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Demain, quels vins pour quels consommateurs ?

Auteur

Marie-Pierre
Delpeuch

Date

12.04.2023

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Pour répondre à cette vaste question, les intervenants du Colloque à l'Université du Vin de Suze-la-Rousse avaient trois heures. Les nombreuses propositions et suggestions impliquent adaptations et remise en question.

L’Université du Vin de Suze-la-Rousse ne fait pas que former de futurs sommeliers-cavistes et autres dégustateurs avertis. En prise directe avec les professionnels de la filière, elle a organisé ses premières Rencontres, en mars dernier. Michel Bernard, son président et Géraldine Gossot, sa directrice, ont lancé les débats. 

Plusieurs constats sont des signaux d’alerte : la déconsommation de vin depuis 60 ans, la dynamique de la bière (39 % des achats de 18-35 ans), la plongée des ventes de vins rouges (32 % en 10 ans). Se greffent à cela les acheteurs de vins qui vieillissent, achètent moins souvent et en plus petite quantité, sous couvert d’une premiumisation du marché.

Pour réinventer la filière, trois intervenants étaient invités à analyser et proposer des pistes. Jérôme Fourquet, directeur du département opinions & stratégies d’entreprises à l’IFOP, a confirmé le positionnement du vin, son image, l’appétence pour le local et les produits régionaux, l’œnotourisme. En parallèle, la crise du COVID, la diminution du pouvoir d’achat, les modes et rythmes de consommation et des pratiques alimentaires (tout en un clic) déconstruisent le modèle du consommateur type. Pour continuer à se faire plaisir, l’arbitrage des dépenses oriente vers les entrées de gamme ou le discount. D’où la question du positionnement des vins d’AOC. 

Génération (dé)connectée

Thierry Lorey, professeur de marketing, spécialiste en vin, a réalisé un focus sur la consommation des différentes générations, de l’héritage (82 ans et +), à la Z (13-27 ans). La première est en déclin, la dernière aussi, en quelque sorte puisque 59 % des jeunes ne consomment pas de vin. Mondialisée, hyper connectée, préférant la bière et les « hard seltzers », délaissant la viande et se souciant de l’environnement, elle sera difficile à conquérir. Le professeur préconise de maintenir un marketing identitaire de l’offre pour sécuriser les volumes. Mais aussi de développer un marketing de la demande pour recruter de nouveaux consommateurs, tout en poursuivant une stratégie de valeur à l’exportation. Dans ses autres suggestions, les rouges frais, légers et fruités, les cocktails à base de vins, les produits mixtes ou l’association avec les légumes secs et les céréales seraient à développer. Autres pistes, la désalcoolisation des vins et le développement du bio. Entre parenthèses, une association des deux est incompatible, puisque la certification interdit le procédé. Les nouveaux contenants et formats, l’exploitation des moments de socialisation, tels les jeux vidéo, les afterworks, les sports, loisirs, les concerts et l’œnotourisme sont préconisés. Avec ce catalogue de mesures, il faut prévoir d’y associer une nouvelle pédagogie pour désacraliser l’univers (intimidant) du vin. Langage, messages, visite virtuelle de vignobles, digitalisation et bien sûr les réseaux sociaux et autres influenceurs du vin. La conclusion de Thierry Lorey était porteuse d’espoir. La génération Z a des valeurs communes avec le vin, un produit local, de plus en plus de certifications et de femmes.

Ailleurs, si j’y suis 

L’intervention de Florian Ceschi, directeur du cabinet de courtage Ciatti Europe a présenté les tendances mondiales, en réalisant un focus sur cinq pays aux stratégies différentes. L’Espagne, aux vins d’entrée de gamme qui alimentent le marché européen, son potentiel bio inexploité et ses blancs au goût du jour. Le Chili, exportateur de la totalité de sa production, principalement sur les marchés chinois et américain. L’Australie avec sa large gamme de vins modernes et marketés. Les USA priorisent leur marché intérieur en renforçant les marques. L’Afrique du Sud, productrice à 65 % de vins blancs, à l’excellent rapport qualité-prix, orientée vers les marchés UK et Scandinavie. 

L’interprofession rhodanienne et le syndicat général des Côtes du Rhône ont pris conscience d’un certain nombre de ces paramètres dans leurs plans stratégiques réciproques. Aux vignerons et négociants de les mettre en application.

universite-du-vin.com