Accueil 100 ans de Léoville Poyferré

Auteur

Jean-Michel
Brouard

Date

26.03.2020

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Un siècle dans la même famille, voilà une étape fondamentale pour une propriété aussi iconique que Château Léoville Poyferré (2ème Grand Cru Classé, Saint-Julien) où régularité de la qualité rime avec dynamisme et esprit d’ouverture.

Cela faisait déjà plus de 100 ans que la famille Cuvelier avait quitté son nord d’origine pour venir s’installer à Bordeaux comme négociant. Tout au long du XIXème siècle, la famille allait prospérer dans cette activité et ainsi pouvoir définitivement prendre pied dans le vignoble avec un premier achat en 1903. Ce sera le château Le Crock en 1903 à Saint-Estèphe puis en 1920, le château Léoville Poyferré. L’un des 3 « Léoville » qui va connaître de grandes années avec l’arrivée en 1978 de celui qui marquera durablement la propriété, Didier Cuvelier.

Arrière-petit-fils du premier propriétaire, il va façonner pendant 40 ans ce joyau de Saint-Julien. Il évoque aujourd’hui avec émotion les grands millésimes jalons qui ont permis de mieux appréhender certaines réalités. 1982 ? « Un millésime fondamental car nous nous sommes aperçus à partir de là qu’en ramassant des raisins bien mûrs, on pouvait faire des vins incroyables et ce même avec des rendements importants ». Et effectivement, cette année-là, ceux-ci ont atteint les 62 hl/ha ! Et pourtant ce vin a traversé le temps et s’avère encore aujourd’hui très plaisant, doté d’une belle fraîcheur et d’une agréable rondeur. 1984 ? « Le millésime était vraiment moyen et il a fallu à ce moment là adopter une très grande rigueur dans les assemblages. Depuis lors, cette discipline est la même à chaque millésime ». 1988 ? « Un millésime qui avait été d’une très grande générosité et qui avait donc donné des vins avec une légère baisse de concentration. Il nous a fait comprendre l’importance des effeuillages et des vendanges en vert initié après cela » . Didier Cuvelier est la mémoire vivante de ce cru. Et s’il a passé la main à sa cousine Sara Lecompte Cuvelier en 2018, il n’en reste pas moins présent, notamment lors des assemblages qu’il ne raterait pour rien au monde.

Un château en mouvement

Avec Sara, nul doute que la dynamique du château devrait demeurer la même. Et toujours l’envie d’améliorer la qualité des vins produits. Didier Cuvelier avait initié la baisse des intrants à la vigne et au chais en 2016. Cela continue aujourd’hui, la propriété étant inscrite dans le SME bordelais. Une partie du vignoble est également désormais conduite en bio et biodynamie sur environ 20 ha sans être toutefois labellisée. Pour diminuer les apports de soufre, des essais ont été menés pour utiliser d’autres levures que saccharomyces à l’arrivée de la vendange, une bio-protection à l’encuvage devenue la norme à Leoville Poyferré depuis 2018. La vigne n’est pas en reste puisqu’un prestataire italien intervient depuis 2 ans pour instaurer une méthode de taille différente, la taille Poussard qui permet un plus grand respect du flux de sève.

Une grande énergie anime donc les équipes au quotidien pour mener les vins toujours plus haut. Et quoi de mieux ensuite que de le faire savoir aux amateurs en ouvrant largement les portes ? C’est ce qui est mis en place depuis une quinzaine d’années avec la possibilité de réaliser différentes visites et dégustations, notamment associant différents millésimes de Leoville Poyferré a de la charcuterie ou à des chocolats (de 10€ à 50€ par personne). Voici donc une propriété vivante, faisant face à l’avenir avec lucidité et sérénité et qui a déjà mis le cap vers un nouveau siècle où elle compte bien continuer à jouer les premiers rôles. Avec, on l’espère, des millésimes aussi splendides que le 2005 d’une plénitude folle aujourd’hui ou le 1990 qui a conservé une grande présence, de l’énergie et un équilibre souverain porté par une acidité fine et intégré. Chapeau !