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[Interview] Eric Pastorino, nouveau président des vins de Provence

E. Pastorino ©Hervé Fabre-CIVP

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

01.07.2021

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Éric Pastorino, 59 ans, a été élu pour trois ans à la présidence du Comité Interprofessionnel des Vins de Provence, succédant à Jean-Jaques Bréban dans le cadre de l’alternance production-négoce. Ce grand défenseur du vignoble et du rosé, très impliqué dans l’action collective, reste président de l’ODG Côtes de Provence (depuis 2014) et du comité régional de l’INAO. Le vigneron varois préside également depuis 22 ans la cave coopérative de Gonfaron et la fédération des Syndicats de Producteurs de vins AOC du Sud- Est (Fraoc). Nous l’avons interrogé sur ses ambitions pour la Provence.

Quels sont déjà vos chantiers prioritaires à la tête de l’interprofession ?
Continuer à défendre la Provence comme une marque. Le rosé n’est plus une mode, maintenant tout le monde le sait, mais nous devons en garder le leadership et rester le « rosé des rosés » en s’attachant à valoriser et premiumiser. Il faut encore plus mettre l’accent sur l’environnement et le développement durable – dans trois ans, 70 % des entreprises afficheront un label environnemental, et créer une cellule R&D spécifique à la Provence qui centraliserait les données et rassemblerait la Chambre d’Agriculture, l’IFV, le cluster rosé, le Centre du Rosé… car nous sommes dans un terroir spécifique qui est particulièrement menacé par la sécheresse. Nous devons aussi capitaliser sur notre art de vivre qui comprend les vins, la qualité des hommes, la beauté de nos paysages, l’œnotourisme qui est un véritable atout à mettre encore plus en avant (les nombreuses médailles récoltées lors des derniers Trophées de Terre de Vins en sont une illustration). Nous devons aussi accompagner le mouvement accru par la crise du Covid du retour à la diversité et à la polyculture dans les exploitations avec le maraîchage, les oliviers, les amandiers, les grenadiers… Ce qui fait la typicité d’une exploitation varoise, celle qui existait déjà du temps de mes grands-parents et qui a souvent été retrouvée par les nouveaux arrivants.

Y a-t-il de nouveaux dossiers urgents à ouvrir ?
Nous allons nous pencher sur le passage des dénominations régionales en crus, a priori pour 2022, et en déterminer les conditions. Cela participera à la premiumisation et le fait d’être président régional de l’INAO va bien sûr aider. Nous allons faire un bilan du Centre du Rosé pour redéfinir des objectifs car au-delà du magnifique travail réalisé par Gilles Masson et son équipe, il faut répondre aux besoins accrus de la production et du négoce en faisant davantage de R&D comme sur la conservation des vins et le développement durable et en travaillant sur un modèle d’agro-écologie provençale dans le cadre du changement climatique. L’ODG a besoin de plus d’informations techniques et on posera les réflexions après les vendanges.

Côté marché, la stratégie est-elle toujours pousser l’export ?
Nous avons construit l’image du rosé aux États-Unis qui est un marché fortement valorisé et nous allons continuer à y conforter nos parts de marché tout en diversifiant le plus possible les débouchés, notamment en Asie et en Océanie tout en réengageant des actions sur nos marchés européens traditionnels. Mais il ne s’agit pas non plus de délaisser l’Hexagone, tout est question d’équilibre. Il est vrai qu’avec le fort développement de l’export, la commercialisation en GD avait été réduite et l’image du rosé de Provence à 3,50 € nous a fait du mal. Nous ne devons pas oublier ce circuit qui a réalisé de belles performances pendant le Covid et élargir la fourchette de prix de nos vins. L’IGP Méditerranée nous a pris des parts de marché en entrée de gamme mais de toute façon avec notre 1,2 million d’hectolitres pour les trois appellations, on ne pourra pas fournir le monde entier et il ne faut pas non plus oublier que le premium, ça se construit.

Vous allez continuer à œuvrer pour la défense de l’appellation Provence ?
La défense du nom est sans doute la chose dont je suis le plus fier dans le cadre du syndicat des Côtes-de-Provence et sur le modèle champenois, il ne faut rien laisser passer au niveau juridique pour protéger le nom. Nous avons d’ailleurs obtenu une reconnaissance dans plusieurs pays importants comme la Chine et la Russie et nous allons continuer à travailler notamment sur les marchés émergents. Cela ne doit pas nous empêcher de collaborer avec d’autres régions et pays qui élaborent des rosés et de multiplier les échanges, pourquoi pas dans le cadre d’un club de producteurs de rosé.

Comment faites-vous pour cumuler vos différents mandats ?
Ce n’est pas cumuler pour cumuler ni pour me rajouter une casquette supplémentaire. J’ai toujours pensé que l’interprofession était le prolongement du syndicat de défense des Côtes de Provence et nous sommes à une étape où les deux sont compatibles et même souhaitables pour suivre tous les chantiers ambitieux lancés ces dernières années. De toute façon, je n’aime pas naviguer seul, j’ai une excellente équipe avec moi à commencer par les deux directeurs Nicolas Garcia pour les Côtes-de-Provence et Brice Eymard à l’interprofession qui sont très volontaires et font partie de la « génération rosé ». Mais je compte aussi sur les vice-présidents Olivier Nasles, Jean-Jacques Bréban qui restera dans le prolongement de son mandat, et Philippe Laillet. C’est aussi un bel alignement de personnes qui se connaissent toutes, travaillent depuis longtemps ensemble y compris à la Chambre d’Agriculture avec Fabienne Joly et ce sera plus facile d’avancer ensemble. Nous allons travailler d’ici fin juillet à un plan stratégique pour les trois ans à venir. La continuité est indéniable mais une nouvelle présidence, ça sert aussi à poser les valises et avoir le courage de ses opinions pour faire un bilan d’étape qui permettra de consolider les acquis. Je suis un homme de la coopération et je ne suis pas pour les grandes révolutions mais pour l’évolution. Il faut toujours avancer en restant à l’écoute de chacun.