Dimanche 13 Octobre 2024
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22.11.2020
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« On ne peut pas se permettre de tout perdre » : le bio prend enfin racine dans les vignes de Bourgogne. Mais, tributaires d’un climat humide propice aux maladies, de nombreux producteurs entendent rester flexibles pour revenir au « chimique » si la récolte est menacée.
Dans la cave voutée à la lumière ténue, les meilleurs Meursault, Puligny Montrachet et autres Corton à plusieurs centaines d’euros la bouteille vieillissent parmi les effluves prometteurs de la part des anges. Peu a changé en trois siècles d’existence de Bouchard Père et Fils, à Beaune (Côte d’Or), mais bientôt, ce sera du vin bio qu’abriteront les 3.000 fûts soigneusement alignés.
« Le but est d’être totalement en bio sur nos 130 hectares en 2024 », annonce Frédéric Weber, maître de chai chez Bouchard, détenu par la famille Henriot. Au même moment, les 78 hectares de William Fèvre, à Chablis, autre domaine Henriot, passeront également en bio, soit un total de 208 ha: la plus grande entité bio du vignoble bourguignon.
« Il y a une lame de fond sur le bio », se félicite Didier Séguier, directeur de William Fèvre. Enfin !, pourrait-on dire. Car, dans le palmarès des surfaces bio, la Bourgogne n’est pas en tête: la Côte d’Or est 40e, sur 72 départements classés, avec 19% de sa vigne en bio ou en conversion, l’Yonne 55e (9,9%), la Saône-et-Loire 61e (8,2%) et la Nièvre 62e (7%), selon la plateforme Agence Bio.
« En Bourgogne, on n’avait pas besoin de ça pour vendre », explique à l’AFP Agnès Boisson, conseillère à l’association Bio Bourgogne. Mais « aujourd’hui, le bio, c’est incontournable », croit M. Séguier. Pas à tout prix cependant, avertissent nombre de viticulteurs bourguignons, qui rappellent qu’ils sont tributaires d’un climat humide favorable au mildiou. Ce champignon, que le bio peine à éradiquer, a déjà eu raison de nombreux vignerons. A l’image de François Ambroise, qui vinifie 20 ha dans la région de Nuits-Saint-Georges (Côte d’Or).
« Pas de corde au cou »
Labellisé bio en 2013, le vigneron a été touché par la mémorable attaque de mildiou de 2016. Pour « sauver » sa récolte, il n’a eu « d’autre solution » que de revenir à la chimie. « La décision a été dure, mais on ne peut pas se permettre de perdre une année », se justifie François, qui a de ce fait perdu sa certification bio.
Aujourd’hui sous la pression des clients qui réclament « de plus en plus » le label, le vigneron pense se certifier à nouveau. Sans pour autant se sentir pieds et poings liés. « Si un autre 2016 arrive, on repassera au chimique », lâche-t-il, mais pour tout de suite après revenir à l’agriculture « propre » qu’il pratique d’ailleurs depuis des décennies, « avec le label bio ou pas ».
« S’il y a un autre 2016, on avisera », confesse également Didier Séguier, de William Fèvre. « La question se posera: voulons nous perdre la récolte ? » Denis Pommier, lui, se refuse à « abandonner ». A la tête de 23 ha à Chablis, il a lui aussi voulu revenir vers le chimique en 2016. « J’ai acheté les produits ». « Mais je n’ai pas pu ».
« On a craint pour l’exploitation », mais « être bio, c’est une conviction », dit le viticulteur, rappelant qu’il s’était certifié en 2014 pour être « propre »: « notre famille a été touchée par des cancers ».
Selon plusieurs vignerons bio, la moitié d’entre eux sont revenus à la chimie en 2016, un chiffre que ne confirment pas les autorités. Mme Boisson peut en revanche affirmer que tous, « sauf deux viticulteurs », se sont réengagés dans une démarche bio dès la même année 2016, en repartant de zéro, soit trois années de conversion.
« Le bio, ce n’est pas la corde au coup », acquiesce Mme Boisson. « Si on perd sa certification, on peut la reprendre ». Même la solide maison Bouchard s’accorde le droit à la flexibilité: « S’il se présente un autre 2016, je ne peux pas vous dire qu’on acceptera de perdre toute la récolte », avoue Thomas Seiter, directeur des vins tranquilles chez Henriot, maison-mère de Bouchard. « On ne s’enferme pas », ajoute-t-il, assurant que « cela ne remet pas en cause l’engagement » en faveur d’une agriculture biologique, qui ne dépend pas d’un label.
Par Loïc VENNIN pour AFP
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