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[PRIMEURS] Neipperg-Planty : Bordeaux doublement bio

Auteur

Jefferson
Desport

Date

05.04.2016

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Alors que le sujet des pesticides reste vif dans le Bordelais, Stephan von Neipperg (Château Canon la Gaffelière, La Mondotte) et Xavier Planty (Château Guiraud) ont fait une croix sur la chimie. Interview sans résidus.

Stephan von Neipperg et Xavier Planty ont plus d’un point commun. Copropriétaires, aux côtés de Robert Peugeot et d’Olivier Bernard, du château Guiraud, Premier Grand Cru Classé de Sauternes, tous deux ont franchi le cap du bio. Les 119 hectares de Guiraud ont obtenu cette certification en 2011. Pour La Mondotte et Canon La Gaffelière, les deux premiers Grands Crus classés de Stephan von Neipperg à Saint-Emilion, cette officialisation est en vigueur depuis le millésime 2014. Alors que la question des pesticides occupe toujours le devant de la scène dans le Bordelais, ils l’assurent : l’avenir est dans une démarche toujours plus respectueuse de l’environnement. Interview croisée.

Les plus sceptiques affirment que le bio ne garantirait pas des rendements suffisants. Vrai ou faux ?

Xavier Planty : cette question est un faux débat. Cependant, quand on passe en bio, dans les premières années, il peut y avoir une baisse de rendement, le temps que la vigne se rééquilibre. Après, ils reviennent à hauteur. Mais, je le précise, à la hauteur de la capacité agronomique du sol. On est certifié pour pouvoir dire ce que l’on fait, mais en fait, on va beaucoup plus loin en matière de vie des sols avec les plantations de haies, les associations d’espèces végétales…

Stephan von Neipperg : pour moi, il n’y a pas de différence entre avant et après. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que si quelqu’un se lance dans le bio sans méthode, sans être préparé, c’est à dire avec un chapeau vert et une plume, ce sera compliqué. Une des clés pour réussir est d’avoir des équipes prêtes. Il faut que cette volonté de devenir bio soit partagée par tout le staff.

On vous oppose aussi le fait d’utiliser des traitements au cuivre…

Xavier Planty : soyons clair : aujourd’hui, on met moins de cuivre que les gens qui traitent en conventionnel. Cette année, à Guiraud, sur 119 hectares de vignes traités en bio, on est à moins de 2, 3 kg par hectare, c’est à dire l’équivalent d’un seul traitement en bouillie bordelaise en conventionnel pour la totalité de l’année. Le vrai argument, c’est la qualité du vin. Quand vous êtes en bio, vous avez des maturité précoces, homogènes, vous ramassez plus tôt. Vous avez des vins équilibrés avec de l’acidité et de la vivacité.

Stephan von Neipperg : cet argument du cuivre est utilisé par ceux qui ne veulent pas réfléchir plus loin. Être bio ne signifie pas que la réflexion s’arrête là. On s’inspire de quantité de choses. Notre rêve est de pouvoir traiter un jour le mildiou sans cuivre. Mais avec la chimie, le sol ne vit plus. Je suis quelqu’un de rationnel. Passer en bio est un acte mûrement réfléchi. Ça ne tombe pas du ciel. N’oubliez pas que les grands millésimes des années 50 étaient bio : il n’y avait pas d’herbicides, pas d’insecticides, pas d’engrais chimiques…

2015 a-t-elle été votre meilleure année depuis que votre passage en bio ?

Stephan von Neipperg :
2015, c’est superbe. On a à la fois, cette puissance, cette maturité et cette fraîcheur. Est-ce que c’est mieux que 2010 ? Attendons encore un peu.

Xavier Planty : A Guiraud, j’ai terminé les vendanges le 2 octobre ! J’avais des voisins qui n’avaient pas encore ramassé une graine. C’est la confirmation du bien fondé de notre raisonnement et la méthode mise en place.

Le changement climatique vous inquiète-t-il ?

Stephan von Neipperg : A titre personnel, ma réponse est non. Même s’il est vrai qu’on observe des à-coups climatiques plus brutaux. Mais pour faire face, je le redis, il faut des sols qui vivent.

Xavier Planty :
Nos méthodes sur la relance de la vie microbienne, la régénération des sols, leur capacité à absorber la pluie sans érosion ont fait leur preuve. Ma réserve utile d’eau cette année est le double ou le triple de certaines propriétés. Entre l’absence de prise de conscience de la part de beaucoup de viticulteurs du mal être de la vigne à cause de la chimie, et le stress des problèmes climatiques, je pense qu’on va observer un effondrement de certains vignobles dans des proportions inimaginables.