Accueil Galerie 1829 : une verticale d’exception chez Bollinger

Galerie 1829 : une verticale d’exception chez Bollinger

Auteur

Joëlle
W. Boisson

Date

01.01.2017

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Après plusieurs années d’inventaire et de restauration, les incroyables vieux millésimes retrouvés par inadvertance chez Bollinger sont enfin exposés dans une œnothèque, la Galerie 1829. Cette salle du trésor abrite 7330 flacons et 65 millésimes remontant jusqu’à 1830. Un immense témoignage.

Vieilles vignes françaises 1969
Premiers pas sur la lune, Woodstock, désengagement américain au Viet-Nam, Pompidou remplace de Gaulle. Pour son 70e anniversaire, Mme Bollinger crée Les Vieilles vignes françaises, cuvée issue de deux parcelles anciennes, vignes non greffées rescapées du phylloxera.

Or reflets fluo. Le nez est opulent, extrait (bois d’acajou, chaume, canard laqué, miel de sapin). La bouche ranciotte mais reste précise, avec un je-ne-sais-quoi d’arômes asiatiques. A l’aération, la morille monte en puissance. Dégorgement en décembre 2012.

Bollinger R.D. 1952
Très nombreux conflits sur la scène internationale. Elizabeth II accède au trône britannique. Début du mouvement Pop Art. Dans le monde du champagne, Mme Bollinger fait sensation avec le concept R.D. (Récemment Dégorgé) de champagnes millésimés, mis en marché après long élevage sur lies.

Robe citrine aux reflets gris. Le nez est ténu, de type herbes sèches, camomille. Bouche pommadée (dosé à 13 g), finale un peu asséchante. Il évoque le thé noir. Dégorgement en 1967.

Bollinger Vintage 1945
Fin de la 2e guerre mondiale, le 8 mai, Paris et la France explosent de joie. Mme Bollinger, veuve depuis 1941, dirige avec courage l’affaire. En Champagne, l’été caniculaire clôture une année radieuse. Vendange exceptionnelle en qualité.

Robe miel doré émouvante. Le soleil estival y brûle encore d’abricot sec, fleur d’oranger, et écorces d’agrumes confits. Aucun signe d’essoufflement, le vin est fin, élégant, tendu. Notes vanille et cognac. Mythique. Dégorgement en 1969

Bollinger Vintage 1937
Grande dépression économique mondiale et montée des totalitarismes (Hitler, Staline, Franco) ; l’époque n’est guère favorable au champagne. La récolte est très petite en volume.

Ambre orangé. Dès le nez, c’est l’univers du crocus et du pistil-safran. En bouche, écorce d’orange et à nouveau safran. De beaux amers prolongent la dégustation lui donnant du relief. Dégorgement NC.

Bollinger Vintage 1924
C’est l’euphorie de l’après-guerre, les années folles, Joséphine Baker, l’Art Déco. Gentleman et aviateur téméraire, Jacques Bollinger a épousé en 1923 Elisabeth Law de Lauriston-Boubers. En Champagne, toute l’année culturale est difficile, la pourriture impose un tri méticuleux.

Une fascinante couleur ambre. Etonnant univers aromatique fumé, minier, presque pierre volcanique. La bouche est vive, acidulée, cristalline, puis crayeuse en finale. A l’aération apparaît l’écorce d’orange séchée. Dégorgement en 1969.

Bollinger Vintage 1914
Mobilisation militaire en août, bataille de la Marne le 6 septembre. La ligne de front passe à 1500 m de Reims, pilonnée. Vendanges sous les bombes par les femmes, avec un immense courage. Ironie du sort, la qualité du raisin est excellente.

Dégustation respectueuse de ce vin historique. La robe est résine. Le vin évoque les épices poivrées, la tourbe séchée, le pain de son, la girofle. Malgré ces arômes puissants, la bouche fine, légère, semble immuable de délicatesse. Dégorgement en 1969.

Bollinger Vintage 1830
Imaginez, c’est l’époque de Victor Hugo ou Berlioz ! Un an plus tôt, Athanase de Villermont (vignoble), Paul Renaudin (vinification) et Joseph Bollinger (commerce) fondent une maison de champagne. L’hiver fut si froid que la Seine gela à Paris et l’année vit famines et révoltes.

On déguste la gorge nouée ce vin qui a traversé les siècles. Des notes fragiles s’élèvent puis s’évanouissent à l’air. C’est un choc. Derrière une robe d’or cuivré, le premier nez évoque le beurre de baratte. Une fraîcheur incroyable et fugace de crème qui cède ensuite à du rancio type vins du Jura. La bouche est fine et fluette, laissant comme un voile au palais. On reste songeur, essayant de fixer les impressions. Car le silence qui suit Mozart, c’est encore du Mozart.

Cet article est extrait de notre hors-série Champagne (décembre 2016), à retrouver en intégralité en suivant ce lien.