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Léoville Poyferré ou l’art de la passation

Auteur

Jean-Charles
Chapuzet

Date

22.01.2019

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Le 1er août dernier, Sara Lecompte Cuvelier* prenait la succession de son cousin Didier Cuvelier dans la gestion du Château Léoville Poyferré, Grand Cru Classé 1855 à Saint-Julien et du Château Le Crock, Cru Bourgeois à Saint-Estèphe. Six mois plus tard, les deux intéressés reviennent sur cette passation comme sur le bilan et l’avenir des deux domaines.

Sara Lecompte Cuvelier, quelles sont vos premières impressions depuis votre arrivée à la tête des propriétés Léoville Poyferré et Le Crock ?
J’ai découvert une équipe de cadres hyper motivés et impliqués, travaillant pour les propriétés comme si elles étaient les leurs. Le poste de gérante est passionnant et très diversifié, ce grâce à la multiplicité des sujets concernés entre la viticulture, l’œnologie, la logistique, les projets de travaux, l’aspect commercial, les relations publiques, les rencontres avec les amoureux du vin, le management, la gestion… C’est très complet, très enrichissant et on ne s’ennuie jamais !

Didier Cuvelier, quand s’est décidée cette passation et comment s’est-elle préparée ?
Après 40 ans de bons et loyaux services, j’ai estimé qu’il était temps de passer la main. J’ai toujours souhaité que ce soit un membre de la famille qui prenne ma suite pour faire perdurer le super état d’esprit des cadres de la société. Sara partageant nos réunions de gérance depuis 2003, je l’ai sentie de plus en plus intéressée dans l’idée de me succéder. Et au cours de nombreuses discussions j’ai compris et j’ai vite eu le sentiment qu’elle ferait parfaitement l’affaire.

Sara, la vie d’un Cru est un éternel projet, quelles sont vos ambitions à l’horizon d’une dizaine d’années ?
Pour Léoville Poyferré, poursuivre la quête de la qualité avec de nouvelles techniques au vignoble et au chai, développer la notoriété et la communication, et se positionner comme un second cru classé ouvert aux consommateurs… Pour le Crock, poursuivre le programme de travaux de rénovation des installations techniques du château, et continuer à faire progresser le niveau des vins.

Didier, de quoi êtes-vous le plus fier durant ces années à la tête des Châteaux Le Crock et Léoville Poyferré ? Et y a-t-il des regrets ?
Je suis fier de beaucoup de choses. Primo, au niveau des vins : le travail de plantations et de replantations des vignes a porté ses fruits. Depuis 2000, Poyferré est d’une régularité remarquable, et l’obtention de la note de 100 au Guide Parker en 2009 en a été la parfaite illustration. Secundo, au niveau architectural : tous les bâtiments du château ont été complétement refaits et je suis fier de pouvoir les faire visiter. Enfin, au niveau social : en 40 ans je n’ai jamais été aux Prud’hommes avec un salarié.

Sara, pour le Château Le Crock quelles sont les ambitions à l’endroit du classement des Crus Bourgeois ? Et sur les deux propriétés, on parle beaucoup du bio, est-ce dans votre viseur ?
Le château le Crock a toujours été cru bourgeois (supérieur en 2003), et la qualité de ses vins est unanimement reconnue par les professionnels et les particuliers. Le nouveau classement devrait permettre de faire reconnaître les vins à leur juste valeur. Nos propriétés sont engagées dans une démarche environnementale et 20 à 25% du vignoble est en bio. Conscients des effets des conditions climatiques sur la récolte, notre objectif est de progresser dans le respect de l’environnement et celui de notre voisinage, avec des produits adaptés.

Didier, continuez-vous de conseiller votre cousine et quelle est votre regard sur le « bio » (Bio, biodynamie…), sa faisabilité, son acception, ses limites ?
Le bio est une obligation pour moi, car à l’avenir nous ne pourrons plus nous servir de produits conventionnels. Nous y allons donc progressivement en augmentant chaque année la surface bio. Les résultats qualitatifs du bio sont intéressants, mais avant de se prononcer définitivement sur la qualité des vins cela demande beaucoup plus de recul. A terme nous n’envisageons pas pour le moment la certification en bio car cela restreint trop notre pouvoir d’intervention.

* Voir aussi le portrait consacré à Sara Lecompte Cuvelier dans notre dossier « Grands Crus : la relève des femmes » (Terre de Vins n°56, novembre-décembre 2018)