UNESCO : mise en orbite du projet Cellars

À l’occasion des dix ans du classement de la Champagne au Patrimoine mondial, la Mission UNESCO organisait vendredi dernier au Palais des Congrès un dîner de gala, avec comme invité d’honneur Daniel Rondeau, champenois et membre de l’Académie française, désigné comme parrain de la soirée. Bilan de ce bel événement : la collecte de 45.000 euros versés à l’Université de Reims pour le financement du projet Cellars et la remise d’un chèque de 12.878 euros, résultat de la vente aux enchères des cuvées vainqueurs du Best Old Vintage Awards. Terre de vins a pu annoncer le lancement d’une nouvelle édition de ce concours en 2026 sur les millésimes 1995, 1996 et 1998.

En dix ans, la Mission Unesco a déjà accompli un long travail en faveur de la préservation de la Champagne. Pour autant, Daniel Rondeau, le parrain de la soirée, a mis les vignerons champenois en garde : « Surveillez les vents et les températures, ne laissez pas la mauvaise herbe invasive des éoliennes venues de Chine ou d’Allemagne défigurer l’approche de nos coteaux, face aux injonctions des modes et des normes de notre grossiste bruxellois qui déferlent comme un tsunami… Cela ne veut pas dire oublier l’Europe, au contraire, donnez-lui du corps, de la charpente, offrez-lui votre effervescence. » Daniel Rondeau, en oracle bien informé, a aussi annoncé un retour de la prospérité en Champagne dans les deux années qui viennent, parole d’Académicien !

Les caves, le nouveau grand chantier de préservation de la Mission Unesco

Si l’encadrement des projets éoliens a été l’un des grands chantiers de ces dernières années, c’est désormais vers le patrimoine souterrain que la Mission a décidé d’étendre davantage son action. Séverine Couvreur, la présidente, le rappelle avec véhémence, la grande innovation de ce classement a été de créer cette notion de paysage vertical. La Mission avait déjà publié en 2022 un Guide de préservation des caves, aujourd’hui, elle lance un grand projet de numérisation en 3D des souterrains champenois. Celle-ci sera rendue possible grâce à la collecte de fonds de 45.000 euros remise à l'Université de Reims pour l'achat d'un scanner laser. L’idée est à la fois de mettre en lumière ce patrimoine auprès du grand public, dans la mesure où ces numérisations peuvent déboucher sur des visites virtuelles, mais aussi de le préserver, car il est souvent en danger. Gilles Fronteau, professeur de géologie à l'URCA explique : « Les menaces quand on est en milieu souterrain, c’est un peu spécial, parce que ce milieu souterrain est invisible, donc on pense qu’il est là et qu’il vit sa vie tranquillement. Souvent on ne parle des milieux souterrains que lorsque cela s’effondre et on oublie que lorsque l’on modifie les choses en surface, lorsqu’on aménage une voirie, cela a une répercussion souterraine, notamment au niveau des infiltrations d’eau »

Une expérience pilote dans les caves de Moët & Chandon

Une première expérience a été menée à Epernay avec Moët & Chandon, dont le réseau de caves s’étend sous la ville sur une longueur de 28 kilomètres ! Pour cette dernière maison « l’idée est de protéger des évolutions exogènes, des dégradations provoquées par des canalisations, par le réchauffement climatique, par l’urbanisation. La numérisation pour nous est la première étape d’un chantier plus vaste, incluant les étapes suivantes : faire le listing complet de nos caves, de nos essors, de ceux qui étaient débouchant ou non débouchant, mieux comprendre d’où provenaient les infiltrations d’eau en superposant les plans 3 D avec les bâtiments de surface, suivre l’évolution des conditions de stockage en cave en installant des capteurs dans différentes localisations, simuler les aménagements à venir, notamment ceux qui visent à recréer de nouveaux flux d’air. »

L'Université de Reims et les laboratoires qui travaillent avec elle ne souhaitent pas forcément numériser l’intégralité des caves champenoises. « Il faudrait 50 personnes pendant 50 ans, et ce serait redondant. » Ils préfèrent avoir une approche typologique, en numérisant pour chaque grand type quelques exemples. Il y a par exemple les caves creusées en réseau comme celles d’Epernay, les anciennes carrières de pierre comme les crayères de Saint-Nicaise, ou encore, non moins intéressantes, les caves voûtées de la Côte des Bar. « Il faudra aussi se pencher sur le fonctionnement des petites caves de vignerons, où on a fusionné celle du père avec celle de l’oncle, et qui passent sous la rue… »

12.878 euros réunis par la vente aux enchères du Best Old Vintage Awards

En 2024, Terre de Vins avait lancé un concours de vieux millésimes autour de la trilogie mythique 1988, 1989, 1990 auquel avaient participé 35 maisons et vignerons de renom. L’objectif de ce concours était de faire connaître au grand public la capacité de garde extraordinaire du champagne, trop souvent ignorée. Le jury composé exclusivement de spécialistes internationaux du champagne avait retenu un top 20 et un top 3. 17 cuvées du top 20 ont été vendues aux enchères par Hart Davis cet été aux Etats-Unis, ce qui a permis de réunir la somme de 12878 euros, reversé lors du dîner à la Mission UNESCO pour financer le projet Cellars. Les crayères de Champagne, où la température de 11 degrés et l’hygrométrie ne varient quasiment pas au fil de l’année, ne sont-elles pas l’un des secrets de la qualité des vieux champagnes, qui ont mûri de façon lente et régulière ? Crayères et vieux millésimés ne sont-ils pas tous deux les pépites cachées du patrimoine champenois ? Terre de Vins a profité de l’occasion pour annoncer le lancement d’une deuxième édition centrée cette fois sur les millésimes 1995, 1996 et 1998.