Vendredi 23 Mai 2025
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Date
23.05.2025
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En cette année 2025, Biodyvin, le syndicat international des vignerons en culture bio-dynamique, célèbre ses 30 ans. Avec l’âge vient la maturité, et le retour sur expériences. Alors qu’on reprochait à la biodynamie son manque de bases scientifiques, l’INRAE de Colmar a initié une première étude sur les pratiques culturales qu’implique la méthode.
Le label Biodyvin se reconnaît à son logo apposé sur les bouteilles : une grappe et une feuille de vigne, entourées d’une énergique spirale. Créé en 1995, le SIVCBD (Syndicat International des Vignerons en Culture Bio-Dynamique) regroupe aujourd’hui, sous la bannière Biodyvin, 224 domaines. Ils sont situés principalement en France (toutes régions viticoles confondues), mais également en Allemagne, Belgique, Grèce, Italie, Portugal et Suisse pour une surface totale d’un peu plus de 5 000 hectares.
Pour être adhérents, les vignerons doivent exploiter l’intégralité de leur domaine en biodynamie. Au préalable ils doivent aussi être certifié agriculture biologique selon les règles en vigueur dans leur pays, puis respecter le cahier des charges et le plan de travail biodynamique. Enfin, une dégustation des vins permet de finaliser la démarche d’adhésion. Encore aujourd’hui les demandes affluent au siège de l’association, à Colmar.
Le cahier des charges spécifique à Biodyvin consiste à travailler la vigne en utilisant trois préparations biodynamiques minimum par campagne, uniquement des produits phytosanitaires d’origine naturelle (avec une tolérance pour les produits antiparasitaires- cuivre et soufre, dans les limites fixées par le règlement européen AB). À la cave, l’adhérent doit travailler exclusivement des raisins provenant de l’agriculture biologique ou biodynamique, avec le moins d’interventionnisme possible, en excluant les produits œnologiques, pratiques et usages qui modifient l’équilibre initial du raisin. Le SO2 doit rester dans des limites du cahier des charges (80 à 105 mg/l pour un vin sec).
Le vigneron qui prétend au label est contrôlé par Ecocert, organisme indépendant. La certification Biodyvin peut également s’appliquer à l’eau de vie distillée à partir de raisins cultivés en biodynamie.
L’objectif de ces pratiques bio-dynamiques est de préserver la fertilité des sols, permettre à la vigne de s’épanouir au sein d’un terroir où la vie animale et végétale reprennent leur place. Dans cet environnement, les vins pourront dévoiler toute leur expression et leur qualité durant les dégustations.
La biodynamie repose sur une pensée holistique de la vigne, la plante est reliée à la terre et à la planète. On la travaille en tenant compte des influences astrales et du rythme de la nature, en utilisant des préparations végétales (appelées préparations naturelles peu préoccupantes- PNPP). De type homéopathique, elles interagissent avec la vigne, rééquilibrent et revitalisent ses systèmes de défense. La méthode a fêté ses 100 ans en 2024.
En 2022, l’association Biodynamie Recherche s’est associée à l’INRAE de Colmar dans le cadre d’un projet de recherche participatif d’envergure nationale pour mieux connaître et valoriser les savoirs et retours d’expériences de vignerons sur l’utilisation des PNPP. Ce projet de recherche est conduit par l’équipe RPSV (Recherche Participative et Santé de la Vigne) de l’UMR 1131 du centre INRAE Grand Est Colmar, sous la direction de Jean E. Masson.
Des ateliers dans 10 régions viticoles et des entretiens avec 244 vignerons ou personnes de la filière ont permis de collecter les résultats pour une dizaine de PNPP utilisées, avec souvent plus d’une dizaine de protocoles. Un premier atelier national de restitution a eu lieu à l’Institut Agro de Montpellier les 23 et 24 janvier 2025, avec une centaine de participants. L’équipe de chercheurs conclut « En partant d’une situation extrêmement complexe, celle des usages des PNPP, ces ateliers ont permis de rationaliser (un peu) la problématique des PNPP. » Il ouvre aussi des perspectives pour continuer cette valorisation des données collectées dans une dimension scientifique, dans une collaboration fructueuse entre vigne et laboratoire.
Lors de Millésime Bio 2025, Emmanuel Cazes, chargé de mission Biodyvin a proposé une dégustation de six vins issus de domaines en biodynamie depuis plus de dix ans, dans différentes régions de France : Las Clapas 2020, AOP Languedoc Blanc, domaine du Pas de l’Escalette ; Laïs 2023, IGP Côtes du Roussillon, domaine Olivier Piton ; Grenache rouge 2021, IGP Méditerranée, domaine Richeaume, (pionnier du bio de puis 1972 au pied de la Sainte Victoire) ; Alta Roca 2022, AOP Corse Figari rouge, Domaine Canarelli ; Paul 2020, AOP Pessac Léognan rouge, Château Haut Bergey.
A la dégustation de ces vins, de régions différentes, un constat s’impose : tension et équilibre sont toujours bien présents, même dans les millésimes et les terroirs les plus chauds.
De ce fait, le vigneron en biodynamie, avec un sol vivant, peut mieux faire face au stress du changement climatique et conserve, même en année chaude, une belle acidité. Ces vins en biodynamie sont expressifs et équilibrés, en phase avec les attentes du marché, commente Emmanuel Cazes, qui conclue pour Biodyvin « Le métier de vigneron est d’observer, ressentir, d’être acteur de ce monde qui évolue en gardant l’esprit critique ».
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