Accueil Gaspard Proust : « Le vin n’est pas juste le vin »

Gaspard Proust : « Le vin n’est pas juste le vin »

Auteur

La
rédaction

Date

09.01.2013

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Tannique sur scène, Gaspard Proust est tout velours en interview. Le vin ? Il aime. Il veut bien en parler. Comme l’illustre cet entretien publié en intégralité dans « Terre de Vins » n°21, actuellement en kiosques.

Lorsqu’on entend Gaspard Proust sur scène, on peut penser à Pierre Desproges, le sourire en moins. Même irrespect, même causticité, même sécheresse de façade. Or Gaspard Proust ne se reconnaît qu’un point commun avec son aîné en humour acerbe, un seul : l’amour du vin. Dans un sketch misogyne et hilarant, il compare les femmes à des bouteilles, du grand cru qui vous rend heureux, au vinaigre à la grimace… Celui qui taille chaque semaine l’actualité de son humour bien tranchant dans l’émission « Salut les terriens », sur Canal +, pose volontiers son sécateur lorsqu’il parle de vin. Avec respect et admiration, toujours. Rencontre avec un jeune homme complexe.

De quand date votre intérêt pour le vin ?
Oh c’est tout neuf, c’est venu il y trois ans. C’est en faisant des recherches sur Internet que j’ai vu ce nom : Côte-rôtie. J’ai regardé à quoi cela ressemblait, ces coteaux avec cette orientation improbable à la limite nord des côtes du Rhône. Quelqu’un a parlé de colline des crucifiés à cause des pentes très raides, à leur sujet. Cette image christique me plaisait. Le vin n’est pas juste le vin. Il y a le millésime qui vous rappelle quelque chose, la géographie qui vous en rappelle une autre. Le verre est important. C’est tout con mais si je bois dans un gobelet, c’est une catastrophe.

Comment percevez-vous le langage de la dégustation ?
Oui, les goûts de barbe à papa brûlés, de coins de tables en graphite, de mine de crayon rouge plutôt que bleu… Je lis Parker et je m’aperçois que pour deux dégustations qui me paraîtront semblables, il racontera deux choses différentes. Il est bien obligé de se renouveler. C’est comme un travail de romancier qui permet au lecteur de se raconter une histoire. Ce n’est pas négligeable.

Vous souvenez-vous de votre premier verre ?
La toute première fois, comme tout le monde, je n’ai pas aimé. On se demande ce que c’est ce vinaigre sans acide. J’ai vraiment découvert le vin avec la nourriture. Au départ, c’est la viande. Le vin avec des légumes, avec le poisson, ce n’est pas pareil pour moi…

Quels sont vos goûts gastronomiques ?
Les ris de veau, la tête de veau, les produits de la chasse, des goûts un peu violents, sanguins, le faisandé. Quand je mange de la viande, j’aime me rappeler que c’est un animal mort, cela me rattache au réel. J’adore le boudin noir, cela me rend fou, le foie de canard frais aussi mais pas le foie de veau.

Avec ces mets, qu’accordez-vous ?
Côtes du Rhône et Saint-Emilion. Cela dépend de la température extérieure. Boire un châteauneuf-du-pape en été, bof, à moins d’attendre le soir. C’est dur à programmer une bouteille, il vaut mieux partir avec des attentes minimales. Au pire, si ce n’est pas là, bon, on s’y attendait, on se prend pour un visionnaire…

Vous voulez dire qu’un pessimiste a plus de chance d’être heureux avec une bouteille qu’un optimiste ?
Ah oui ! Pas seulement avec une bouteille ! S’il est contredit, tant mieux. Le pessimisme est lâche, ce sont les optimistes qui sont courageux. Après, c’est une question de caractère…

Vous aimez les liquoreux ?
Imaginer que cette chose enfermée dans l’obscurité d’une cave puisse donner quelque chose de solaire, c’est merveilleux. Yquem c’est ça. Le prix est démesuré mais je voulais savoir… Quand dans un dîner vous vous arrêtez de parler. C’est ça la vraie puissance. Vous goûtez et quelque chose remonte, vous avez l’impression d’entrer dans quelque chose de meilleur, sans souvenir précis, quelque chose s’ouvre en vous.

Pourriez-vous écrire sur le vin avec cette manière acerbe ?
Oui, je pense… Il y a des vins que je trouve putassiers, qui représentent la luxure et le vautrage dans le patchouli mais je les aime… Comme je peux aimer des vins plus durs… On peut toujours reprocher des choses à ce qu’on aime.

Que pensez-vous du fait que le vin est presque caché aujourd’hui en France dans l’espace publicitaire ?
Aujourd’hui, du Christ, on dirait qu’il donne le mauvais exemple. Les noces de Cana ne pourraient pas passer aux heures de grande écoute… Ceci dit, il faut faire attention. L’alcool peut donner à voir triple, ce n’est pas pratique pour conduire. Je peux comprendre qu’on fasse attention pour des questions de sécurité routière qui mettent la vie d’autrui en danger. Il faut des nuances.

Le vin peut-il vous inspirer ?
Avec mesure, cela délie quelque chose, c’est évident. Mais je ne pourrais pas écrire en buvant. Toutefois, je pense qu’un bon livre vaut bien de gâter son foie… Si je veux m’enivrer, je bois de la vodka…

Propos recueillis par Joël Raffier, photo Bruno Tariol.
Retrouvez l’intégralité de cette interview dans « Terre de Vins » n°21, actuellement en kiosques.