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Ici, on déguste du bois de barrique !

Auteur

La
rédaction

Date

19.07.2013

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À la tonnellerie Bel Air (située à Cenac en Gironde), on déguste les copeaux de bois des futures barriques. Une autre approche de la « dégustation comparative »…

Un liquide couleur bois au fond d’un verre à pied. L’œil s’interroge, la narine se perd en conjectures, la bouche explore des territoires inconnus. Amateurs de grands crus, passez votre chemin, vers le château suivant.

Ici, à la tonnellerie de Bel Air, sur les vallons doux de Cenac, aucun nectar d’exception à déboucher, mais des copeaux de chêne macérés qu’on sirote en aveugle. Pas pour le plaisir gourmet. Mais pour jauger de la qualité des bois, issus de la forêt française, vieillis à l’air libre pendant vingt-quatre mois au moins et transformés en fûts de chêne. « Cette dégustation permet d’évaluer ce que le temps de séchage apporte au bois », explique Jean-Paul Palis, gérant de la tonnellerie, 6 500 barriques de chêne par an.

Cru forêt d’Orléans, millésime bois des Vosges, cépages hautes futaies du centre de la France, le liquide servi est « grosso modo du thé », explique Benoît Vallière, directeur commercial.

Les deux premières bouteilles ouvertes ont en commun l’origine mais divergent par l’âge : dix-sept et vingt-quatre mois. Au nez, peu d’accroche. En bouche, ça cause. « La dureté et l’amertume du premier ont été gommées avec le temps », tranche Benoît Vallière. « Le premier est assez floral. Le deuxième a des débuts de sucrosité, un bois qui se patine avec le temps, ce qui apporte un début de complexité », commente l’œnologue Olivier Chapt, directeur du laboratoire de Gensac, près de Cognac.

C’est de la forêt de Bercé, près du Mans, que proviennent ces essences de chêne. « Une des plus belles forêts qu’on utilise régulièrement », souligne Jean-Paul Palis, qui en connaît un rayon.

« Goût de punaise écrasée »

L’aspect « vanillé et tourbé » trahit les origines vosgiennes du troisième flacon, quand le quatrième impose le respect par son style « puissant et fin », dixit Benoît Vallière, qui en délivre la mosaïque d’arômes : brioché, coing, abricot sec. « Aromatiquement parlant, on pourrait croire qu’on est sur du vin. » Une alchimie puisée dans les racines, la forêt de Tronçais (Allier), et un séchage de vingt-sept mois. « On est optimal. Si on laisse plus, on va y perdre en texture. »

Le cinquième et dernier liquide aurait tout pour plaire. Ses origines : la forêt d’Orléans. Son séchage : trente-six mois. « C’est ce que souhaite n’importe quel cru classé. » Mais, en deux secondes, le jugement de Benoît Vallière l’assassine. « Un goût de punaise écrasée !. On est loin de l’effet escompté. Les caprices de la nature. On pourra désarmer l’amertume par un assemblage à la vapeur. »

Ajustement, dosage, réglages. De la fine ouvrage pour conquérir des parts de marché. Lancée en 2000 par des professionnels du vin, remise à flot après quelques déboires, la tonnellerie Bel Air croît à son rythme. Fortement tournée vers l’international (85 %) et l’Amérique du Nord. « Le marché français est difficile à démarcher, même si on a de belles références », admet Jean-Paul Palis, qui vise à terme « 10 000 barriques par an ».

Thierry Châtellier (source)