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2012 ou le tiercé gagnant de la Maison Joseph Perrier

Auteur

Yves
Tesson

Date

07.09.2021

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« Année en un, année de rien » dit-on en Champagne. Les vendanges 2021 qui s’annoncent compliquées semblent le confirmer. Les années en deux, au contraire, sont souvent de belles réussites : 1982, 2002 et surtout 2012 figurent parmi les vins les plus recherchés. La qualité des trois cuvées millésimées 2012 que présente la Maison Joseph Perrier en témoigne et nous redonne espoir : peut-être sommes-nous à la veille d’un très grand 2022 !

Joseph Perrier fait sa rentrée en fanfare avec la sortie de trois cuvées millésimées 2012 : la Côte à Bras, la Cuvée Royale, et la Cuvée Joséphine. Un joli trio qui donne autant d’interprétations différentes de ce millésime de légende en Champagne (le meilleur de ces trente dernières années avec 2008).

Rappelez-vous : l’année n’avait pas très bien commencé. Le mois de mars avait été doux, favorisant un débourrement précoce, ce qui avait rendu les gelées survenues en avril particulièrement meurtrières. La floraison elle-même s’était déroulée avec des températures très fraîches et une faible insolation. D’avril à Juillet des pluies diluviennes s’étaient abattues sur la Champagne favorisant le développement des maladies cryptogamiques. Comme cette année, on avait atteint des records avec près de 60% d’excédent pluviométrique par rapport à la normale. Elles s’étaient heureusement interrompues plus tôt qu’en 2021, laissant place à un été chaud et très sec (le plus faible bilan hydrique depuis 1994 !) Les vendanges qui ont eu lieu dans la deuxième quinzaine de septembre ont vu le retour de la pluie, gonflant un peu une récolte qui restera cependant faible en volume (9000 k/ha). Cette charge limitée et ce bel été ont donné aux raisins une très belle maturité.

Le millésime 2012 sur la Côte à Bras (70€) a quelque chose de flamboyant. Le lieu-dit se situe dans la vallée de la Marne, au-dessus de Cumières. Un village qui tient une place particulière dans l’histoire de la Maison. L’arrière-arrière-grand-père de Benjamin Fourmon, son directeur général, était vigneron sur ce cru avant de racheter le champagne Joseph Perrier. Depuis, il y a toujours au moins une goutte de Cumières dans chacune des cuvées de la marque.

La parcelle plantée en pinots noirs qui se trouve à mi-coteau, avec un sol d’à peine 30 centimètres d’épaisseur, bénéficie d’une exposition plein sud. Le court noué très présent il y a dix ans sur les vignes (elles ont depuis été pour partie replantées), en réduisant la charge, a favorisé la maturation et la concentration, rendant le dosage tout à fait inutile. Cultivée comme un jardin, avec des méthodes qui se rapprochent de la viticulture biologique, le chef de vignes a enherbé un rang sur deux et labouré dans les interceps contraignant les racines à descendre dans les profondeurs de la craie. « L’équilibre est parfait, c’est franc, droit mais cela reste gourmand, fruité. L’expression des pinots noirs est différente de celle que l’on retrouve sur la montagne de Reims. Ils ont ici moins de corpulence, moins de puissance. Le vin a en revanche une grande minéralité, il est un peu iodé, ce qui est typique de la parcelle, avec cette finale un peu saline et sur les agrumes » commente Nathalie Laplaige, la cheffe de caves.

Ces pinots noirs qui chardonnisent un peu sont en effet surprenants. On n’a pas l’habitude sur ce versant d’en trouver avec une telle minéralité, sans doute parce que les dosages en sucre habituels ont tendance à pousser le fruit. « C’est une cuvée sur laquelle il n’y a pas trop d’entre deux, soit on adore, soit on déteste. On s’éloigne en effet du champagne tel qu’il est dans l’imaginaire des gens, surtout lorsqu’on parle d’un 100% pinot noir » confie Benjamin Fourmon. Les amers tout en délicatesse posent une jolie structure, le nez et la bouche sont un peu miellés, les notes de fruit rouge typiques du cépage sont présentes sans être trop appuyées.

La Cuvée Royale 2012 (58€) succède au millésime 2008. Exceptionnellement, elle exclut le meunier et se compose uniquement de pinot noir et de chardonnay. Cet assemblage lui donne peut-être moins de charme mais davantage de finesse et d’élégance. Si le dosage est supérieur à celui de la Côte à Bras (3g), le vin semble curieusement plus léger. Le champagne est aussi plus vif avec une fraîcheur citronnée extraordinaire. En accord, le poisson sonne comme une évidence. On ne retrouve pas les amers et malgré l’âge on observe très peu d’évolution vers les notes tertiaires, seulement quelques arômes de pain d’épice et d’abricots secs, mais rien d’exubérant. C’est le début prometteur d’une longue carrière.

La cuvée Joséphine (135€) (photo d’ouverture) se distingue quant à elle par sa complexité. Elle repose sur trois jolis crus : Ambonnay au sud de la Montagne, Bergères-les-Vertus au sud de la Côte des blancs et comme toujours, une pointe de Cumières. Il faut la laisser s’aérer et la déguster lentement, pour profiter pleinement des différences très nettes que l’on peut trouver entre la première, la deuxième et même la troisième bouche. On part sur l’amande, les fleurs blanches, avant de déboucher sur des arômes plus puissants et épicés comme la cannelle, le pruneau… « Je pense qu’on a opéré un choix particulier des parcelles de pinots, avec une maturité plus avancée, ce sont vraiment des pinots qui pinotent ! » explique Nathalie Laplaige. Côté flacon, comment ne pas succomber au charme un peu suranné de la bouteille sérigraphiée et décorée à l’or fin ? Il renvoie au raffinement d’un XIXe siècle souvent plus créatif en termes d’habillage que les maisons contemporaines qui veulent faire du luxe un lieu tristement épuré.

www.josephperrier.com