Accueil Château Cadet-Bon, Saint-Émilion : « La conversion bio est dans la logique des choses »

Château Cadet-Bon, Saint-Émilion : « La conversion bio est dans la logique des choses »

Auteur

Jean-Charles
Chapuzet

Date

28.01.2018

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Derrière le réveil du de Château Cadet-Bon (Saint-Émilion Grand Cru Classé) se cache le directeur technique Antoine Mariau. Nonobstant l’effet millésime, les 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016 traduisent une évolution manifeste des vins de la propriété. Depuis 2017, la conversion bio est engagée. Retour sur une trajectoire qui a accompagné la montée en puissance de Cadet-Bon.

Avec quel bagage êtes-vous arrivé au Château Cadet-Bon ?
Malheureusement, je suis du millésime 1984, autant dire que je n’ai pas beaucoup de vins de cette année dans ma cave. Je suis originaire de Charente-Maritime, petit-fils et fils de producteurs de cognac, à Neulles en Petite Champagne. De fait, j’ai très vite participé aux travaux viticoles. Pour autant, après le lycée, je me suis dirigé vers la médecine – histoire de faire plaisir aux parents – mais la médecine n’a pas voulu de moi. J’ai embrayé sur de la biologie du vivant, des organismes. De là, je me suis dit que l’œnologie était le parfait carrefour entre la science, la science du vivant, le goût et la nature. J’aimais ce côté scientifique relié à la terre. Ensuite, j’ai voulu tracer mon propre chemin en choisissant le vignoble bordelais dans un laboratoire de la faculté pour faire analyses de maturité. Au bout de quelques mois, lors d’une soirée, je croise – très tard – Julien Lavenu de l’équipe de Stéphane Derenoncourt. J’atterris chez eux le lendemain ou le surlendemain…

Quels furent vos premiers pas au Château Cadet-Bon ?
Au mois d’août 2008, je rentre en stage dans cette équipe qui compte parmi ses clients le Château Cadet-Bon, la propriété de Michèle et Guy Richard. En suivant les membres de l’équipe de Derenoncourt, je découvre notamment ce domaine perché sur la butte du Cadet au moment des vendanges. Il s’avère que les propriétaires recherchent un directeur technique. On fait le tour du vignoble, on goûte les raisins, je rencontre Guy Richard. Il est aussi originaire de Charente-Maritime, issu d’une famille de vigneron, il va réussir avec son épouse dans la Grande Distribution avant d’acquérir le Grand Cru Classé en 2001. C’était leur rêve. Après plusieurs entretiens avec le couple, j’intègre Cadet-Bon au mois de décembre. Il y a 7 hectares, un travail parcellaire a déjà été mis en place avec un important travail du sol.

Comment s’opère le travail avec les équipes du consultant Stéphane Derenoncourt ?
L’idée première est de continuer en ce sens pour toujours travailler davantage en précision. C’est une période où la région de Saint-Émilion est dans la tourmente du ou des classements, un bordel monumental auquel je suis resté étranger en me concentrant sur les vins censés tenir le rang qu’il mérite en rapport à son terroir. Pour mener à bien cette mission, il y a trois maillons comme vous le sous-entendez dans votre question, le propriétaire, le consultant et le directeur technique. Je ne sais pas si c’est pertinent de dire ça mais j’ai envie d’utiliser la métaphore du groupe de musique, un trio guitare-basse-batterie où chacun connaît sa partition et son instrument tout en prêtant l’oreille à l’autre pour composer ensemble. L’objectif est de faire le plus beau vin possible sachant que Cadet-Bon n’a jamais été connu et reconnu pour faire des vins puissants, opulents et démonstratifs, ça me va bien, ici c’est la complexité et la fraîcheur. Pour cette signature, il faut revenir à 2001, c’est un long cheminement avec Claude Bourguignon et Stéphane Derenoncourt sous la houlette des Richard. Le travail s’est opéré sur l’identité du terroir avec un encépagement de 80% de merlot et 20% de cabernet franc, proportion de ce dernier que j’augmente progressivement.

Pourquoi enclenchez-vous cette conversion en bio ?
Pour rejoindre ma précédente réponse, en terme de fraîcheur, nous sommes très peu interventionnistes sur les vinifications avec des extractions très douces. Dans ce respect du raisin pour avoir des assemblages les plus fins possibles, la conversion au bio est naturelle, elle est dans la logique des choses. En regardant en Bourgogne, en Alsace et ailleurs, je me suis dit que pour augmenter la profondeur des vins, c’était l’étape obligatoire. Sur la rive droite de Bordeaux, il y a aussi tout un réseau de jeunes techniciens qui regardent en ce sens. On partage, on goûte, notamment avec Vincent Lignac du Château Guadet. C’est une vraie lame de fond. Avec Monsieur Richard, on a senti ça. La conversion est engagée pour une certification à l’horizon de 2020. Il y a aussi des essais en biodynamie. Ce n’est pas simple, ce n’est pas sans risque mais c’est possible. C’est beaucoup plus de travail, ça remet le vigneron au milieu des vignes, c’est un plaisir, c’est un retour au bon sens, un retour à l’observation. Il y a presque quelque chose de sensitif sans bien sûr s’opposer à l’œnologie, à la science ; je l’aborde ainsi.