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Languedoc : le boom du vin rosé pourrait aider la transition agro-écologique des vignerons

Auteur

AFP

Date

22.04.2019

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Dans le Languedoc, le vin fut longtemps rouge et de table. Il devient de plus en plus rosé et festif, sous l’effet d’une tendance mondiale tirée par la Provence, ce qui pourrait donner de l’aisance aux vignerons pour gérer leur virage agro-écologique.

En 2018, l’immense vignoble du Languedoc, qui s’étend de Nîmes à la frontière espagnole, descendant des contreforts du Massif Central à ceux des Pyrénées, a produit près de 2,5 millions d’hectolitres de vins rosés, un bond de 25% en deux ans.

Un « phénomène » et une « forte dynamique », a constaté la nouvelle présidente du comité interprofessionnel des vins AOC du Languedoc (CIVL), Miren de Lorgeril, lors d’une conférence de presse cette semaine à Paris: « On vend du rosé dans le monde entier et toute l’année », alors qu’il était resté cantonné pendant longtemps au barbecue estival des Français en vacances.

Le rosé représente désormais 16% de la production de la région, contre 10% il y a 10 ans, le Languedoc en restant de loin le premier producteur en France avec quelque 30% du total. « Nous faisons le double du volume de la Provence, mais c’est la Provence qui a imposé un nouveau style, très pâle et transparent, notamment aux millennials« , la génération actuellement âgée d’entre 20 et 40 ans, relève Mme de Lorgeril.

« Personnellement j’ai résisté au style Provence pendant cinq ans, mais si on veut vendre du rosé aujourd’hui, il faut qu’il soit au standard du marché », ajoute la vigneronne et négociante. « Les acheteurs n’achètent pas si le vin n’est pas très pâle », confirme Anaïs Ricone, du domaine La Croix Gratiot.

Les vignerons ont dû se mettre au pressurage en direct du raisin pour éclaircir leur jus, alors que leur tradition était de produire un rosé de « saignée » aux teintes plus affirmées, en le soutirant dans la cuve où il a été laissé à macérer.

« Qui va piocher ? »

La progression de près de 70% des ventes de rosés AOC en bouteille au cours des six dernières années est un « moteur de croissance », estime Mme de Lorgeril. Qui tombe bien pour faire face aux effets de la transition agro-écologique en cours dans le vignoble français. La réduction des engrais chimiques entraîne en effet mécaniquement des pertes de rendement.

« La transition se fait d’autant plus facilement que l’entreprise est sereine sur sa trésorerie », explique à l’AFP Alexandre They, du château Vieux Moulin, vice-président du CIVL. De fait, le vignoble languedocien se présente déjà comme le premier vignoble bio de France avec 22.243 hectares, auxquels il faut ajouter 5.829 hectares en conversion bio. Soit 6% du vignoble bio mondial, estimé à 300.000 hectares par le CIVL.

Au total, 30% des surfaces de la région sont engagées dans une démarche agro-environnementale, soit biologique, soit sous le label « Haute valeur environnementale » (HVE), en pratiquant des mesures de protection de la biodiversité ou en réduisant les insecticides via la confusion sexuelle sur les papillons…

L’interprofession se fixe pour objectif de « parvenir à 60% des surfaces engagées d’ici 10 ans », selon Alexandre They.

Néanmoins, tout en admettant « un tournant sociétal » autour de la réduction des produits chimiques demandée par les consommateurs, il estime que le « vignoble français sans glyphosate », souhaité par le président de la République en février lors du salon de l’agriculture, n’est pas pour demain. « La totalité du vignoble n’est pas en capacité de se passer du glyphosate du jour au lendemain », prévient-il. « Lorsqu’on enlève le désherbant, la seule question à se poser est ‘qui va piocher ?' », sourit une vigneronne en évoquant les difficultés pour trouver du personnel.

« Chez nous, il y a tellement peu d’eau qu’il est impossible de laisser l’herbe dont les racines entrent en concurrence avec celles de la vigne », explique un autre.

Dans la région, le succès des rosés, des vins bios et des appellations pépites comme les Terrasses du Larzac, la Livinière ou le Pic Saint-Loup masque aussi les problèmes rencontrés par les Muscats, des vins doux (Rivesaltes, Banyuls, Lumel, Frontignan…) moins à la mode.

« On a perdu 20% en 10 ans », admet Jérome Villaret, délégué général du CIVL. Pour les relancer, il parie sur des niches de consommation comme l’accompagnement de la galette des rois chaque année ou la mode des cocktails.

Isabel MALSANG pou AFP