives représentant l’État.

12 avertissements, 5 procès-verbaux, 1 procédure civile

Contactée au téléphone, la DGCCRF confirme dans un mail que « les contrôles en GD se poursuivent et s’intensifient en 2017, les vérifications portant essentiellement sur l’étiquetage produit pouvant être de nature à induire en erreur le consommateur sur l’origine exacte du produit, et d’autre part sur l’étiquetage mis en place en rayon par les enseignes de distribution ».

Selon Bercy, les enquêteurs de la BEV auraient réalisé, en 2016 au plan national, 186 contrôles auprès de 157 établissements, avec un taux de non-conformité de 15%. Sur les 24 établissements contrôlés présentant au moins une anomalie, diverses sanctions auraient été appliquées : 12 avertissements, 10 injonctions, 5 procès-verbaux et une procédure civile. A titre d’exemples, la DGCRF évoque « quelques cas isolés de francisation de vins en provenance d’Espagne vendus avec la mention « Vin de France » impliquant des petits négociants avec des volumes relativement faibles », pour lesquels des procédures contentieuses seraient en cours ; Ou des cas de non-conformité d’étiquetages pouvant induire en erreur le consommateur, comme par exemple une marque « xxx de France » apposée sur un vin issu de la Communauté européenne (VCE). Le contrevenant, toujours selon Bercy, aurait été sanctionné d’une amende de 60 000 €.

Ces sanctions paraissent disproportionnées, au regard des accusations graves portées par les interprofessions viticoles. En janvier dernier, Pays d’Oc dénonçait ainsi les agissements frauduleux de Franprix, filiale du groupe Casino (voir ici), lors de contrôles inopinés en GD. L’été 2016 à l’appel de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) de la FDSEA et des Jeunes Agriculteurs, une vaste opération nationale de contrôles en GD réalisée sur 20 départements, aurait permis de collecter sur cent établissements visités, plusieurs relevés d’infraction. « Nous avons constaté pas mal d’irrégularités, des non-conformité d’étiquetage, des vins espagnols mélangés sur les linéaires avec des vins français que nous avons transmises avec preuves aux ministère de l’Agriculture et à Bercy », témoigne Jérôme Despey, secrétaire général de la FDSEA.

De nouveaux contrôles en GD

Pour ce vigneron porte-parole de la FDSEA, la situation est inquiétante, ces opérations révélant « une détérioration inquiétante depuis six mois des linéaires de la GD avec de plus en plus de cas de tromperies graves ». Dans un tel contexte selon le secrétaire général, « les actions sur le terrain deviennent plus que nécessaires pour sensibiliser le consommateur, trompé dans son acte d’achat sur les rayons vins par manque de clarté sur l’origine. On lui fait croire qu’il achète un vin français, qui est en fait un vin provenant d’Espagne. »

Tout en prônant le retour au calme et des actions de communication « dans le respect des biens et des personnes », Jérôme Despey annonce dans les prochaines semaines, une nouvelle opération nationale de contrôles menés en GD à l’initiative de la FNSEA, des FDSEA et des Jeunes Agriculteurs. « Nous souhaitons une mise en ordre des linéaires de la GD sur l’ensemble du territoire français, confirme Jérôme Despey. En l’absence de réelle lisibilité sur le travail d’enquête réalisé par les services de l’Etat, nous nous devons d’assurer nos propres contrôles. »