Samedi 14 Décembre 2024
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30.09.2020
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N°7, le second opus de la « Collection Ayala » (série de cuvées uniques en édition limitée) a été présenté vendredi dernier lors d’un déjeuner chez Guy Savoy à la Monnaie de Paris. Terre de Vins a profité de l’occasion pour interroger Caroline Latrive, la chef de cave, et en savoir davantage sur la genèse de cette nouvelle pépite qui a été un peu une matrice pour le style de la maison.
Comment est venue l’idée de cette cuvée « N°7 » ?
2007, c’est l’année où j’ai été recrutée chez Ayala comme œnologue. J’étais curieuse de tout. Les vendanges arrivant, le chef de cave m’a dit que la meilleure façon d’aborder le style de la Maison, c’était que je réalise ma propre petite cuvée. C’était une sorte de challenge, un test, et c’est le tout premier assemblage que j’ai élaboré pour Ayala. « Tu fais ton choix. Ce qui pour toi représente la meilleure signature de la Maison. » J’ai fait un focus sur le chardonnay. Nicolas Klym avait une empreinte maison peu dosée (qu’Ayala a conservée) mais il était plutôt tourné vers le pinot noir. Dans la gamme, Le blanc de blancs était alors un épiphénomène. Cette cuvée n’était pas nécessairement destinée à être tirée. Mais il y a eu une révélation au cours de la dégustation. Quelque part, c’est à partir de là qu’un virage a commencé à s’opérer pour faire du chardonnay le cépage majeur de la Maison et qu’on a pu redéfinir le style et s’émanciper davantage de Bollinger.
Au début, j’ai proposé une sélection de sept grands crus de chardonnays car j’ai une vraie sensibilité pour ce cépage. Finalement, je n’en ai retenu que cinq (Avize, Cramant, Chouilly, le Mesnil sur Oger, Oger) et j’ai ajouté un peu de pinot noir, peut-être parce que c’était ce que mon prédécesseur attendait, mais aussi parce que cela apportait un peu plus de complexité et de générosité. Pour ce deuxième cépage, le choix des crus n’était pas évident. Car autant 2007 était magnifique pour les Chardonnays, autant il était plus difficile de trouver une bonne maturité dans les noirs. J’ai opté pour deux crus charismatiques de la Champagne, Verzy et Aÿ, deux versants différents de la Montagne de Reims, le premier très droit, le deuxième, côté Sud, plus généreux en fruits. Grâce à cette sélection on passait un cap qui permettait de sublimer le chardonnay, donnant à cet assemblage une dimension différente.
J’ai noté en bouche un côté un peu vanillé, pâtisser, comme de la crème anglaise…
C’est le vieillissement sur un bouchage liège qui donne ce côté vanillé, épicé. On a d’ailleurs souvent cette question : « est-ce que cela a été élevé sous bois ? » Alors que non, pas du tout, ce vin n’a jamais vu le bois. L’objectif de ce bouchage, c’est une micro-oxygénation ménagée, pour apporter un peu de complexité et avoir des arômes tertiaires qui apparaissent plus vite. On obtient des notes toastées, grillées… Il y a aussi le caractère plus réductif du bouchage liège sur un bouchage prolongé. Alors que le bouchage capsule bidule au bout d’un certain temps devient plus poreux. C’est toute la magie du vin de pouvoir composer encore avec cette matière vivante qui travaille au fil du temps.
On a l’habitude des chardonnays très vifs, très portés sur les agrumes, ici on a un style plus enrobé…
Effectivement, en pratiquant des fermentations malolactiques systématiques, je recherche le côté crémeux. Je considère qu’un chardonnay est prêt à être commercialisé quand on peut obtenir cette ouverture, cette expression vers des arômes un peu secondaires et tertiaires, c’est-à-dire le côté presque un peu beurré, chantilly, gourmand qui ne sont pas systématiques dans l’expression du chardonnay. C’est en cela que je trouve ce cépage mystérieux et magique. Il est même parfois un peu improbable, indomptable. On a l’habitude de le voir s’exprimer sur des arômes austères, très percutants, acides comme les agrumes. J’ai le souvenir d’avoir dégusté des Mesnil dans les premiers mois de vie où il est difficile de ne pas faire la grimace. Et, en même temps, on se dit : « quel potentiel ! » Quand on lui laisse le temps, sept ans, dix ans… et la possibilité de se livrer dans son plus bel apparat, il va se dévoiler. Souvent de façon un peu timide au début, mais bientôt avec une belle générosité, des arômes de miel d’acacia, une petite salinité qui vous fera saliver.
Comment composez-vous vos liqueurs de dosage ?
J’aime beaucoup travailler mes liqueurs, cela fait partie du côté alchimiste du métier. C’est mon jardin, je pioche dans mes vins de réserve. Par nostalgie, j’utilise du sucre de canne : le rapport glucose/fructose est quasiment le même que le sucre de betterave. Je veille aussi à ce qu’il y ait un temps opportun entre le dégorgement et la commercialisation pour qu’il y ait un mariage entre le vin et la liqueur.
Qu’avez-vous pensé des accords mets-vins proposés par Guy Savoy ?
À la première lecture de ce plat « Poulette farcie en demi-robe, suprêmes en jus mousseux, cuisses tradition », je me suis dit : « waouh, cela va être dense et riche, un plat d’automne ». En fait, c’est du velours, les saveurs sont d’une étonnante subtilité et j’ai trouvé qu’on était sur un ajustement très équilibré, d’une grande finesse : que cela soit le plat ou la cuvée, aucun ne prenait le pas, l’un et l’autre se mettaient en lumière. Harmonie et intensité parfaites avec ce plat élaboré par Guy Savoy qui a su sublimer cette cuvée N°7.
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