Vendredi 30 Mai 2025
©Willy Kiezer
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29.05.2025
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Connaissez-vous l'appellation Clairette de Bellegarde ? C'est un vin blanc produit à partir de la clairette blanche, un cépage qui n’est mis en valeur que sur le finage de Bellegarde, petite ville située entre Arles et Nîmes. Cette exception se maintient grâce à une poignée de viticulteurs passionnés dont Jérôme Chardon fait partie.
C’est un lieu qui ne ressemble à nul autre. À Bellegarde, petite ville entre Nîmes et Arles, aux portes de la Camargue, le domaine Terre des Chardons étend ses neuf hectares de vignes au sein d’un écosystème agricole singulier. Sur cette première colline après les étangs, bercée l’après-midi par une brise marine salvatrice, s’élabore une viticulture ancrée, résiliente et cohérente. Le domaine est situé sur l’aire d’appellation des Costières de Nîmes, au sein même du terroir de la confidentielle Clairette de Bellegarde, l’une des plus anciennes AOC de France, dédiée à un seul cépage : la Clairette blanche.
Le paysage y est composé de galets roulés du Rhône, de cyprès plantés pour briser les assauts du vent, et d’un maillage de cultures multiples. Car ici, la vigne ne pousse pas seule. Dès 1983, la famille Chardon, venue de Touraine, décide de s’installer à Bellegarde pour y cultiver fruits et légumes en agriculture biologique. C’est en 1999 que Jérôme Chardon, fils de la maison, plante les premières vignes et vinifie ses premières cuvées. “Pour moi, faire du vin, c’est une suite logique à notre histoire de paysans, explique-t-il. Depuis la première récolte en 2002, tous les vins sont certifiés Demeter.
Plus qu’un domaine viticole, Terre des Chardons est d’abord une ferme, bien vivante. Maraîchage, oliviers, vignes : les cultures s’entremêlent, les savoir-faire aussi. Salades, courgettes, tomates poussent en pleine terre selon les saisons, et viennent compléter les revenus d’une structure où la polyculture est à la fois un modèle économique et une philosophie. “ Si la vigne souffre — grêle, gel, mildiou — on peut s’appuyer sur autre chose. C’est notre filet de sécurité”, résume Jérôme Chardon.
Sur place, la polyvalence est un atout précieux. Les mêmes bras récoltent les légumes et aident aux vendanges, intégralement manuelles. “Ce que j’aime ici, c’est qu’on est dans le concret, dans le collectif. On s’adapte, on se soutient ”, souligne Alex Didier-Lozano, responsable commercial et bras droit du vigneron, qui participe aussi activement aux vinifications. Ensemble, ils forment un duo complémentaire, nourri par une vision partagée : celle d’une agriculture à taille humaine, fondée sur le lien au sol et au vivant.
À ceux qui imaginent la biodynamie comme une pratique ésotérique, Jérôme Chardon oppose une réalité bien plus pragmatique. “Pour moi, la biodynamie, c’est la ferme et la polyculture, en bio. On est loin de la lune et du cosmos. C’est un retour au bon sens paysan”, affirme-t-il. Au-delà des préparations biodynamiques, c’est la cohérence de l’ensemble qui influence le vin : une terre vivante, travaillée sans intrant, et des raisins cueillis à pleine maturité.
Le style de la maison ? Des vins fins, digestes, toujours traversés par une trame de fraîcheur. Huit cuvées sont produites au domaine, du vin de plaisir au vin de garde. Parmi elles, Bien Luné porte bien son nom : un rouge fruité, joyeux, à boire entre amis. À l’opposé, Chardon Marie joue la carte de la profondeur et de la complexité, avec un élevage prolongé en bouteille. “Ce sont des vins à point, que l’on sort quand ils sont prêts, pas avant ”, souligne Alex Didier-Lozano pour présenter Chardon Marie. L’exigence se prolonge dans la distribution : “Je cherche les belles caves, les beaux restaurants. On travaille beaucoup en local et au national, peu à l’export. C’est une autre forme de résilience, plus maîtrisée”.
Parmi les cuvées emblématiques du domaine, J’M tient une place à part. Produite à partir de la Clairette blanche, cépage rare et souvent peu compris, ce vin incarne à lui seul l’identité du lieu. “C’est un cépage d’avenir, ancien et parfaitement adapté au réchauffement climatique. Il offre du gras, de la fraîcheur, et une vraie personnalité”, assure Jérôme Chardon. La Clairette de Bellegarde est aussi un témoin discret du potentiel du sud des Costières. Aux confins de la Vallée du Rhône, ce terroir de galets roulés, caressé par la brise marine, porte en lui les promesses d’une viticulture tournée vers la durabilité, l’équilibre et la fraîcheur. Un héritage à défendre, et une voie d’avenir à tracer.
Clairette de Bellegarde 2022 – 13 €
Un vin blanc gourmand, bien rond, porté par une belle tension et une finale salivante. Il incarne à merveille la trame du domaine : la fraîcheur. Un vin lumineux, sincère, qui fait honneur à un terroir confidentiel et prometteur.
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